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avis menu danieli liège DR Boulettes Magazine

Le Danieli est mort… vive le Danieli?

La saga aura fait saliver le petit monde des gourmets liégeois: d’abord appelé à fermer, puis repris en tandem, le Danieli continue aujourd’hui sans Daniel(i), qui a fait place à Yann-de-chez-Cabale et à son approche décomplexée de la gastronomie italienne. Comprendre: il n’hésite pas à délaisser les classiques au profit d’interprétations qui évoquent le soleil sans forcément Botter le palais. 

Mais d’abord, la saga, donc. Même si, et cela décevra peut-être celles et ceux qui espéraient de juteux ragots à se mettre sous la dent, on ne s’appesantira pas sur les détails. Le Danieli était en faillite. En voisins fans de l’établissement et de son patron, Yann et Tina, le jeune couple à l’origine de l’ultra sexy Cabale, se sont proposés pour le reprendre avec lui. Malheureusement, les relations personnelles, aussi cordiales soient-elles, ne forment pas toujours de solides bases pour une collaboration professionnelle, et quelques mois après l’annonce de leur partenariat, Yann est désormais seul à la barre (enfin, avec son équipe, vous l’aviez compris). Daniel a en effet quitté l’établissement tandis que Tina, elle, se consacre à 100% à Cabale. Une aubaine, pour le couple, qui partageait jusqu’ici vie privée et professionnelle, et peut ainsi avoir le temps de se manquer pour mieux se retrouver une fois la dernière table débarrassée.

Et si les rumeurs en tout genre vont bon train depuis les divers rebondissements récents au Danieli, on pointera que lors de notre dernière visite, étaient attablés à la table la plus proche de la cuisine Jonathan et Maya, du Moment, soit les anciens employés de Yann. Avec qui la collaboration ne leur a donc clairement pas laissé un goût amer, que du contraire.

Voici pour le contexte. Mais on n’est pas là pour potinter. En tout cas, nous, ce n’est pas pour ça qu’on y allait, mais bien plutôt pour manger. Et dans l’assiette, alors, qu’est-ce que ça donne?

Lire aussi: La Géorgie de Cabale est un pèlerinage sensoriel

Bonne surprise

Encore un peu de contexte, d’abord: on était très fans du Danieli, même si on n’y allait qu’en été, parce qu’avec les pavés chauffés par le soleil, la fontaine qui glougloutait, les Spritz ultra généreusement servis (et pas hors de prix) et le vitello tonnato sublime, à chaque fois, ça ne loupait pas, on se sentait un peu transportés dans le Trastevere.

Et puis on surkiffe Cabale, aussi, qui est d’ailleurs selon nous une des 5 meilleures tables liégeoises, entre préparations soignées, sexy et surprenantes, valorisation d’ingrédients qu’on n’a pas ou plus l’habitude de voir à table et ambiance chaleureuse sans basculer dans la cacophonie bonne franquette. Bref: kif.

La rencontre des deux, par contre? C’est suffisamment rare pour être souligné, mais pour une fois, on n’avait pas dévoré la carte avant de s’y attabler, et on ne savait donc pas à quoi s’attendre.

Des classiques italiens exécutés avec amour, comme au temps du Danieli de jadis? Une fusion italo-géorgienne, peut-être? Ou bien, comme chez Cabale, des préparations qui puisent leur inspiration dans la cuisine d’un pays, mais sans se laisser contraindre par des frontières culinaires?

C’est résolument dans ce troisième cas de figure qu’on se situe et si, on l’avoue, le vitello nous manquera probablement toujours un po, la magie opère d’autant plus qu’à 45 euros le menu 4 services avec mise en bouche et ingrédients fins en veux-tu en voilà, on a la délicieuse conviction de faire une sacrée affaire.

L’Italie autrement

Au menu ce soir-là? En préambule, un tartare de thon rouge agrémenté officiellement de « yaourt et menthe », en réalité relevé de nombre d’autres herbes ainsi que d’oléagineux pour apporter texture et complexité à une assiette des plus réussies, qu’on se surprend à racler bruyamment avec la fourchette pour ne pas en perdre une miette.

