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3 jeunes liégeoises racontent leur combat contre le cancer - DR Boulettes Magazine

« 20 ans et en chimio », récit du combat de trois jeunes femmes contre le cancer

Quand le diagnostic de « cancer » est posé, c’est toujours injuste, inattendu, trop tôt, quel que soit l’âge de la personne qui le reçoit. Mais si celle-ci vient à peine d’entrer dans l’âge adulte, tous ces qualificatifs ne sont que plus cruellement ressentis. Diagnostiquées au sortir de l’adolescence, 3 jeunes lectrices de Boulettes Magazine ont accepté de raconter leur combat. 

Entre peurs, espoir, incertitude, traitements qui font autant de mal qu’ils font du bien et difficulté d’être confrontées à des questions de vie ou de mort à l’heure ou leurs pairs ont des vies bien plus légères, leurs témoignages sont aussi précieux que poignants.

Zoé, 22 ans, a reçu son diagnostic en plein confinement

« On était en 2021, en plein confinement. Quelques semaines auparavant, j’étais allée chez ma dermatologue pour réaliser mon check-up annuel, et en pleine période d’examens de Noël, elle m’a annoncé que je devais revenir dans son cabinet pour me faire enlever un grain de beauté. Ce que j’ai fait aussi rapidement que possible… Et qui m’a valu de passer un examen oral sous l’effet de l’anesthésie! Sur le moment, je ne me doutais de rien, mais une semaine plus tard, j’ai compris que quelque chose n’allait vraiment pas quand la médecin m’a dit qu’elle avait fait une biopsie et que les résultats étaient mauvais. Elle a fait venir son responsable de service, qui a regardé le dossier d’un air inquiet mais ne m’a rien dit de plus, et la dermatologue m’a dit de la rappeler dans une semaine pour avoir le diagnostic définitif.
Quand on a que 19 ans, l’attente paraît très longue, et surtout, on se fait plein de films. Ma mère a rappelé le cabinet quelques jours seulement après la visite, et c’est au téléphone que j’ai appris que j’avais un cancer de la peau. En entendant ça, j’ai immédiatement fondu en larmes. J’étais incapable de parler, mais heureusement, j’avais préparé une liste de questions que ma mère a pu poser à la dermatologue. Je me disais que j’allais devoir faire de la chimio, perdre mes cheveux et être enfermée à l’hôpital, mais par chance, je n’ai rien eu de tout ça. J’avais très peur, je ne voulais pas mourir, ni souffrir, et moi qui déteste les hôpitaux, je craignais de devoir y passer beaucoup de temps. J’ai eu la chance que mon médecin traitant me rassure en me disant que la maladie n’en était qu’à un stade précoce, mais il m’a fallu plusieurs mois avant de mettre toutes ces peurs derrière moi.
On m’a opérée, puis j’ai dû faire de la kiné pendant 10 mois, parce que j’ai été paralysée du bras droit de manière inexpliquée, mais le plus douloureux, ça a été les examens précédant l’opération. La scintigraphie et le PET scan sont tous les deux douloureux à cause des aiguilles et du produit administré, mais on n’en parle jamais. Le pire? L’oncologue qui m’a demandé d’arrêter de pleurer parce que je n’avais « qu’un petit cancer ». J’avais bien conscience de ne pas être en phase terminale, mais entendre ses mots m’a juste rajouté un sentiment de culpabilité.
J’ai de la chance d’avoir été très bien entourée: mes proches m’ont permis de tenir le coup mentalement, et je ne sais pas comment les remercier. Confinement oblige, ils ne pouvaient pas m’accompagner lors de mes traitements, et je me souviendrai toujours des adieux déchirants avec ma mère quand elle a dû me laisser aux portes de l’ascenseur de l’hôpital le jour de mon opération… Aujourd’hui, cela fait plus de 3 ans que je suis en rémission, et je n’arrive toujours pas à mettre cette histoire derrière moi. J’ai écrit un livre pour tenter de dépasser ça, et le fait d’avoir tout mis sur papier et de traduire ces moments douloureux en mots m’a permis de réaliser que c’était terminé, et que je pouvais avancer. Même si j’appréhende toujours les premiers rayons de soleil, et que je me protège toujours au maximum dès que je m’expose, entre crème solaire, chapeau et lunettes UV. Sur le moment, je n’ai pas vraiment eu l’impression de « lutter » contre la maladie, parce qu’en deux mois seulement, le cancer était enlevé, mais après coup, j’ai réalisé à quel point cette épreuve avait été traumatisante. J’espère que mon livre pourra aider d’autres patientes à se sentir moins seules lors de leur traitement ».
Mon petit crabe, de Zoé Goffinon.

