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RESA fait des badges: n’èst-ce nin une arnaque ?

Est-ce que RESA (ex groupe Nethys) spolie les droits intellectuels de deux malicieuses et talentueuses commerçantes liégeoises ? Face à la rumeur qui gronde, les images parlent d’elles-mêmes…

N’est-ce nin chose?  C’est une histoire comme on les aime à Liège.  Une histoire qui débute dans un fou rire autour de la table de cuisine.  Catherine Fourneau et Cécile Debehogne font les biesses.  Elles se remémorent les héros de dessins animés et de séries de leurs enfances dans les années ’70 et de leur adolescence dans les années 80.  Elles rient et dénichent des photos délicieusement vintage :  « N’est-ce nin…. ? » et l’autre répond « ben chose, hein… ».  Hilares, elles décident de créer des badges.

Une publication sur les réseaux sociaux plus tard, elles en vendent 40 le premier jour.  Ah ouais quand même.  Toutes les célébrités qu’elles aiment y passent :  Samantha de Ma sorcière bien aimée, Isaac Newton de la Croisière s’amuse.  Mais aussi Audrey Hepburn, Nelson Mandela et la Reine d’Angleterre.

Le concept peut se décliner à l’infini : une photo barrée du drôlissime slogan qu’elles rendent culte dans la région.

Elles aiment singulièrement Liège, leur coups de génie est de badger nos personnalités locales.  Quand elles offrent à nos mayeùr Willy Demeyer un badge à son effigie, il manque de s’étouffer et lâche un  oh non didju ! .  A pleurer de rire !

N’est-ce nin chose infiltre le folklore liégeois.

Cécile a un sens créatif particulièrement affuté.  Elle propose à sa comparse des déclinaisons de leur concept dans un esprit typiquement liégeois :  ainsi naissent la Tchantchès Academy, les Tchantchorettes, la Tchantchitude récompensée par les Tchantchès awards. N’est ce nin chose collabore avec d’autres Liégeois connus.  Le photographe Goldo, qu’on ne présente plus, leur cède des droits sur sa photo de nain de jardin.  Un succès consacré par les fans.

Travaillant en réseaux avec les acteurs socio-culturels, elles prennent conscience que le quotidien des Liégeois est égaillé par des œuvres d’art, des fresques, du street art.  Tout le monde les reconnait mais bien peu sont capables de citer le nom des artistes qui se cachent derrière les œuvres.  N’est ce nin un artiste liégeois se fait éducatif et ludique. Le temps d’un été, Neuvice expose sous forme de drapeaux les œuvres plus emblématiques de l’espace urbain.  Une initiative pour identifier les créations visuelles et leur associer un nom.  Une idée géniale qui se développera prochainement en collaboration avec l’échevinat du tourisme.

On n’a pas peur de dire que N’est-ce nin chose est devenu d’utilité publique.

Catherine joue à la vendeuse. Elle joue selon les règles

Catherine tient boutique en Neuvice où elle vend des tchiniss plus décalés les uns que les autres et des chiques aux saveurs oubliées dans un coin de grenier.  C’est son rêve d’enfance et elle l’a créé progressivement. Licenciée en communication, pour devenir une commerçante avisée, elle s’entoure, se renseigne, se forme au marketing et au droit de l’entreprise.  N’est-ce nin chose est un concept porteur, elle le fait protéger.  Sur la page Facebook, est fièrement arboré le certificat d’enregistrement délivré par l’Office Benelux de la Propriété Intellectuelle (l’OBPI).

Jusqu’au 16 mai 2027, Catherine et Cécile sont, dans le Bénélux, les seules à pouvoir exploiter le signe distinctif « N’est-ce nin chose ? » sur une longue série de produits, y compris les badges de campagnes, les badges ornementaux et les broches.

