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De Trainspotting à ToxCity : à (re)voir et à (ré)écouter

L’autre jour, j’ai vu Trainspotting 2, la suite du premier, vingt ans après.
Le film en question est sympathique mais n’a rien de follement mémorable –si c’était le cas, sûrement qu’Astrid, avec son regard affûté de cinématografille, en aurait fait une meilleure chronique.
C’est que T2, c’est avant tout un film fait pour (et par ?) des nostalgiques.
Et vu que j’en suis une fameuse, de nostalgique, je dois avouer que la sauce a pris dès les premières notes d’Iggy.

 

 

La première fois que j’ai vu Trainspotting, j’étais petite –sûrement un peu trop– et la scène du bébé m’a hantée toutes les nuits pendant des semaines (toi même tu sais). Je l’ai revu quelques années après, et là : le coup de foudre. D’une traite, j’ai téléchargé la BO pour l’écouter en boucle, lu tous les romans d’Irvine Welsh (l’auteur de la nouvelle éponyme et de sa suite, Porno) et bricolé un grand poster de Sickboy à accrocher dans ma chambre. Le sens de la mesure, toujours.

Parfois, j’essaie de faire mon classement personnel de mes films favoris, parce que chacun ses hobbies après tout : c’est une tâche impossible, mais Trainspotting est invariablement dans le top. Certains premiers amours cinématographiques deviennent parfois, plus tard, des hantises regardées jusqu’à l’overdose. Pas ici : je dois bien l’avoir regardé 1374 fois mais je ne me lasserai pas, non, jamais, d’énoncer les raisons pour lesquelles c’est un de mes films préférés :

De Trainspotting…

 

1) Parce que les personnages sont terriblement attachants.

Trainspotting, c’est l’histoire de jeunes paumés dans l’Edimbourg glauque des années nonante, en pleine dépression économique. Une bande d’anti-héros par excellence, presque tous héroïnomanes et au sens moral discutable. Et pourtant. Sans forcément les comprendre ou justifier leurs (grosses) incartades, on ne peut pas s’empêcher de s’y attacher.
Renton, le personnage principal, est un toxicomane maigrichon qui s’habille avec des fringues décidément trop petites. Mais son caractère est surtout très ambigu, oscillant entre sombre connard et pauvre type attendrissant. Un peu comme Sick Boy, le beau parleur manipulateur (et fan de James Bond loquace). Le plus touchant est sans conteste Spud, loser ultime parmi les losers. Et le colérique Begbie, lui… Bon, il a surement ses bons côtés aussi.
On peut regretter que les personnages féminins soient trop peu nombreux, et fassent globalement tous office d’intérêts romantiques. Mais les filles savent ce qu’elles veulent, la toute jeune Diane en tête.

 

2) Parce que c’est culte de chez culte.

Réalisé par Danny Boyle, le film s’est rapidement hissé au rang d’incontournable cinématographique. Entre violence (physique, mais aussi psychologique et plus insidieuse), esthétique marquante et, tout de même, quelques airs de comédie noire ici et là, Trainspotting a rapidement été comparé à Orange Mécanique. L’écriture au mur de la discothèque Volcano n’est d’ailleurs pas sans évoquer (de manière tout à fait intentionnelle, comme un hommage) celle du Korova Milk Bar d’Orange Mécanique. Justifiée ou pas, la comparaison donne le ton : on a affaire à un classique.

Choose life. Ironique, anticonsumériste et nihiliste, ce monologue est reconnaissable dès ses deux premiers mots et a marqué toute une génération ; dans T2, les spectateurs assistent à une version updatée à la sauce 2017, nourrie de références aux réseaux sociaux ou au slut shaming. Même personnages, autre génération.

 

3) Parce que c’est visuellement percutant.

Ce point rejoint le précédent : si le film marque autant les esprits, c’est aussi parce qu’il est très visuel. Le sujet est sordide, et l’esthétique grise, sale, poisseuse lui rend bien justice. Sans toutefois balancer dans le réalisme social, hyper-réaliste justement : le plus glauque est esthétisé dans des scènes parfois atroces, parfois saturées de couleur comme des visions hallucinées. Scène mi-répugnante, mi-poétique ( ? ) dans « les pires toilettes d’Ecosse », injection d’héroïne en gros plan, délire paranoïaque et anxiogène où la chambre de Renton, en manque, devient étouffante. Le surréalisme mêlé au miteux du quotidien.


4) Parce que la soundtrack est parfaite.

Ce film, on l’écoute autant qu’on le regarde. Tout Trainspotting se dessine comme une carte postale des 90’s, celle d’un lieu et surtout d’une musique, en puisant allègrement dans les titres de grands groupes rock de l’époque et d’avant. On y retrouve des titres emblématique devenus depuis pratiquement indissociables du film : en tête, le fameux Lust for Life d’Iggy Pop et l’entêtant Born slippy electro d’Underworld. Mais aussi certains des plus beaux titres de certains artistes, du très connu Perfect Day de Lou Reed au moins connu mais superbe Sing de Blur. A chaque scène clef sa musique.

5) Parce que la drogue.

De l’overdose à la délinquance, Trainspotting ne t’épargne rien de la consommation d’héroïne et de tout ce qui va avec. Ni le douloureux sevrage, ni l’euphorie momentanée, ni les vies qui volent en éclats. Sans jamais tomber dans l’apologie ni dans le pathos misérabiliste, comme on peut parfois le déplorer pour d’autres films sur la question, comme Requiem for a dream ou Moi Christiane F., 13 ans, droguée, prostituée… Ce qui nous amène à la deuxième étape du périple, à la radio cette fois :

… à ToxCity 

Si ce n’est pas déjà fait, il faut écouter Toxcity : une histoire orale de l’héroïne à Liège. Ici, on n’est plus dans la fiction. Et ça nous touche de près, nous les liégeois-e-s.
Toxcity, ce n’est pas une chanson de System of a Down, mais le petit surnom doux-amer donné à notre ville où la consommation de drogues dures a une histoire bien ancrée. Toxcity, c’est aussi et surtout un superbe documentaire radiophonique en trois temps sur la toxicomanie et la consommation d’héroïne à Liège, réalisé en co-production avec d’Une Certaine Gaité asbl et qui avait en 2014 fait l’objet de plusieurs écoutes publiques.
En général, on parle surtout d’initiatives sympas, de restos cool et de gens inspirants. Liège, c’est aussi ça. Certes, c’est moins glamour et indubitablement moins vendeur, mais c’est une réalité qu’il n’est pas forcément bon de toujours vouloir édulcorer. De très près ou de très loin, beaucoup sont concernés.

Dans la veine d’un Crackopolis d’Arte Radio, en moins romancé, Toxcity montre avec brio à quel point la drogue habite la ville à différentes échelles. Liège est pour ainsi dire le protagoniste principal du documentaire : les acteurs, consommateurs ou pas, se croisent et se répondent indirectement dans des capsules sonores qui vont de l’intimité de l’habitation aux rues arpentées, des individus aux institutions. Pour peu, on reconnaîtrait le bruit des pas sur les pavés et les âmes égarées le long des quais.

En quelque sorte, c’est aussi une sorte de carte postale sonore et surtout, c’est celle de notre ville et d’un de ses aspects complexe et controversé. Je le répète : il faut l’écouter (ici).

Ce n’est pas un secret : à sujets graves, petits bijoux artistiques (de fiction ou pas) créés.

Si Trainspotting2 t’intéresse, tu peux toujours le voir pendant deux semaines à la Sauvenière -parce que bon, il est très sympa aussi quand même. 

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