Florence, 31 ans, a découvert son cancer après que sa cousine soit tombée malade

« Ma cousine Aurélie a été diagnostiquée d’un cancer du sein triple négatif en septembre 2022, quand elle avait 31 ans. Les différents tests réalisés lors du diagnostic, et notamment une analyse génétique, ont permis de mettre en évidence qu’elle était porteuse d’une mutation sur le gène BRCA1. Il s’agit d’une mutation génétique, transmise de générations en générations, avec un risque très élevé (une chance sur deux) de développer un cancer. Les hommes porteurs sont à risque de développer un cancer de la prostate et de la glande mammaire, mais ce risque reste faible, soit légèrement supérieur à celui de la population générale. Les femmes porteuses, par contre, présentent un risque très élevé (80%) de développer un jour un cancer du sein (et il s’agit souvent de cancers précoces et agressifs) et 50% de développer un cancer de l’ovaire. Le seul moyen de réduire significativement ces risques est de réaliser une mastectomie bilatérale préventive (comme la très célèbre Angelina Jolie). Mais en attendant de passer à la chirurgie, dès que l’on a connaissance de cette mutation, il faut se soumettre à un suivi bi-annuel, avec échographie et IRM en alternance.
Dès que j’ai su que ma cousine était porteuse, j’ai pris rendez-vous chez une généticienne pour me faire tester. Ce médecin retrace l’arbre généalogique et détermine quels membres de la famille il faut dépister. Mon papa a été testé et, comme il s’avérait porteur, j’ai été testée également. En février 2023, j’ai donc appris que j’étais moi aussi porteuse de la mutation BRCA1, et j’ai prévu un examen de dépistage comme il l’est recommandé. Une IRM a été réalisée le 11 mai 2022 et on y a vu une petite masse de 1 cm, très profonde dans le sein droit, presque contre ma côte. Une échographie avait été réalisée quelques mois auparavant, suite au diagnostic de ma cousine, et  elle était normale. Impossible donc que cette masse ait été présente depuis longtemps. A ce moment-là, j’avais 30 ans.
A peine sortie de l’hôpital le jour de l’IRM, j’ai reçu l’appel du radiologue pour me dire qu’il avait vu une masse, mais qu’elle avait un aspect très rassurant, lui faisant plutôt penser à un fibroadénome, une tumeur bénigne d’origine hormonale. Néanmoins, il m’a dit que sa secrétaire allait tout de même m’appeler pour prévoir une ponction sous échographie. Je lui ai signalé que j’allais commencer une longue série de shifts de nuit à l’hôpital avant de partir deux semaines en vacances. Je lui ai donc demandé si il ne serait pas mieux que je revienne à l’hôpital pour le faire tout de suite, mais il m’a dit que non, que je pouvais partir en vacances tranquillement, qu’il n’y avait rien d’urgent. A ce moment-là, je ne ressens absolument aucun crainte, je suis parfaitement sereine, je ne fais aucun lien avec ma cousine et je fais confiance à l’équipe médicale. Je passe de merveilleuses vacances, puis je réalise la ponction le 8 juin 2023.
