
L’été où le sirop de Liège est devenu sexy
Dans la famille des tartinables, le sirop de Liège est un peu la vieille tante. Nènenne la nonagénaire, une institution qu’on adore, qui réconforte et qui incarne la nostalgie d’un temps révolu qui nous manque. Du moins, c’était le cas jusqu’à un lifting encore plus réussi que celui de Kris Jenner, qui rappelle que non seulement le sirop n’est pas réservé aux tartines, loin de là, mais qu’en prime, il peut carrément être sexy aussi.
Sur vos tartines. C’est avec ces quelques mots que la page Sirop de Liège lancée par la siroperie Meurens accueille (en français et en néerlandais) ses visiteurs. Le message est sans équivoque : de Lindsay Lohan à la matriarche du clan Kardashian, toutes les stars dévoilent de nouveaux visages liftés avec maestria, et il en va de même pour la star des ingrédients liégeois.
La promesse : loin de se cantonner à la tartine rétro trempée dans le café ou au stron d’poye au nom à peu près aussi sexy qu’une haleine aux relents de fromage de Herve, le sirop se savoure « du petit-déjeuner au dessert, du sucré au salé » et « se prête à tous les goûts ».
« Une larme de sirop et BOOM : la saveur est instantanément rehaussée ! » assure-t-on chez Meurens.
Et parce qu’en cuisine, le poids des mots n’est rien sans le choc des photos, la siroperie a eu la savoureuse idée de collaborer avec l’agence Fightclub, qui a quant à elle fait appel à la compagnie de production KXRXT ainsi qu’à l’excellent duo derrière le studio BURP, Erik Vernieuwe et Kris De Smedt.
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Leur spécialité ? Des visuels ultra léchés, construits comme autant de sculptures cinégéniques au possible, qui ne se contentent pas de montrer mais bien aussi de raconter, évoquer, titiller.
Et le moins que l’on puisse dire, c’est que leurs photos envoient la sauce le sirop.
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« Humour, je précise »
« Fightclub nous a contactés pour nous demander si nous avions envie de photographier, dans notre style, des recettes à base de sirop de Liège.
L’idée était surtout de créer une ambiance qui montre qu’il s’agit de bien plus que simplement l’étaler sur une tartine — les possibilités sont infinies.
Nous aimons relever des défis, et nous sommes toujours partants pour une mission quasi carte blanche, surtout avec une marque iconique… et c’est bien ce qu’est le sirop de Liège » raconte Erik Vernieuwe, rappelant au passage que malgré son identité très Principautaire, ce produit est un véritable trésor national.
Après tout, lors de notre long entretien pour SIROP (le magazine, pas la mélasse), Els Pynoo n’avait-elle pas affirmé avec enthousiasme en avoir toujours un pot chez elle et adorer en accompagner son autre coup de coeur culinaire, le fromage ? Jawel, et ainsi que les petits pots bleus qui s’invitent à bien des buffets de petit-déjeuners d’hôtel à la côte belge en attestent, elle est loin d’être sa seule adepte de l’autre côté de la frontière linguistique.
« Nous sommes partis de l’emballage que tout le monde connaît. L’identité visuelle du sirop de Liège est tellement reconnaissable qu’il aurait été dommage de ne pas l’exploiter » poursuit Erik. « Nous y avons ajouté une touche pop art et nous nous sommes surtout fiés à notre ressenti et à notre expérience pour transformer une série très variée en un ensemble cohérent. Chaque photo et chaque recette est aussi une petite histoire, que nous imaginons parfois simplement sur le moment ».
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Des histoires qui, contre toute attente, sont osées, ironiques, irrévérencieuses et même, carrément sensuelles.
Balancer un visuel invitant à « suck my balls » en précisant que le sirop peut accompagner « your balls or your sausage » ? Personne n’en rêvait, la siroperie Meurens et sa team de choc l’ont fait, et on applaudit bien fort l’audace.
« Cet humour est important pour nous, il est universel et plus que nécessaire dans le monde actuel. On voulait créer des images old school, mais qui donnent le sourire » confie encore notre interlocuteur.
