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Le botanique, notre jardin extraordinaire

Il aura tout connu. Des élèves de secondaire qui parcourent ses chemins lors de leurs cours de gym hiver comme été aux étudiants de Saint-Luc qui le prennent d’assaut pour y travailler leurs croquis. Sans oublier les comités de baptême et les scouts qui se le partagent le temps d’une activité, les frondeurs de la période Covid à la recherche d’un endroit pour se défouler ou encore les enfants qui n’ont de cesse de grimper sur sa toile d’araignée. Lui, c’est le Jardin botanique. Un lieu emblématique de Liège qui vient de s’offrir une seconde jeunesse.

Présent depuis près de deux siècles, le parc du Jardin botanique a enfin retrouvé sa quiétude ancestrale. En chantier entre mars 2023 et août de cette année, les engins de chantier l’ont déserté, le rendant à nouveau accessible dans sa totalité.

Ce long chantier aura permis le réaménagement de ses chemins (pour un total de 1,7 kilomètre), la plantation de nouveaux massifs végétalisés, la restauration de bancs anciens, l’installation de fontaines à eau ou encore la mise en place d’un tout nouvel éclairage public.

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De quoi assurer sa pérennité pour les 200 prochaines années ? Seul l’avenir nous le dira.

Mais ce qui est certain, c’est que notre pentagone à nous a connu de nombreuses aventures au fil des ans. D’ailleurs, on a décidé de vous raconter trois petites histoires/anecdotes sur ce jardin extraordinaire…

1. Un jardin’terminable

Si vous pensez que la constitution de notre gouvernement prend un temps interminable et que le chantier du tram s’éternise, vous n’êtes pas prêt(e) pour l’information qui va suivre.

Entre le moment où l’idée de créer un jardin botanique à Liège est actée et la fin de sa construction, il s’est écoulé 64 ans. Qui a dit que c’était mieux avant ?

Dès le 18e siècle, on retrouve la volonté de doter la Cité ardente d’un jardin d’enseignement de la botanique. Un souhait qui devient concret en 1819 lorsque la Ville offre à l’Université l’ancien jardin particulier du Collège des Jésuites wallons situé à l’emplacement de l’actuelle Place Cockerill.

Une orangerie et des serres y sont construites, avant de se voir forcées à déménager sur un autre site en 1836 à cause du manque de place.

Pour cette raison, la Ville acquiert, en 1838, cinq hectares dans le quartier du Bas-Laveu. Le terrain forme alors un pentagone aujourd’hui compris entre les rues des Anges, Nysten, Courtois, Fusch et Louvrex.

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Les travaux débutent en 1841 avant de s’interrompre deux ans plus tard faute de moyens financiers.

Quarante ans plus tard, le jardin botanique est toujours inachevé. Pourtant, quelques années plus tôt (en 1875 pour être précis), l’Université avait décidé d’y déménager différents instituts afin de faire face à l’augmentation constante du nombre d’étudiants.

Problème majeur : l’architecte sollicité pour concevoir la nouvelle disposition du jardin botanique va se heurter à l’opposition des habitants du quartier qui estiment que ses adaptations provoqueraient la destruction d’une grande partie du parc et de ses arbres.

S’ensuit un véritable chaos qui voit fleurir les projets, les contre-projets, les plans et les rapports diverses. Tant les professeurs universitaires, que les habitants du quartier et le comité de défense du jardin botanique font entendre leurs voix. Bref, c’est un joyeux bordel !

Début 1881, la Ville, déterminée à en finir, tranche enfin : les instituts de botanique et de pharmacie seront bien construits dans le parc, mais ceux de zoologie et d’anatomie prendront place en bord de Meuse.

Les travaux reprennent finalement et le jardin botanique ainsi que ses nouveaux instituts sont inaugurés en 1883, soit 64 ans après sa première installation place Cockerill.

2. Un Noël funeste

On ne traverse pas deux cents ans sans connaître quelques événements tragiques.

Celui dont nous avons choisi de vous parler a lieu vers le milieu du XXe siècle et plus précisément le 24 décembre 1944.