Etant sage-femme à l’hôpital et ayant accès à mon dossier médical, bien qu’il soit déontologiquement interdit d’aller le consulter, je décide le samedi 10 juin, au travail, de vérifier que le prélèvement a bien été encodé au laboratoire et à ma grande surprise, je découvre que non seulement l’analyse a été commencée, mais qu’elle est même déjà terminée. La conclusion, écrite noire sur blanc, s’impose à moi : adénocarcinome. Je reste complètement figée dedans l’écran. J’ai à peine su appeler mon collègue pour qu’il vienne confirmer ce que j’avais lu. L’ assistante gynécologue qui été sur place m’a rassurée autant que possible, puis je suis rentrée chez moi. J’ai dû attendre le lundi matin pour avoir un contact téléphonique avec le radiologue, la sénologue qui avait fait la ponction et une oncologue que j’ai vue très rapidement.
Aussi bizarre que cela puisse paraître, je n’ai jamais pensé que j’allais mourir. Je n’ai jamais senti que ma vie était menacée: je savais que le cancer du sein est un des cancers qui se traite le mieux, et comme le diagnostic avait été posé à un stade très précoce, j’ai tout de suite pensé que j’allais en guérir. Mon mari et moi voulions un enfant à ce moment-là. Nous souhaitions avoir recours au DPI (diagnostic pré implantatoire), c’est-à-dire à une FIV (fécondation in vitro) après avoir sélectionné un embryon non porteur de ma mutation. Nous avions déjà entamé les premières démarches, donc ma seule et unique pensée au moment du diagnostic a été « Oh non, on va devoir postposer notre bébé »… Cela a été très difficile pour mon mari et moi, on a dû faire ce deuil.
Ma tumeur n’étant pas de type triple négatif, mais plutôt une tumeur mixte (un peu hormonale, mais pas complètement et avec un facteur de multiplication très élevé), j’ai reçu 4 lourdes chimiothérapies espacées de 3 semaines. J’ai ensuite enchaîné avec un traitement oral à prendre quotidiennement pendant 5 ans (hormonothérapie). J’ai aussi subi une mastectomie bilatérale totale en novembre. La totalité des grandes mammaires ont été retirées, mais la peau et les mamelons ont été conservés. Le pire moment de tout mon traitement a été la semaine suivant ma première chimiothérapie. J’ai eu des aphtes plein la bouche, beaucoup de nausées et surtout, des crampes intestinales atroces, me réveillant la nuit et m’empêchant de m’alimenter suffisamment. Les autres chimios se sont mieux déroulées, mais j’ai quand même beaucoup souffert les 4 à 5 jours suivant le traitement, entre fatigue très très intense, nausées, bouffées de chaleur, maux de tête, agitation, angoisse… Heureusement, le corps s’en remet vite et j’ai pu profiter des 2 semaines de répit entre chaque cure.
Je suis dotée d’une énorme force de caractère et d’une grande faculté de résilience. J’ai toujours été une fille déterminée, motivée, perfectionniste, ambitieuse… Je dirais que j’ai assez facilement affronté chacune des épreuves de la maladie. Mais j’ai bien évidemment été littéralement portée par ma famille, mes amis, mes collègues… qui ont été d’un soutien sans pareille. Ils m’ont vraiment bien accompagnée, sans toute fois m’étouffer ou m’infantiliser. Mon mari ne m’a jamais traitée comme si j’étais malade. On a beaucoup blagué et cela nous a permis de dédramatiser la situation.
