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entrevues chien guide

Un autre regard sur le chien guide avec Entrevues

On croise les chiens Entrevues en ville, guidant fièrement leur maître, ou bien en train d’être formés en portant leur petit brassard.

On meurt d’envie de les cajoler mais, lorsqu’on connait un petit peu le travail d’Entrevues et des chiens guides en général, on sait qu’il vaut mieux ne pas trop les déconcentrer : ces fidèles et serviables canidés sont là pour apprendre à devenir des aides incroyablement utiles pour les personnes malvoyantes.
On sait aussi que leur formation dépend en grande partie de bénévoles, et par là, de familles d’accueil qui prennent en charge la première partie de leur éducation. Et on se dit  » Oh non, moi, je pourrais pas, ça me briserait le coeur de m’en séparer« . Peut-être, mais fort heureusement, d’autres gens en sont capables : si l’expérience peut se révéler douloureuse après avoir vu grandir le chiot, elle n’en est pas moins incroyablement enrichissante. Et surtout, elle est terriblement nécessaire.

Un tas d’études psycho et socio le montrent : avoir un chien guide change tout pour les personnes malvoyantes, au niveau du sentiment d’impuissance et de la façon dont les gens sont appréhendés par ceux qui les entourent. Mais aussi de la manière dont ils se perçoivent eux-mêmes en tant que personne, et c’est peut-être là le plus important. Loin d’être une corvée pour le camarade canin, c’est une véritable relation qui se tisse entre eux… Allant parfois jusqu’à être considérée comme un véritable tout, une unité formée d’un humain et d’un chien. Une relation particulière, avec ses spécificités, qui s’accompagne souvent de l’incompréhension du public novice : comment se comporter en présence de ces jolis toutous ? Et comment ça fonctionne, concrètement ? On peut aider, nous ?
Pour en savoir un peu plus, Anais s’est rendue à l’asbl Entrevues pour enquêter sur la question (et accessoirement, rencontrer plein de chiens drôlement épatants) !

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Dans le cadre de l’opération violettes (on vous en reparle plus bas), nous sommes allées à la rencontre des jolies truffes d’Entrevues. Cette asbl, créée il y a 30 ans à Namur par monsieur Carton, lui-même malvoyant, a été transposée à Liège en 2002. Son but : former des chiens guides pour des personnes ayant un handicap visuel.

Quelle est l’action mise en place par « Entrevues » et comment cela fonctionne-t-il ? 

Il y a plusieurs phases nécessaires à la formation d’un chien guide :

  1. Le chiot est sélectionné à l’âge de 8 semaines.
  2.  Il est confié à une famille d’accueil bénévole durant 12 à 16 semaines afin d’apprendre la socialisation en milieu urbain, l’obéissance de base, les déplacements en transports en commun, etc.
  3. A la fin de ce séjour, le chien est entraîné pendant 8 à 10 mois sur place (ce qui implique 700 heures de travail et un coût de 25.000 euros par chien), par des moniteurs professionnels.
  4.  Lorsque le chien a fini sa formation, il apprend à travailler avec son potentiel futur bénéficiaire pendant un stage de trois semaines et une mise à l’essai de trois mois. Si tout se passe bien, le chien est offert à la personne handicapée.


Est-ce qu’il y a déjà eu des cas où ça ne collait pas avec les bénéficiaires ? Est-ce qu’un chien a déjà été ramené, par exemple ? 

Non, aucun chien n’a encore jamais été ramené. Les personnes qui viennent pour les recueillir sont extrêmement motivées ! D’ailleurs, elles suivent des formations elles-mêmes pour apprendre à « gérer » leur handicap avant cela. Un grand travail est effectué avant que le chien ne soit donné à la personne et surtout, on va sélectionner un chien en fonction du tempérament de son potentiel nouveau maître. On va évidemment choisir de travailler avec un chien calme pour une personne peut-être plus âgée et qui n’a pas beaucoup d’autorité, alors qu’on prendra un chien plus remuant pour quelqu’un avec un tempérament opposé, notamment pour les jeunes, car depuis peu, nous mettons également des chiens à dispositions d’enfants et d’ados !

Comment procède-t-on au choix du chiot ? Quels sont les critères pour trouver un futur chien guide ?  

Les chiots sont sélectionnés dans des élevage partenaires. On vérifie d’abord si ce sont des chiens courageux. Par exemple, si on prend un chiot hors de sa portée et qu’il réclame sa mère, ça n’ira pas. Ensuite, on utilise des jouets qui font du bruit et de la lumière, afin de voir s’ils sont effrayés ou non. On vérifie également s’ils sont intéressés par les humains ou s’ils sont plutôt peureux.