À l’époque, les serres du jardin botanique accueillent environ 7.600 spécimens de 2.370 espèces différentes sur une surface totale de 1.845 m². Épargné par la Première Guerre mondiale, le parc a également traversé le second grand conflit armé sans trop de heurts… enfin, jusqu’à ce jour de Noël 1944.

Alors que Liège a été libérée deux mois et demi plus tôt par les forces alliées, les Allemands continuent d’assaillir la Cité ardente par le ciel. Soudain, une de leurs bombes volantes explose au coin des rues de Sluse et Morren, à l’angle sud du jardin botanique.

Le souffle de l’explosion est si puissant qu’il endommage gravement les grandes rotondes et les serres annexes pourtant situées à l’opposé, annihilant ainsi l’abri de nombreuses plantes qui y ont élu domicile.

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Les serres hautes avec leurs grandes rotondes vers 1887, elles seront détruites en décembre 1944 par une bombe allemande

 

Pas une minute à perdre ! Le personnel se trouvant sur place se relaye pour mettre en sécurité les plantes déplaçables dans le grand auditoire voisin. Hélas, ils ne peuvent pas toutes les sauver. 151 espèces (755 exemplaires) ne sont en effet pas transportables…

La première nuit qui suit le drame, la température descend à -9°C. Il s’agit de conditions extrêmes pour la survie de ces plantes originaires des régions (sub)tropicales.

Pire encore, le mercure atteint -15°C dans la nuit du 25 au 26 décembre, anéantissant totalement les derniers végétaux qui avaient péniblement survécu jusque-là.

Reconstruites partiellement en 1954, les serres ne retrouveront jamais leur surface d’avant-guerre et leur hauteur se verra également rabotée, ce qui aura pour conséquence de limiter le développement d’un grand nombre de plantes.

3. Ma cabane au fond du jardin

Vous êtes-vous déjà demandé quelle était l’histoire de la maison située un peu en contrebas des serres ? Celle que l’on peut admirer à l’angle du jardin entre les rues Fusch et Louvrex.

Il s’agit de l’ancienne habitation du jardinier en chef du parc. Et elle possède une petite particularité puisqu’elle ne fut pas construite une fois, mais bien deux !

Érigée vers 1880, cette charmante maison de style “cottage” (on retrouve ce lien avec l’Angleterre) toute en brique et calcaire se vit déplacée de quelques dizaines de mètres pour laisser la place à une nouvelle serre, seulement quelques années après sa construction.

La fonction de jardinier en chef ayant disparu depuis (on vous promet qu’il n’a pas connu le même sort que celui des Jedusor), le bâtiment a tour à tour été occupé par le Service des plantations de la Ville de Liège, puis par un cabinet d’avocats. Ces derniers ont d’ailleurs rénové la bâtisse en 2017, en respectant scrupuleusement les éléments caractéristiques de son style architectural plutôt rare à Liège.

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On aurait aussi pu vous donner les noms de 5.000 plantes présentes dans les serres chaudes, froides et tropicales, vous parler des grilles qui entouraient le parc afin d’en interdire l’accès au public jusque dans les années 1970 ou encore vous raconter pourquoi les serres du jardin botanique de Bucarest sont fortement inspirées de leurs homologues liégeoises.

Vous l’aurez compris, notre jardin extraordinaire regorge de secrets, certains connus et d’autres qu’il reste à dévoiler.

Il ne tient qu’à vous de le redécouvrir sous toutes ses facettes. Par exemple en allant vous y promener le 1er mai prochain lors de la Bourse aux Plantes de Liège au jardin, en participant à un des nombreux événements organisés dans les serres ou encore en dégustant un verre dans le bar le plus cool de Liège.

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Liégeois de naissance et de cœur, Colin est du genre à se demander s’il y a vraiment du lapin dans la sauce et pourquoi le mélange grenadine-orangeade s’appelle un Liégeois. Il a rejoint Boulettes Magazine avec l’envie de partager ses interrogations du quotidien sur la plus ardente des cités, convaincu que Liège n’a pas encore dévoilé tous ses mystères !