Aventure ardente : la fois où j’ai rencontré Patrick Bruel
Surtout, il ne faut pas croire les classements qui proclament année après année que le journalisme est un des pires métiers possibles. Certes, les heures de travail sont souvent inversement proportionnelles au salaire, mais quand même : on bouge beaucoup, on est payés pour raconter des histoires, et les jours se suivent et ne se ressemblent jamais. Le plus beau métier du monde, vraiment. Surtout qu’il permet de rencontrer plein de gens. Par exemple, Patrick Bruel.
J-1 : Entre ma tenue de snowboard, ma tenue de soirée et les 4 paires de chaussures absolument nécessaires, ma valise pour ce voyage de presse à Samoëns (coeur avec les doigts UPR et le Club Med) s’annonce costaude. Ce qui est un euphémisme pour dire que je dépasse de 200 grammes la limite de 20 kilos autorisée, et ce alors que je pars en tout et pour tout 72 heures.
J’en suis là à me dire que je me désole, et que vraiment, il faudrait que je gère mon accumulation de chaussures et de vêtements quand soudain, message de Cha qui part à la montagne avec moi :
Héééééé punaise y’a Bruel qui vient !
Patrick Bruel, faut dire que c’est presque un membre de la famille.
Dans le sens où bien qu’étant très amoureuse de mon petit papa chéri, je pense qu’il ne faudrait pas trop pousser ma chère maman pour le remplacer par lui si l’occasion venait à se présenter. Outre ce statut de beau-père virtuel, c’est aussi le bon copain qui nous a accompagnés dans la quasi totalité des vacances de notre enfance, avec son dernier CD du moment en bande-son obligée de tous les road-trips.
Autant dire que dès que Cha m’a appris qu’en plus de découvrir le nouveau Club Med de Samoëns on allait avoir droit à un concert privé de Patrick Bruel, en fille aimante et dévouée, une seule réaction s’imposait : narguer ma mère.
NB : non, la narguer ne me suffisait pas. Il fallait également que je la harcèle après qu’elle n’ait pas daigné me répondre dans la minute. Une fille aimante et dévouée, mais surtout, tellement charmante.
Une fois la première phase de mon plan effectuée avec succès, restait à passer à la phase deux, extension de mon état naturel : la bitchasse blasée.
Ouais, c’est cool qu’il vienne en concert, mais bon moi tu sais c’est surtout ma mère qui est fan.
Le cadre était posé, ne restait plus qu’à attendre le showcase et à le documenter copieusement « pour ma maman ».
Jour J.
Comme souvent dans ce genre d’événements, le programme se divisait en deux soirées, une plus casual, pour faire connaissance et se mettre doucement dans l’ambiance, et un dîner de gala, en prélude duquel allait se produire Patrick Bruel.
Après une journée passée à s’émerveiller sur la beauté des montagnes, le luxe de l’hôtel et de sa piscine dans la neige et la chance qu’on avait d’y avoir été invitées, on était en train de profiter des largesses de l’open bar, quand soudain, là, devant nous, incognito parmi la foule, Patriiiiiiiiiiick.
Est-ce l’attitude, l’effet de surprise, les bulles ? Soudain, toute façade blasée s’est envolée.
21.45 : Oh mon dieu, oh mon dieu, oh mon dieu, il est lààààààààààà, juste là, à deux mètres de nous, non mais tu te rends cooooooompte.
21.46 : Cha me demande si ça va. Apparemment, j’aurais une tête bizarre et les yeux écarquillés. Je vais siffler ma coupette, ça va me calmer.
21.48 : Pour me rendre une contenance, j’explique à nos confrères flamands que le monsieur, là, est une MEGA star en francophonie. Non, je ne fangirle pas, c’est juste qu’il est SUPER CONNU vous comprenez. De toute façon, c’est ma maman qui est fan.
21.49 : D’ailleurs, puisqu’elle est fan, obligé, il faut que je craque un selfie avec lui pour le lui envoyer.
21.50 : Qui eût cru que ce serait là, à 1600 mètres d’altitude et 800 kilomètres de la maison que je trouverais enfin le moyen de devenir l’enfant préféré. Tandis que mon frère avait passé perfidement les dernières années à s’enfiler des études de médecine pour assurer son statut de chéri, tout ce qu’il allait me falloir, c’était un selfie avec l’idole de Fabi.
21.51 : Bon, par contre, impossible de le demander moi-même. Olala, ça va pas ou quoi, non mais vous ne vous rendez pas compte, c’est PATRICK BRUEL quand même.
21.53 : C’est fou, mais tout à coup, il fait super chaud et j’hyperventile. Je vais reprendre une coupe de champagne, ça me fera du bien.
21.54 : Tout ce champagne n’aide pas à expliquer en néerlandais à nos confrères perplexes que oui, on veut une photo avec lui, mais non, on ne peut pas l’approcher, trop compliqué à expliquer.
21.56 : Pendant qu’on est plantées avec nos verres à se dire que Patrick Bruel est à quelques mètres de nous seulement, lui se demande probablement si les deux filles qui le regardent sans bouger avec les yeux qui sortent de leurs orbites sont dangereuses et cherche la sortie la plus rapide en cas d’attaque des furies.
21.58 : C’est fou comme il fait chaud. PERSONNE N’A CHAUD ICI ?!? Oui, je veux bien une coupe, merci.
(insérer ici une ellipse durant laquelle s’enchainent couinements, hyperventilation et enchaînement de « c’est toi qui lui demande le selfie » « non c’est toi ». Soit un spectacle suffisamment pitoyable pour convaincre une gentille journaliste -merci France- d’alpaguer Patrick et de lui demander si il veut bien être pris en photo avec les deux groupies qui zonent à proximité de lui depuis 30 minutes).
22.15 : il a dit oui. Un putain de Grand Homme.
22.16 : j’ai la main de Patrick Bruel dans le dos. LA MÊME MAIN QUI TIENT LE MICRO POUR CHANTER PLACE DES GRANDS HOMMES. Dont je connais toutes les paroles. Mais la fan, c’est ma maman hein.
22.17 : bien qu’ayant conscience de faire actuellement une tête d’une niaiserie suprême couplée à un double menton suscité par le contentement (et les gloussements de dindon que je fais intérieurement) impossible de faire preuve d’un semblant de dignité alors même que le moment est immortalisé pour la postérité.
22.18 : Et donc Patrick Bruel est non seulement beau et doté d’une super jolie voix, qu’il chante ou pas, mais en plus, il est très gentil. Par exemple, quand je lui fais remarquer sottement que je suis certaine que cette photo sera encadrée par ma maman, il ne me fait pas remarquer qu’il a bien capté que je fangirlais moi-même, il se contente de répondre « j’espère ».
Et donc, j’ai rencontré Patrick Bruel, et comme on vit à l’ère de #pictureoritdidnthappen, j’ai les clichés pour le prouver. Le temps de quelques photos, le bar du Club Med s’est transformé en Café des Délices, et même s’il en a certainement eu Marre de cette nana-là qui n’arrêtait pas de le dévisager, Alors regarde, j’ai quand même posé avec lui. Soudain, je ne suis plus à Samoëns, j’ai dix ans et je chante du Bruel à tue-tête à l’arrière de la voiture avec mon bébé frère. Et puis tout à coup, j’ai comme une folle envie d’appeler ma mère, de lui dire que je l’aime et que la prochaine fois, je viendrai voir Patriiiiiiiiick en concert avec elle.