Chez Mezcla, l'Espagne rencontre l'Iran à table

On a testé le restaurant iranien Mezcla en Neuvice, à Liège - DR Boulettes Magazine

On a attendu un an avant de s’attabler chez Mezcla (et c’est bien dommage)

avril 3, 2025

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C’est à l’hiver 2024 que Mezcla a accueilli les premiers gourmands en plein coeur de Liège. Ouverte par un jeune couple, Charline et Ārya, l’adresse met à l’honneur les doubles origines iraniennes et espagnoles de ce dernier au travers d’une carte aussi alléchante que dépaysante.

Pourtant, s’il nous avait fallu plus d’un an avant de tester cette table ouverte en février dernier, c’est précisément parce que de prime abord, son grand écart culinaire entre deux pays que plus de 6.000 kilomètres séparent nous semblait, si pas indigeste, à tout le moins un peu forcé. « Encore un resto qui tente de se faire remarquer en créant du buzz facile au mépris des papilles » qu’on s’était probablement dit avec le ton de vieux con qu’il nous arrive épisodiquement de prendre maintenant qu’on est du mauvais côté de 35 ans. Et c’était d’autant plus débile de penser ainsi que la raison pour laquelle Mezcla fait se rencontrer les cuisines espagnoles et iraniennes c’est parce qu’il s’agit-là des deux pays d’origine d’Ārya, moitié masculine du couple à l’origine du projet, qui a grandi en mangeant aussi bien des patatas que du baqala qatoq, et est donc bien placé pour savoir que ces saveurs se marient à merveille.

Dont acte à la carte de cette table chaleureuse de Neuvice, donc, qui donne envie de tout commander, et bon, puisqu’on a mis un an pour s’y attabler, autant y aller, non ?

Mélange de cuisines (et de clients)

On commence donc avec une assiette de chips maison, généreusement assaisonnés de pimenton, fleur de sel et coriandre et, il est de notre devoir de vous mettre en garde, dangereusement addictifs. En moins de temps qu’il n’en faut pour dire « ogre », on a déjà vidé l’assiette, et finalement, ce n’est pas plus mal, car bien qu’étant seulement deux en cuisine et en salle, Charline et Ārya assurent le suivi des services.

Certes, en ce jeudi soir à la veille du printemps, le resto n’est pas plein, mais tout de même, au vu du personnel réduit et de la diversité des préparations proposées, cela mérite d’être souligné – même si, ainsi que le fait remarquer mon compagnon de table, romantique dans l’âme, pour faire durer le plaisir et le date, on apprécierait presque que le déroulé soit un tout petit peu plus langoureux. Sans se presser, ni rien se refuser, on sera en effet restés un peu moins de deux heures sur place, chips, plats à partager et dessert canaille compris dans le timing.

Parfait pour ne pas aller se coucher trop tard un soir de semaine, nous répondrez-vous peut-être, et vous aurez raison. D’ailleurs, est-ce la qualité des assiettes, la fluidité du service ou l’ambiance chaleureuse qui font que le soir de notre visite, les autres convives sont un mélange éclectique de militants de gauche à la retraite, papa attablé avec ses ados et adorable couple à la table derrière nous ?

Ce qui est certain, c’est que Mezcla ne se contente pas de faire se rencontrer les spécialités perses et ibères, mais que c’est aussi un lieu qui fédère.

Découvertes culinaires

Et qui met tout le monde d’accord : avec un menu qui propose aussi bien des plats végés et viandards, qui alterne entre l’Iran et l’Espagne, les petites portions à picorer et les assiettes plus généreuses à partager, il y en a décidément pour tous les goûts, ou presque.

Commandées « pour goûter », et ainsi masquer la gloutonnerie sous le couvert de la curiosité journalistique, l’assiette iranienne (18 euros, assortiment de dips à base de yaourt et herbes fraîches, salade saisonnière, pickles de légumes, dattes fraîches et pain iranien) et sa variante de charcuterie ibérique (15,5 euros, diverses salaisons accompagnées de pain à l’ail servi chaud) sont non seulement complémentaires mais aussi et surtout, excellentes.

Est-ce parce qu’on avait (très) faim ? Quand arrive la suite, soit le kebab iranien et une portion de kotlet, de petites galettes perses à la viande de boeuf et de poulet, notre estomac ne fait pas mine de rendre les armes.

Au contraire, même, car il faut dire que les deux assiettes, accompagnées de légumes colorés, sont alléchantes à souhait.

Pas donné, mais…

S’il fallait faire un reproche à Mezcla, ce serait néanmoins peut-être celui-là : bien que tout à fait raisonnables au vu de l’exécution et de la qualité des ingrédients, ses prix ne sont pas tout à fait bon marché, et les portions, susceptibles de laisser les appétits les plus enthousiastes quelque peu sur leur faim – à moins de multiplier les commandes, et donc, de faire grimper le budget.

À deux, en ayant partagé 6 assiettes plus une crème catalane en dessert, sans oublier une grande bouteille d’eau pour faire passer tout ça et puis un excellent vin espagnol recommandé par Ārya, on s’en sort pour un peu moins de 150 euros. Pas donné, donc, mais après tout, rien ne vous oblige à suivre notre (gourmand) exemple et à commander la moitié de la carte.

Si votre budget ou votre appétit vous impose d’être un peu plus raisonnables, on ne peut que chaudement vous recommander d’opter pour la combinaison chips maison + assiette iranienne + kotlet, un délicieux trio qui ne vous coûtera « que » 37 euros, de quoi garder un peu de budget pour explorer les réjouissantes propositions de boissons avec ou sans alcool.

Un joyeux mezcla typique de Liège

Au moment de quitter Mezcla, on se dit déjà qu’on reviendra, et que la prochaine fois, on achèvera de goûter ces plats qui nous intriguaient, et qu’on tentera même peut-être le duo pluma ibérique et riz à l’iranienne pour avoir une idée un peu plus précise encore du goût que peuvent avoir les soupers de famille quand on a la chance d’avoir un pied dans deux pays qui célèbrent la gourmandise.

Cela ne séduira peut-être pas tous les gourmets, mais en ce qui nous concerne, la présence de Nārd, placide croisé de Charline et Ārya qui a passé la majorité de la soirée à siester sur un des tapis persans du restaurant, joue également en la faveur de cette table où l’ambiance est d’autant plus accueillante que la bande-son est minutieusement soignée par son duo de tête, aussi mordu de musique que de cuisine.

En résumé, c’est pile le genre d’adresses qui confèrent à Liège ce supplément d’âme qui fait que malgré tous ses défauts, on l’aime quand même. C’est inventif, audacieux, surprenant, délicieux, bref, bien follement principautaire, et cela se ressent aussi dans la clientèle, qui va de la famille de sortie au couple autant là pour dîner que pour se dévorer des yeux.

Tiens, et pourquoi « mezcla » ? Avec un sourire en coin, Ārya nous confie que contrairement à ce que pensent certains curieux, qui poussent la porte de l’établissement en croyant trouver un abreuvoir qui célèbre le mezcal, ils ont choisi ce nom tout simplement parce qu’en espagnol, il signifie mélange. Et celui-ci est décidément des plus réussis.