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Radios indépendantes Liège

Vivre et survivre : le SOS des radios indépendantes liégeoises

Entre appel au secours, cri du coeur et plaidoyer pour la liberté, Julie Baré, journaliste depuis 6 ans pour la radio locale indépendante Panach Radio nous livre un regard incisif sur l’agonie de son milieu professionnel. Un SOS radiophonique au doux parfum hertzien.

On apprenait récemment dans la presse que Panach Radio, basée à Seraing depuis 10 ans maintenant, allait peut-être bientôt disparaître. Ses employés ont en tout cas tous reçu leurs préavis, dans l’attente qu’une solution se dégage pour sauver leurs emplois. Une histoire parmi d’autres, celle de Julie, qui refuse de rendre l’antenne avant d’avoir pu se faire entendre une dernière fois. Pour l’amour de la radio et de la liberté d’émettre.

Les belles années des radios indépendantes dans la Province de Liège 

Elles étaient vraiment, mais vraiment, nombreuses. Elles s’appelaient Radio Basse Meuse, FM 56, FM La Meuse, Radio Liège, Radio Kawa, Radio Bois-de-Breux… Les radios indépendantes des années 80 ont marqué l’histoire radiophonique liégeoise, c’est certain. Face à la seule radio publique, les radios libres apportaient un vent de fraîcheur, du sang neuf, de la liberté et donnaient la parole aux auditeurs, tout en apportant de l’éclectisme musical comme on n’en fait plus. La proximité et la disponibilité des animateurs et des journalistes des radios locales expliquaient aussi leur succès. Tout le monde pouvait passer à l’antenne, s’exprimer, se présenter, choisir les « morceaux » qui passaient.

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En entendant les récits de l’époque, je me suis toujours imaginée sur le bateau de « Good Morning England » (mais sur les bords de Meuse, du coup). Les studios dans lesquels je travaille aujourd’hui ne manquent pas de me rappeler comme « avant, c’était tellement mieux »: ce sont les anciens studios de Radio Ciel, qui était une incontournable à son époque, et qui fait briller une étincelle nostalgique dans les yeux de tous les animateurs et journalistes qui sont passés un jour par ici. Ce devait être trop beau.

Petit à petit, ces nombreuses « petites » radios se sont vues une à une récupérées par de plus grands groupes. Les radios indépendantes, doucement, ont perdu leur fraîcheur et leur authenticité. Mais aussi leur liberté. Pour survivre, un formatage était nécessaire. Parce que souvent… pas de sous, pas de radio.

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L’existence et la survie des radios indépendantes, ce sont les bénévoles.

Ce qui faisait et fait encore aujourd’hui perdurer les radios indépendantes, ce sont les bénévoles. De courageux passionnés qui donnent de leur temps libre pour partager, faire découvrir, informer,  et donner la parole. La preuve dans cet extrait d’un rapport de 2015 du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel concernant les radios indépendantes en Fédération Wallonie-Bruxelles :

« Dans un contexte où seules 13 radios sur 74 dépassent les 100.000 € de chiffre d’affaires, la viabilité des radios indépendantes est pour la plupart d’entre-elles garantie par l’intervention des bénévoles, avec une moyenne de 31 bénévoles par radio. Près de 2.300 bénévoles sont actifs dans le paysage radiophonique belge francophone avec une moyenne de 4,2 heures prestées par semaine et par personne. »

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Aujourd’hui, il reste 17 radios indépendantes dans notre Province. 

Elles ont reçu l’autorisation d’émettre du CSA pour les 9 prochaines années, lors DU grand défi de l’appel d’offre. En voici la liste : Radio Prima (Liège), 48FM (Liège), AFM Radio (Amay), Div’ Radio (Verviers), Equinoxe FM (Liège), Impact FM (Malmedy), Panach Radio (Seraing), Radio 4910 (La petite nouvelle, à Theux), Radio Fagne Bleue (Verviers), Radio Fize Bonheur (Fize-Fontaine), Radio Plein Sud (Saint-Georges-sur-Meuse), Radio Plus (Grâce-Hollogne), RadioHitalia (Loncin), RCF Liège (Liège), Radio Ourthe Amblève (Sprimont), Turkuaz FM (Seraing) et Warm (Seraing).

Ces radios tournent plus qu’essentiellement grâce à des animateurs et à des journalistes bénévoles passionnés, et une toute petite partie seulement est subventionnée d’une manière ou d’une autre, ce qui permet la « survie ».

Radios indépendantes liège

… Et dans tout ça, Panach Radio

Nous sommes une des rares radios indépendantes à employer à temps plein du personnel. (ou comme il m’arrive d’appeler mon poste, « Le Saint-Graal journalistique »). L’équipe est composée, entre autre, de 3 journalistes. Nous, on vit de la vente de nos flashs d’informations à plusieurs autres radios indépendantes, de la publicité, et des subventions de la Ville de Seraing reçues au fil des années. De débrouillardise, aussi. Le défi financier est cependant toujours de taille, car on fait rarement le poids. Ajoutez à cela le challenge du passage au DAB+ qui, s’il est préparé depuis de nombreuses années dans les grands groupes, peut sembler être une ascension de l’Everest pour les autres. 

« On survit tous »… est une déclaration fréquente dans le milieu des médias locaux (pas que de la radio, évidemment). Ce qu’on a tendance à oublier, c’est que les radios indépendantes sont l’engrais des talents de demain : rares sont les animateurs et journalistes a avoir été propulsés au devant de la scène sans être passés par la case locale. Les médias locaux sont aussi la maternité de projets nouveaux et innovants : la liberté reste de mise et l’originalité peut éclater sans devoir passer par d’interminables échelles hiérarchiques. Elles sont donc, selon moi, essentielles et mériteraient plus d’attention. Et puis surtout de pouvoir voir plus loin dans l’avenir, sans s’inquiéter autant. 

"Born and raised" à Liège, Julie est devenue journaliste radio après ses études en communication à la HEPL. Fan de l'actualité de la Cité Ardente et de son arrondissement, des initiatives citoyennes, des nouveautés décalées, et de tout ce qui touche de près ou de loin au chocolat, elle aime aussi parfois partager sa vision des choses... Mais avec humour, en bonne Liégeoise qui se respecte.