Violée en soirée, Céline raconte pour s’affranchir de la honte
Le champ lexical du viol parle de ses « victimes », les personnes qui l’ont « subi ». Une souffrance vécue dans sa chair par Céline, qui choisit pourtant plutôt de se décrire comme une survivante, et de chroniquer son retour à la vie via un compte Instagram qui (l’)affranchit de la honte et du silence qui pèsent encore sur les violences sexuelles.
La Liégeoise de 30 ans, qui se décrit comme une « survivante en quête de liberté », a fait le choix courageux de partager à visage découvert ce qui lui est arrivé. Courageux? C’est qu’entre les questionnements autour des tenues (« oui mais habillé·e comme ça… »), emploi du temps (« forcément, quand on est dehors à cette heure là… ») ou encore localisation (« ah ben oui, dans ce quartier… ») de celles et ceux qui dénoncent viol et/ou violences sexuelles, la culpabilisation des victimes va bon train, et déraille la plupart des tentatives de partager publiquement des histoires malheureusement bien trop banales. D’après les statistiques, 64% (!) des Belges de 16 à 69 ans ont ainsi été victimes d’une forme de violence sexuelle au cours de leur vie. Un chiffre qui comprend 81% des femmes et 48% des hommes belges, parmi lesquels 16% des femmes et 5% des hommes ont été victimes de viol. Victimes? Avec son pseudo Instagram, « Céline la survivante » balaie le qualificatif et raconte ce qui lui est arrivé, ce qui vous est peut-être arrivé aussi (64% !), mais qui ne la définit pas, loin de là.
Une soirée arrosée, l’alcool qui brouille les repères et rend moins conscient du danger, la réalisation tardive que quelqu’un qu’on pensait connaître n’est pas celui qu’on croyait, et puis l’agression, le choc, le stress post-traumatique et la nécessité d’apprendre à se réapproprier son corps. C’est tout cela et plus encore que Céline partage avec pudeur et sans pathos, invitant sur les réseaux et dans son intimité son métier d’assistante sociale. Car c’est bien de ça qu’il s’agit: le compte de Céline la survivante est une forme d’assistance aux personnes en danger.
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Céline, survivante, pas victime
Danger de sombrer, danger de se laisser prendre au piège du silence, de la honte et de la peur, alors même que les seules personnes qui devraient être consumés par la honte sont les agresseurs. Danger de se retrouver dans une situation similaire à la sienne, aussi, parce que la vérité, c’est qu’on n’est malheureusement jamais trop prudent·e. En partageant son histoire, Céline fait un travail de prévention et de réparation de la plus haute importance, confiant tantôt comment elle a « déserté ce corps qui (l’a) trahie et n’a pas su résister à la violence du choc » ou partageant les méthodes qu’elle a mises au point pour combattre son anxiété, entre fleurs de Bach et exercices de respiration profonde.
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Portée par les retours partagés en commentaires et en messages privés sur son compte Instagram, la jeune femme a décidé de lancer une cagnotte solidaire afin de lancer de nouvelles procédures judiciaires, et ce faisant, espère-t-elle, dire « stop à l’impunité des violences sexuelles, aux inégalités sociales et aux violences institutionelles ». Sa plainte pour viol et faits de voyeurisme à été classée sans suite et Céline n’a pas droit à l’aide juridique « car en Belgique le statut de cohabitant renforce les inégalités sociales ». Depuis les faits, « je souffre de stress post traumatique, de fibromyalgie, de troubles anxio-dépressif et de troubles alimentaires. Les conséquences des violences sexuelles sont niées par les institutions » dénonce encore cette survivante qui n’en a pas fini de se battre. Et rappelle, même si elle sait à quel point il est difficile d’en parler, l’importance de se confier à quelqu’un en cas de violences sexuelles. Même si, « vous êtes maîtres de votre reconstruction », qu’elle passe par un partage public ou par un parcours introspectif. Et ça aussi, c’est extrêmement important à rappeler pour se libérer de la honte.