Malgré tout, la perte de mes cheveux a été et est toujours ma plus grande préoccupation. Dès que j’ai su que j’allais recevoir une chimiothérapie, la pensée de les perdre ne m’a plus quittée. J’ai pris les devants en les coupant avant la première cure pour en confectionner un « hairband », c’est-à-dire un bandeau de cheveux naturels, qui fait parfaitement illusion. J’ai également acheté une perruque, mais je me suis jamais sentie à l’aise avec, et grâce à ce hairband, j’ai pu rester coquette. J’ai acheté des dizaines de foulards de couleurs différentes que je prenais plaisir à assortir à mes tenues. Quelques semaines après la dernière chimio, mes cheveux ont commencé à repousser et cela a été et est toujours très compliqué pour moi. Certes, j’étais heureuse de retrouver des vrais cheveux, mais leur texture a un peu changé (ils sont plus bouclés qu’avant) et se voir tous les jours avec des cheveux courts quand on a toujours eu les cheveux aux épaules est compliqué à accepter. J’ai souvent l’impression de ne plus être la même, de ne plus me reconnaître sur les photos. Et, bien sûr, je me trouve moins belle qu’avant, malgré les centaines de compliments que je reçois. Les gens se permettent d’ailleurs énormément de commentaires et mes cheveux sont trop souvent le premier sujet de conversation abordé par les personnes que je revois. J’ai même du demander à mes proches de cesser de commenter l’évolution de ma repousse.
J’ai appris que j’étais en rémission lorsque le chirurgien m’a appelée pour me confirmer que parmi ce qui avait été retiré lors de la mastectomie, on n’avait retrouvé aucune cellule cancéreuse. J’étais heureuse, mais au fond de moi je savais déjà que je n’avais plus la maladie en moi. Le risque de récidive est important chez les femmes porteuses de la mutation BRCA1, surtout dans les 3 premières années suivant le diagnostic et le traitement. C’est pour cela qu’il m’a été conseillé de ne pas retirer mon port-à-cath et de ne pas tomber enceinte avant la fin de cette période à risque. Cela n’est pas toujours facile à vivre et j’y pense régulièrement. Néanmoins, le suivi médical régulier me rassure. Je vais en consultation chez l’oncologue tous les 3 mois, on analyse les marqueurs tumoraux à la prise de sang, et je passe une échographie tous les 6 mois. Je ne peux rien faire de plus. Même si j’ai fait preuve de courage et de résilience, l’annonce d’une récidive serait bien plus difficile à accepter, mais j’essaie d’aller de l’avant.
La « lutte contre le cancer » en est vraiment une, mais pas dans le sens que l’on pense. On ne lutte pas chaque instant contre des cellules tueuses qui nous mangent de l’intérieur, mais contre un éventail de paramètres désagréables : la douleur, la peur, le regard des autres, le changement d’identité, l’arrêt du travail (le changement de statut social donc !), les commentaires de gens sur votre apparence, l’incertitude quant à l’avenir, etc… Malheureusement, une fois qu’on a traversé l’épreuve du cancer, on perd une grande partie de notre insouciance. On n’est jamais plus vraiment sereins, on reste sur ses gardes, prêts à en découdre si le crabe revenait… Mais aussi, on se sent plus forts. Personnellement, je ressens de la fierté d’avoir traverser cela. Si de jeunes malades me lisent aujourd’hui, je leur conseille vraiment de parler, d’échanger avec d’autres jeunes dans la même situation. Le fait que ma cousine ait été malade a été évidemment une source de réconfort. J’ai aussi sympathisé avec des femmes sur le groupe Facebook « Think Pink (les Victorieuses »). Lire les témoignages d’autres m’a permis de relativiser. Chaque femme et chaque cancer est différent. Il ne sert à rien de se comparer, mais échanger son vécu et ses petits trucs et astuces, aide vraiment ! J’ai d’ailleurs eu connaissance de la confection du « hairband » grâce à ce groupe Facebook ».