Il s’agit souvent de Golden Retriever et de Labradors, déjà parce qu’il faut des grands chiens, il faut que les bénéficiaires puissent sentir que le chien leur barre la route devant un obstacle, par exemple, ce qui n’est pas vraiment possible avec un petit Bichon. Puis, il est vrai que chaque race a une histoire… Certains chiens sont éduqués pour la chasse depuis des générations, d’autres, pour garder les troupeaux. Les Labradors et Golden, eux, sont des chiens qui apprennent très vite, qui aiment beaucoup les humains et qui sont conviviaux.

Ici, environ 20 chiots sont placés en famille d’accueil, 2 chiens par mois sont attitrés à un moniteur et 6 à 7 chiens sont offerts à des personnes malvoyantes par an.


En quoi le chien est-il un plus pour une personne malvoyante, au-delà d’autres aides ?

Une personne malvoyante a trois possibilités : demander de l’aide à un humain, ce qui apporte une certaine sécurité, mais ce qui inflige aussi une totale dépendance.
Il y a également la canne, qui est efficace pour quelqu’un qui a appris à l’utiliser, mais cela demande énormément de concentration. De plus, la canne ne permet pas de se sentir totalement à l’aise et d’emprunter des trajets moins habituels.
Le chien, lui, apporte une plus grande rapidité de déplacement, une indépendance ; le bénéficiaire peut se permettre de penser à autre chose qu’aux possibles obstacles de son trajet, c’est plus facile à deux !

Le chien est capable, en outre de : mémoriser les itinéraires, faire éviter des obstacles à son maître, désigner un passage pour piéton (et appuyer sur le bouton de celui-ci !), les portes, les escaliers, les issues, etc., de refuser une demande dangereuse comme « avance ! » lorsqu’il se trouve devant un trou et le chien est aussi tout simplement un compagnon de vie !

Nous avons connu ici un monsieur qui n’aimait pas du tout les chiens, mais qui est tout de même venu vers nous et qui a travaillé avec un chien parce qu’il savait quels étaient les énormes bénéfices et facilités que cet animal pouvait lui apporter. Il est finalement reparti avec un chien et s’est évidemment pris d’affection pour lui !


Que peut-on faire pour vous aider ? 

Il y a plein de manières d’aider !  Nous recherchons à la fois :

→ Des familles d’accueil pour les chiots. Nous avons besoin de personnes qui ont du temps libre, qui nous promettent un réel investissement et qui, de préférence, se situent dans un milieu urbain, pour habituer le chien.

→ Des dons ! Puisque nous donnons les chiens et que leur formation nous coûte 25.000 euros par chien, nous survivons essentiellement grâce aux dons. Pour cela, nous organisons actuellement l’opérations violettes avec la vente de chiques à la violette de Liège jusqu’au 21 décembre. Les commerces partenaires se trouvent sur notre page Facebook.

→ Des bénévoles pour nous aider à distribuer les violettes en magasin, mais aussi pour nous soutenir sur des événements tels que la marche Adeps que nous organiserons ce 13mai 2018.

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Après cette interview, nous partons en balade avec Pesto, qui vient tout juste de débuter sa formation de chien guide. Dès le début de notre sortie, je suis assez impressionnée… Pesto, que j’ai rencontré juste avant, est un chien très jouette et dynamique (s’en souviennent encore mon pantalon et ma nouvelle écharpe), mais dès que son harnais lui est posé, Pesto se concentre, il est au travail, plus question de jouer ! Il arpente les rues – pourtant très bruyantes et en travaux – avec calme, évite les obstacles, s’arrête avant de traverser la route, se pose sur ses deux pattes arrières pour appuyer sur un bouton piéton devant un feux et se fait allégrement récompenser par quelques croquettes… (attention, caresses interdites lorsque ces chiens sont au travail!).
La balade m’aide à me rendre compte de l’aide apportée par ces chiens, mais aussi de l’énorme travail que cela représente… Si Pesto fait des progrès, il lui reste encore beaucoup à apprendre (et par conséquent, beaucoup de croquettes à engloutir).
Pour l’opération Violettes, n’hésitez donc pas à venir rencontrer l’équipe (bipède et quadrupède) ce 9 décembre devant la Galerie St Lambert et à repartir avec votre paquet de violettes !

Entrevues / 
Ecole de chien guide
Rue Monulphe 78, 4000 Liège
Sur Facebook 

Merci à Jeff pour la visite & les photos 

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