Ensuite, un cannelloni burrata fumée et champignon des bois, affligé de la malédiction de la plupart des plats qui jouent à fond la carte du réconfort, c’est à dire, pas très photogénique. Mais par contre, goûteux au possible. Peut-être un brin trop salée pour les palais sensibles, la sauce, caractérielle sans non plus malmener le reste de la préparation, épousait à merveille les saveurs plus douces du cannelloni, comme un clin d’oeil au Danieli d’avant. Là aussi: carrément réussi.

À l’arrivée du plat principal, très généreusement servi, l’appétit venait presqu’un peu à manquer. Surtout qu’avant les deux services susmentionnés, il y avait eu une mise en bouche, et puis aussi, gourmandise oblige, une portion d’olives et une autre de charcuterie à partager par la tablée. Charnues et savoureuses, les olives étaient le complément parfait à la portion de salumi italienne, sélectionnée avec soin et relativement bon marché au vu de la qualité des produits proposés.

Tout ça pour dire qu’on n’a pas fini notre assiette, mais qu’ainsi que nous l’a confirmé le fan de pêche attablé avec nous ce soir-là, l’omble chevalier, d’ailleurs protégé dans nos contrées, était aussi bien cuit que servi. De toutes les assiettes, c’est peut-être celle où l’on goûtait le plus l’influence de Cabale et où, si l’on est honnêtes, la touche « Danieli » venait le plus à manquer.

C’est qu’à Liège, les restaurants italiens ne manquent pas, certes, mais ceux où on savoure une cuisine authentique et goûtue dans un cadre élégant, eux, se comptent sur les doigts d’une main. Et bien que ce poisson raffiné servi sur un lit de purée colorée et relevé d’algues, très « nouvelle cuisine », ait été parfaitement exécuté, disons qu’une pasta délicieusement twistée ou bien une variation autour des plats de viande dont les chefs italiens ont le secret auraient peut-être fait encore plus plaiz’.

Avant-après

Mais peut-être ne faut-il y voir qu’un peu de nostalgie pour ces soirées d’été où Hors-Château prenait de faux airs de rive gauche du Tibre? Certo. D’autant que du reste, on a très bien mangé. Tout juste faut-il savoir qu’il est bon de venir ici pour s’offrir sans se ruiner une gastronomie inventive, plutôt que pour assouvir une faim de plats « comme là-bas ».

Tout au long du repas, Max, la petite chienne croisée adoptée récemment par Yann, n’aura eu de cesse de se balader d’un air curieux dans la salle, ajoutant encore au plaisir d’être là. C’était la veille des Coteaux, c’est à dire, d’une affluence sans précédent dans l’établissement, mais à aucun moment le service n’a laissé transparaître la moindre trépidation. Accueillante et chaleureuse, cette table ambitieuse (mais sans se prendre la tête) semble bien décidée à répliquer la recette du succès de Cabale, et on en redemande.

D’autant que comme à quelques mètres de là, le couple de patrons, qui aime décidément recevoir, veille à ce que tout le monde s’y retrouve. En appliquant des prix doux, certes, mais aussi, avec des propositions qui conviennent aussi bien aux végétariens qu’aux viandards, ainsi qu’une pensée particulière aux personnes qui ne boivent pas d’alcool. Et qui se délecteront autant des créations maison que les amateurs de vin, séduits lors de notre visite par l’accompagnement proposé avec le menu.

Bref, ce n’est plus le Danieli d’avant, mais on a passé un excellent moment dans sa version actuelle, à laquelle on prédit un savoureux futur. Et oui, l’utilisation enthousiaste du champ lexical du temps dans la phrase précédente nous réjouit presqu’autant que la vision adorable de la petite truffe de Max durant notre repas. Bon appétit a tutti!

Le Danieli

Rue Hors-Château 46, 4000 Liège / Réservations au 0496 40 22 42 ou via thefork

Ouvert LU-JE-VE-SA midi et soir, et le dimanche de 12 à 16h

Journaliste pour Le Vif Weekend & Knack Weekend, Kathleen a aussi posé sa plume dans VICE, Le Vif ou encore Wilfried, avec une préférence pour les sujets de société et politique. Mariée avec Clément, co-rédacteur en chef de Boulettes Magazine, elle a fondé avec lui le semestriel SIROP, décliné à Liège et Bruxelles en attendant le reste du pays.