Pourquoi il faut laisser Theo Francken venir parler à Liège
La nouvelle a fait grand bruit: le 19 février prochain, Theo Francken, l’infâmeux ex-secrétaire d’Etat à l’Asile et à la Migration, accordera sa seule conférence en Wallonie pour la sortie de son livre en région liégeoise. A Barchon, plus précisément, et forcément, sa venue dérange. D’ailleurs, le Front Antifasciste vient de l’annoncer: une mobilisation est annoncée pour tenter d’empêcher que la conférence ait lieu. Et si l’idée est louable, sa réalisation pose toutefois problème.
Dérapages homophobes, fréquentations troubles, insultes racistes et amalgames dangereux, Theo Francken n’est plus secrétaire d’Etat, mais son passage à ce poste reste une honte nationale. Si certains voient en lui une sorte de Donald Trump belge, et l’admirent pour cela en prime, le consensus général semble être qu’il n’est rien de moins qu’un fasciste, dangereux qui plus est. Logique, donc, que le Front Antifasciste veuille l’empêcher de s’exprimer. Logique, mais aussi antidémocratique.
C’est que la liberté d’expression est précieuse en Belgique, tellement qu’elle est inscrite dans la Constitution. Certes, notre royaume est également le spécialiste du cordon sanitaire, c’est vrai, mais techniquement, avec son affiliation à la N-VA, Theo Francken ne tombe pas sous le chef de la mise à l’écart des extrémistes politiques. Ce qui ne l’empêche pas d’être mis au ban pour autant: face au tollé, une première conférence prévue à Hermalle-sous-Argenteau a dû être annulée, son organisatrice ayant dénoncé sur les réseaux sociaux les pressions qu’elle a subies.
Le fait de refuser un évènement qui ne va pas dans le sens qui vous convient, c’est pénaliser des indépendants qui auraient pu en retirer des bénéfices. Je constate que nous ne sommes pas libres d’agir. Cela donne une réputation à la Wallonie dont je me serais bien passée. On a le droit d’inviter un homme qui vient présenter un ouvrage. J’ai honte. Où doit-on en arriver juste pour la sortie d’un livre?
C’est donc à Barchon que se tiendra la conférence, où sont attendues environ 200 personnes. Si tant est qu’elles peuvent y entrer, le Front Antifasciste ayant annoncé sa volonté claire et nette de tout faire pour que l’événement ne puisse pas se dérouler. C’est vrai, après tout, pourquoi donc donner la parole à quelqu’un qui avoue s’inspirer parfois du Vlaams Belang et qui, par ses positions, met en péril la démocratie?
Simplement parce que si on ne le fait pas, on bafoue également cette même démocratie. Pour y maintenir l’équilibre, il est important que toutes les parties (hors cordon sanitaire) puissent s’y exprimer, partisans comme opposants. Manifester devant la salle de conférence, vouloir l’empêcher de se tenir en est une autre.
Aussi parce que de manière plus pernicieuse, tenter de faire taire ce genre de personnages ne fait que les renforcer.
Pour s’en convaincre, il suffit de regarder ce qui s’est passé chez nos lointains voisins américains, où toutes les tentatives de museler et/ou ridiculiser Donald Trump n’ont fait que convaincre une frange moins privilégiée de la population qu’il était « comme eux », un « exclus », forcément mieux à même de les comprendre. Alors que les élections fédérales se rapprochent dangereusement, et que le spectre du confédéralisme guette, est-ce vraiment le message qu’on a envie d’envoyer à nos voisins flamands? Qu’il vienne parler le 19: il suffit simplement de faire comme d’habitude et de ne pas l’écouter.