Florence avec et sans hairband durant son traitement.

Valentine, 31 ans, a été atteinte d’un cancer du sein il y a 9 ans

« J’ai réalisé que quelque chose n’allait pas en janvier 2015. J’avais 22 ans, je vivais toujours chez mes parents, et alors que je m’apprêtais à m’endormir, j’ai ressenti le besoin d’ôter mon haut de pyjama parce que j’avais trop chaud, ce qui ne m’arrive jamais habituellement. C’est en frôlant mon sein au moment de retirer mon t-shirt que j’ai senti un truc bizarre dans ma poitrine. J’ai commencé à palper un sein puis l’autre pour voir si il y avait une différence, et du côté gauche, je pouvais « tenir en main » une grosse boule, quasi de la taille d’une boule de billard. Je n’ai pas voulu aller réveiller mes parents qui dormaient déjà mais c’était clair que quelque chose clochait, et dans ma tête, ne connaissant pas les autres possibilités, ça ne pouvait être qu’un cancer. J’ai senti que ça allait être compliqué et j’ai commencé à pleurer.

Ce jour-là, je n’ai pas fermé l’œil de la nuit. J’en ai parlé le lendemain à ma mère, qui m’a tout de suite conseillé d’aller voir ma gynécologue, et la consultation m’a rassurée. La doctoresse m’a immédiatement confirmé que ce n’était pas anormal d’avoir des boules comme celle-là avant les périodes de règles, et que souvent, ça s’en allait après les menstruations. Elle m’a dit aussi de revenir si après cette période je sentais toujours la boule. Elle m’a dit que vu mon jeune âge et l’absence d’antécédent dans ma famille, il n’y avait aucune chance que ce soit un cancer mais plutôt un fibroadénome, qui n’est pas dangereux et avec lequel on peut vivre sans problème. J’étais donc confiante et apaisée. A l’époque, j’avais des vacances prévues au ski et je ne voulais pas être réglée pour aller sur les pistes, donc j’avais continué de prendre ma pilule puisque selon ma gyné, je ne risquais rien. J’ai donc attendu 2 cycles avant de retrouver ma période de menstruation et de m’apercevoir que la boule était toujours bien là. Je retourne donc chez ma gynécologue, toujours sereine sur le peu de probabilité que ce soit un cancer, mais elle me conseille tout de même d’aller faire une mammographie et une échographie. Et je me souviens encore de ses mots « s’ils voient que c’est nécessaire, ils feront aussi une biopsie ». Je suppose que ce n’est pas un spoiler de vous dire que biopsie il y a eu. J’ai dû attendre d’avoir ma mammographie, puis tout s’est accéléré. Ma grand-mère m’avait accompagnée au rendez-vous, qui a eu lieu un vendredi fin de journée, et le lundi, j’étais de retour à l’hôpital pour une IRM d’urgence. Le jeudi, l’hôpital m’appelait pour me demander de m’y rendre au plus vite. Il y a eu moins d’une semaine entre les deux, mais ça m’a semblé interminable.

Même si mes parents ne seront peut-être pas d’accord avec moi, parce qu’ils pensent que ma gynécologue n’a pas été assez vigilante, je pense qu’elle a suivi le protocole habituel pour quelque de mon âge, sans antécédents familiaux. Une fois que le diagnostic est tombé, par contre, j’ai été carrément « couvée » par le service oncologie du CHC St Joseph, des médecins aux infirmières coordinatrices en passant par les membres de l’équipe « recherches cliniques ». Ils ont été incroyables, peut-être parce qu’à l’époque, j’étais la plus jeune patiente du service. J’ai reçu mes résultats par téléphone, et dans ce cas-là, ils n’emploient pas le terme « cancer » mais ils m’ont dit « cellules cancéreuses » et dans ma tête, un peu naïvement comme toujours, j’ai cru que ces deux termes ne signifiaient pas la même chose, va savoir pourquoi.

J’étais tellement jeune et naïve, que j’ai toujours cru que j’allais m’en sortir. J’étais très bien entourée par une équipe médicale de feu, tout le monde était rassurant : on allait, ensemble, faire ce qu’il fallait. Je pense que dans ma tête je me suis dit « j’ai encore trop de temps devant moi et trop de trucs à vivre », ça DOIT aller, pas le choix. Mais bon, la mort est présente, cachée, et on lui fait quand même coucou de loin. Etant jeune, j’ai eu 6 mois de chimiothérapie hardcore, puis une ablation totale du sein gauche et la reconstruction lors d’une seule et même opération. On m’a aussi retiré un ganglion sous l’aisselle. Et ensuite, un mois de radiothérapie. Les pires moments c’est facile :

  • L’attente du diagnostique (très long, on ne pense qu’au pire).
  • Quand on m’a annoncé que le cancer était trop agressif, et que c’était trop risqué donc impossible de prélever des ovocytes. J’avais un cancer hormono-dépendant de stade 3 sur 4.
  • Quand ma gynécologue a reçu les résultats et qu’elle m’a téléphoné pour m’informer sur tout ce que j’allais subir. Elle m’a dit « Vous êtes bien assise, vous êtes accompagnée ? » et puis elle m’a tout balancé, « Vous allez devoir arrêter vos études, avoir de la chimio, perdre vos cheveux, être mise en ménopause forcée (à 22 ans !!!), etc … ». C’était long cette conversation, et très trash, mais en même temps, c’est la seule qui a été 100% honnête et transparente. Je me suis dit « je ne mourrai pas sans diplôme ».
  • La perte de mes cheveux, qui a rendu le tout visible aux yeux des autres.
  • Le moment juste avant l’opération où tu sais que tu t’endors avec deux beaux seins, mais tu ne sais pas dans quel état ni avec quoi tu vas te réveiller. Je me suis félicitée d’avoir opté pour la reconstruction immédiate, même si pas vraiment recommandé quand il y a des rayons derrière. Psychologiquement, pour moi, c’était indispensable.

