Culture et résistance: visite au squat de Kréaction à Droixhe
Joe nous accueille avec méfiance, mais forcément, au vu de leur réputation, on se méfie aussi.
Avant de se rendre compte qu’on a face à nous non pas des voyous mais des artistes, de joyeux utopistes qui rêvent de créer un Liège meilleur à coup de soirées et de vélos réparés.
Visite guidée au squat de Kréaction à Droixhe.
Ce bâtiment, nous l’occupons depuis un an. Il y a quatre ans, nous avions déjà demandé à la Ville de nous laisser rester ici, mais cela nous avait été refusé.
C’est un beau gâchis: à l’époque, le bâtiment était en super état. Depuis, il a été pillé, on est venu arracher tous les câbles, tout ce qui pourrait contenir du cuivre… On nous a accusé de voler l’électricité, mais c’est impossible: plus rien n’est câblé ici! »
La solution? Les membres du collectif ont investi dans des générateurs. Et pour être 100% autonomes, ils recueillent l’eau de pluie et achètent des bidons d’eau potable.
« Bon, je ne vais pas vous mentir, de temps en temps, on va se doucher chez des amis: ça fait un bien fou!«
Dans le paysage joyeusement chaotique de l’entrepôt, des caravanes sont disséminées: c’est là que dorment les membres du collectif. Au détour de l’une d’elles, surprise: on tombe nez-à-nez avec des dizaines de vélos… Bienvenue à l’atelier!
On veut que des gens qui n’ont pas d’argent puissent venir ici faire appel à nos services.
En échange, on leur demande de donner quelques heures de leur temps lors de nos événements« .
Car Kréaction ne se limite pas à proposer des services aux Liégeois, le collectif profite aussi de l’espace à sa disposition pour organiser événements et concerts.
« Ça reste la même philosophie: on veut que les événements soient accessibles à tous les Liégeois.
Les jeunes n’ont pas tous la chance d’avoir des parents qui leur donnent des centaines d’euros pour s’amuser le week-end. Nous, on veut que tout le monde puisse venir profiter chez nous… Et avec la bière à un euro, on ne peut vraiment pas nous accuser de vouloir nous faire du profit!«
« Lors de notre dernière soirée, on avait invité le paki du coin, mais aussi des gitans qui habitent le quartier. Cela faisait quinze ans qu’ils habitaient côte à côte, et ils ne s’étaient jamais parlé.
En fin de soirée, c’était à celui qui paierait le plus de tournées!«
Dans son palais des courants d’air semblant sortir tout droit d’un Jean-Pierre Jeunet, Joe alterne entre jubilation et désabusement. Car si le collectif réussit à toucher les Liégeois et à proposer des alternatives aux moins fortunés, son futur est menacé.
Face aux efforts combinés de l’AGEL et de la Ville, difficile en effet d’envisager sereinement les prochains mois.
Joe l’affirme: ils ne partiront pas. Après avoir passé un peu de temps avec lui, on se prend à espérer que ce soit aussi simple que ça.