Daiquiri au sirop, beurre fouetté, mais aussi midnight stoner de luxe, histoire de donner aux remèdes aux munchies et autres réconfort de lendemain de veille un bon goût de pommes, sans oublier la provocation sublime d’une recette de pâtes nommée « straight until it gets wet » c’est-à-dire, si l’on traduit ce (formidable) jeu de mots, « hétéro jusqu’à ce que ça mouille » – on le dit, on le répète, ceci n’est plus le sirop de mamy.
Et putain, qu’est-ce que c’est chouette.
La Vénus de Sirop
Dans un paysage où la coolitude semble être placée résolument au nord tandis que le sud du pays oscille souvent entre « authentique » (mais pas vraiment sexy) et « alternatif » (qui ne fait pas toujours rêver) ce coup de jeune n’est pas seulement bienvenu, il est nécessaire.
Et pas que pour le sirop de Liège : quel fleuron wallon ne pourrait pas bénéficier d’une approche aussi novatrice et décomplexée ?
D’autant qu’ainsi que l’assure Erik Vernieuwe, « avec la bonne lumière, on peut rendre n’importe quoi sexy ». Oui, même un assortiment de légumes à la croque avec trempette au sirop, confer l’installation gourmande et colorée sortie de l’imaginaire de Burp pour mieux nous allécher. « Cette grande nature morte avec des légumes est un véritable exercice d’équilibriste : ce n’est pas simple à installer car, pendant la construction, tout s’écroule régulièrement. En même temps, c’est aussi la partie la plus amusante, car il n’y a aucune limite et ce sont les produits qui dictent la direction à prendre. Ce genre de compositions est toujours un peu un électron libre, qui peut partir dans tous les sens ».
Et c’est ça qu’on veut voir.
Une Vénus de Sirop en beurre fouetté ? Oui, merci. Des cool kids qui sortent joyeusement leur pot au bleu aussi reconnaissable que celui de Tiffany (oui) de Berlin à Paris ? C’est l’évidence même ! Liège est bonne, Liège est drôle, Liège a un goût incomparable, et si c’est le sirop de notre enfance et de celle de tous les Lîdjeux qui nous ont précédés qui parvient à en convaincre le reste du monde, comptez sur nous pour tartiner.
Envie de découvrir toutes les recettes 2.0 au sirop de Liège ?
Et du côté de la siroperie Meurens, tiens, qu’est-ce qu’on pense de ce clapant lifting ?
Quatrième génération avec ses cousins Patrick et Olivier a gérer l’entreprise familiale, Bernard Meurens, administrateur délégué, se dit ravi. « On avait envie de donner un coup de jeune au sirop et de le redynamiser.
On remarquait qu’il était surtout apprécié par des consommateurs plus âgés, et que les jeunes le connaissaient moins.
Les habitudes alimentaires ont changé, on ne mange plus des tartines comme avant » note celui qui ajoute que c’est tout sauf un problème, puisqu’ainsi que l’identité 2.0 de cette bonne pâte l’a prouvé, « le sirop ne peut pas être consommé que sur du pain ».
Et Bernard Meurens en sait quelque chose : intolérant au gluten, il confie ne jamais manger de tartines de sirop. Un comble, pour l’héritier d’une dynastie de siropiers ? « Je l’intègre dans plein de sauces différentes », dont celle, mythique, du chevreuil mariné au vin rouge et au sirop préparé chaque Noël par sa grand-mère. Et si elle était encore là, qu’aurait-elle dit de ce virage plein d’audace ?
« Il faut se rappeler qu’à l’époque du lancement de la siroperie, le Nutella n’existait pas, donc le sirop était avant tout consommé par les jeunes ».
Comprendre : si cette nouvelle manière de le mettre en avant peut sembler osée, elle n’est finalement qu’un retour plein de bon (délicieux ?) sens vers le public premier du sirop de Liège. « Une marque qui n’évolue pas et qui n’adapte pas sa manière de communiquer est une marque qui disparaît » affirme Bernard Meurens.
Pas de risque que cela arrive au sirop de Liège. Et si, d’aventure, Nènenne venait à avaler de travers en voyant les visuels, notre interlocuteur rappelle en souriant qu’ils ne sont « pas à prendre au premier degré ». On ajoutera, par contre, qu’ils sont à kiffer sans modération.
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