Mon entourage, mes études, mon âge, les médecins et tout ce qu’il me restait encore à accomplir m’ont donné la force de me battre. J’ai toujours été une bonne vivante, positive, dynamique. J’aime la fête, j’aime mes amis, j’avais envie d’encore, de plus. Mon entourage et mon copain de l’époque ont été incroyables. Même si on n’était ensemble que depuis 6 mois au moment du diagnostic, mon copain est resté, il ne me voyait pas comme une « malade », j’étais normale à ses yeux. Il continuait de me faire vivre, de m’emmener faire plein d’activités et ça, ajouté au soutien de ma famille et de mes meilleures amies, ça n’avait pas de prix. Puis j’aime bien suivre les règles donc j’écoutais juste les médecins c’était facile. Et je pense qu’en étant plus jeune, on a encore plus de forces pour se battre contre la maladie.

J’ai très mal vécu les transformations physiques. Plus que le fait d’avoir un cancer, parce qu’à 22 ans, on cherche son identité, on devient femme, on veut plaire. C’est le pire… Grossir de 10 kg en l’espace de 2 ans, perdre ses cheveux, on devient méconnaissable. Avec l’ablation, on est meurtries, on n’accepte plus son corps. On ne se sent plus féminine. Je ne voulais pas de soutien psychologique à l’époque, je le regrette à l’heure actuelle. Cette partie « visible » restera la plus grande souffrance.

Le diagnostic de rémission a été un énorme soulagement. J’ai attendu ça avec tellement d’impatience. 5 ans ça signifie « avoir autant de chance que quelqu’un de normal de tomber malade ». Je me souviens avoir été déçue de l’annonce du médecin. J’attendais des termes forts « rémission complète » voire guérison. Mais ils ne prennent pas de risque et donc n’emploient pas ses termes là. Avec le recul, le plus gros impact a été psychologique. Je me suis réveillée après ces 5 années (peut-être 7 ou 8 même), comme si je me rebranchais après avoir été déconnectée de la réalité. J’étais spectatrice de ma vie mais pas actrice. Quand je suis tombée malade, je me suis juré de profiter de chaque moment, et de ne pas refuser les opportunités qui s’offraient à moi et me faisaient plaisir, JAMAIS. Donc aujourd’hui, je profite de ma vie, j’apprends à devenir meilleure, à me respecter et respecter mes choix. Je ne pense pas vraiment à une quelconque rechute, car je n’ai pas envie de la provoquer. Comme je dis toujours, « on ne règle pas un problème qui n’existe pas. » Maintenant, je dois faire mon bilan une fois par an, et je suis plus à fleur de peau quelques jours avant de me rendre à l’hôpital. Je pense que c’est surtout parce que ça fait resurgir de mauvais souvenirs, plutôt que par peur d’une rechute.  La seule chose qui me fait peur à ce stade, c’est de ne pas pouvoir tomber enceinte à cause de ce cancer et du fait que le prélèvement d’ovocytes était impossible pour moi. Un sentiment contrebalancé par la peur que si je suis enceinte un jour, le tout se réveille et me fasse rechuter. Mais bon, au fond de moi je me dis que j’ai donné, j’ai eu ma dose et que je pourrais peut-être être épargnée non? J’espère, en tout cas.

Mon conseil? Choisissez de vous entourer de personnes en qui vous avez confiance, et si vous doutez, demandez un autre avis. Écoutez votre corps, faites ce qui vous plaît et n’ayez pas peur. Restez actifs, restez connectés, continuez de rire. Prenez du temps pour vous et surtout prenez soin de votre corps, on n’en a qu’un pour toute la vie. Battez-vous, battons-nous, vous n’êtes pas seuls! ».

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Journaliste pour Le Vif Weekend & Knack Weekend, Kathleen a aussi posé sa plume dans VICE, Le Vif ou encore Wilfried, avec une préférence pour les sujets de société et politique. Mariée avec Clément, co-rédacteur en chef de Boulettes Magazine, elle a fondé avec lui le semestriel SIROP, décliné à Liège et Bruxelles en attendant le reste du pays.