Cachez ce badge qui ne nous appartient pas

À la mi-décembre, Catherine reçoit la photo d’un badge vert sapin, flanqué du logo RESA.  Sur celui-ci écrit en lettres rouges et blanches l’expression maintenant consacrée « N’est-ce nin Patrice de RESA ? ».  On ne connait pas le Patrick en question.  Peut-être a-t-il reçu ce badge en cadeau de la part de ses collègues : une petite blague.  Peut-être RESA a-t-elle réalisé un badge de ce type pour chacun de ses employés.

Quoi qu’il en soit, ce badge n’est pas de la main de Catherine ni de Cécile.  Immédiatement, elles préviennent leurs clients afin d’éviter un amalgame et proposent, non sans humour, d’offrir à Patrick un badge original.

RESA est une intercommunale, un groupement public comprenant la Province de Liège et de nombreuses communes de cette province.  Sa mission est de gérer les réseaux d’électricité et de gaz parcourant les communes concernées.  RESA achemine chez les consommateurs l’énergie qu’ils achètent aux fournisseurs de leur choix. Suite au scandale Publifin, il y a deux ans, le gouvernement wallon a exigé que RESA sorte de ce groupe afin d’éviter tout croisement financier avec Voo et les autres entités du groupe.  RESA a choisi de s’organiser en société anonyme.  C’est une entreprise comme les autres soumise aux mêmes règles de loyauté, de professionnalisme que toutes les entreprises sur le marché.  Elle doit, en plus, se conformer à des règles spécifiques liées à sa mission de service public.

Si seulement il en avait été autrement.

Qu’aurait dû faire une entreprise désireuse de réaliser des badges humoristiques ?

Lorsque le projet est encore au stade de la simple idée, il faut vérifier que personne ne possède de droit intellectuel.  Aujourd’hui, cette vérification est à la portée de tous.  L’OBPI a créé une base de données avec moteur de recherche.  On peut vérifier que ni marque, ni signe, ni idée similaire n’a déjà été déposé.  En effet, en matière de propriété intellectuelle, le plus rapide gagne : c’est la règle de l’antériorité.

Si la marque, le signe ou l’idée est déjà protégé, il faut soit concevoir autre chose, trouver une autre idée originale, soit contacter le ou les détenteur(s) du droit intellectuel.  En étroite collaboration, il est possible de trouver une solution qui conviennent à tous.

Dans ce cas-ci, Cécile et Catherine auraient pu réaliser les badges et les vendre à RESA ou elles auraient pu être rémunérées pour l’utilisation par RESA de leur concept.

Et après ?

En commentaire sur sa page Facebook personnelle, Catherine explique qu’un mail sera prochainement adressé à RESA.  C’est en effet la première étape indispensable avant tout autre action.  Informer RESA de l’existence d’une marque déposée,  expliquer que le badge en question constitue très certainement une violation de la propriété intellectuelle que cette marque confère et mettre en demeure RESA de cesser toute utilisation non autorisée de cette marque.

Lorsqu’une telle mise en demeure n’est pas suivie d’effet, il existe plusieurs actions en justice possible, qui seront soumises à des juges spécialistes des questions de propriété intellectuelle.  Généralement, lorsqu’un juge est convaincu qu’il s’agit d’une contrefaçon, il en interdit l’utilisation et l’exploitation, éventuellement sous peine de sanction financière.

Nous attendons avec un intérêt non dissimulé la réaction de RESA.  L’enjeu n’est pas de pointer d’un doigt accusateur tout écart de conduite d’une société appartenant ou sortie du sulfureux groupe industriel Publifin (même si ce petit jeu est très tentant, l’on en convient).

L’enjeu réel est de s’assurer que tous les créateurs de notre région puissent laisser libre court à leur imagination et réaliser leurs projets.  Nous avons besoin de magie et de malice au quotidien.  De nains de jardin colorés badgés sur nos fières poitrines et d’œuvres d’art sur nos murs. Nous avons besoin de couleurs dans nos vies et nos villes.  Les malicieuses créatrices ont besoin de rire dans leur cuisine sans crainte du lendemain.  Elles ont besoin d’argent et de respect.  Nous attendons votre réponse, RESA.

 

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