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Les 10 fléaux des Liégeois qui habitent ou travaillent à Bruxelles - Montage Boulettes Magazine (photo Unsplash)

Les 10 fardeaux des Liégeois qui bossent (ou habitent) à Bruxelles

« Bruxelles je t’aime, Bruxelles je t’aime, arrête de saouler« . C’est bien ça hein, le refrain d’Angèle ? Non ? Ah bon. C’est à vrai dire qu’on aurait pu jurer que si, parce que comme tous Liégeois qui étudient, travaillent voire habitent (à) la capitale, ou bien qui en ont fait l’expérience du moins, on est bien placés pour savoir que cette transition ne se fait pas sans peine(s). 

Qui aime bien châtie bien, notez, et c’est probablement parce que Bruxelles ne serait rien sans tous les Liégeois qui s’y pressent que ses natifs se permettent de tellement nous châtier. Même si, de vous à nous ? On préférerait parfois qu’ils nous manifestent leur amour avec des fleurs ou des chocolats. Ou du moins, sans commenter sur notre accent, par exemple.

1. « Ah ! Lièch’ ! Oufti ! »

Comment ça se passe, c’est dans les maternelles bruxelloises qu’on vous apprend que si on croise un cheval et qu’on veut lui donner à manger, il faut garder la main bien à plat, et si on croise un Liégeois, il faut commencer par lui balancer une variante de cette phrase ? Est-ce que c’est un lointain souvenir des guerres Liège-Brabant, une animosité latente qui aurait traversé les siècles ? Une performance d’art vivant, peut-être, ou un gigantesque sketch ?

Ce qui est certain, en tout cas, c’est que ça ne nous amuse pas. Et qu’on n’est pas plus susceptibles d’oublier que le nom de notre ville natale se compose de deux syllabes que de croire que le « v » de « vieux » se prononce « f ». Ah !

2. Les remarques sur notre (absence d’) accent

Au fond, qui sont les fameux Charybde et Scylla qu’on croise métaphoriquement quand on veut dire qu’une situation va de mal en pis ? Officiellement, des monstres de la mythologie grecque, dont l’un doté de pas moins de six têtes pourvues de trois rangées de dents chacune.

Les Liégeois de Bruxelles, eux, savent toutefois que Charybde, ou « la peste » si vous préférez cette variante de l’expression, c’est le peye qui te dit, juste après son « Ah ! Lièch ! Oufti ! » qu’en tout cas, t’as vraiment pas l’accent, avec la condescendance joyeuse de la personne qui s’attend à ce que tu la remercies avec effusion pour ce compliment. Scylla, ou le choléra, étant évidemment le triste sire qui prend lui son air le plus théâtral pour lancer « aaaaah, c’est ça l’accent » alors que : non.

L’accent liégeois touche au sublime, il parvient tout à la fois à émouvoir, agacer, fasciner et faire rire, mais par définition, les personnes qui l’ont vraiment ne bossent pas à Bruxelles. Déjà parce qu’ils ou elles ont le plus souvent passé le cap de la septantaine et ne bossent plus tout court, hein mi p’tit fi. Mais aussi parce que pour que ledit accent puisse vraiment s’épanouir, c’est-à-dire  jongler avec aisance entre les voyelles nasales, allongées ou avalées et être ainsi immédiatement reconnaissable, il faut être en Principauté, seul habitat connu du majestueux félin qu’est le tîk’.

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3. « Tu connais pas un tel »

Alors, de base, Liège étant une ville d’envergure comptant près de 200.000 habitants, et pas le charmant petit village de 20 pelés attardés que certains de nos compères bruxellois semblent s’imaginer, il y a de fortes chances pour que la réponse soit non. C’est vraiment beaucoup, 200.000 personnes, en vrai. Déjà sur Meta, vous avez officiellement 958 amis et vous n’en connaissez même pas la moitié.

Et c’est d’autant plus compliqué de les connaître toutes ces 200.000 têtes quand la question dans son entièreté est « Tu connais pas Machin ? Il est Liégeois aussi, il habite Waremme », soit à 25 kilomètres du 4000, donc. Ké vie ti. Et nous, de rester souriants et polis comme les bons sauvages qu’on est, de faire mine de se creuser la tête comme si on avait la moindre chance de le ou la connaître, ET PENDANT CE TEMPS PERSONNE NE NOUS DECERNE LA MOINDRE MEDAILLE POUR NOTRE ABNÉGATION NI LE PRIX NOBEL DU MAINTIEN DE LA PAIX.

Après, la vérité est (aussi) que si les gens affinent un peu, et partent par exemple de nos études ou de nos centres d’intérêt pour nous demander si on ne connaît pas X ou Y, la réponse est (très) souvent un joyeux MAIS SI retentissant. Et non seulement on le ou la connaît, mais en plus, c’est probablement l’ex du cousin de la voisine du fils de la collègue de notre mère avec qui on a dansé dans un spectacle d’école quand on était gamins.

Liège est une grande ville ainsi qu’un tout petit village, mais faut habiter sur place pour le comprendre et pour pouvoir en parler d’une manière qui ne soit pas méprisante.

4. La relativité des distances

Voir aussi : « Tu connais pas Machin ? Il habite Liège, à Waremme ».

Certes, nousmêmes on doit froncer le front et tirer un petit bout de langue studieuse quand on nous demande quelles sont les communes à facilités, et peut-être que si on devait replacer là comme ça sans réfléchir toutes les communes bruxelloises au bon endroit, il nous faudrait une carte type école Montessori, qui est en fait un puzzle assez facile mais n’allez pas dire ça à la maman de Pistil et Gonzague qui est persuadée que sa progéniture a un QI exceptionnel.

Bref. OK, OK, la géographie des villes d’autres que la sienne est complexe. Mais disons qu’un bon moyen de simplifier le schmilblick, c’est de partir du principe que la théorie de la relativité ne s’applique pas aux villes. Mise en pratique simple : je ne demande pas à mon collègue français s’il connaît Bidule, « parce qu’il habite Paris aussi, à Marseille ». Je ne prétends donc pas non plus aux Liégeois que je croise que n’importe quelle ville wallonne dont j’ai une fois entendu le nom fait partie de Liège. Basique, simple.

Même si, soyons clairs : oui, on est les patrons de la Wallonie, et si on y pense deux secondes, on serait presque flattés que dans l’imaginaire collectif, au sud du pays, il y ait « Liège », point.

5. La fourberie des Verviétois

Qu’un habitant d’Auderghem, qu’on place d’ailleurs plutôt difficilement sur une carte, nous demande si on ne connaît pas un « Liégeois » qui habite en réalité à 10 connexions de bus (et encore, pas le dimanche) du 4000, c’est une erreur honnête.

Mais que tous, oui TOUS les Verviétois qu’on rencontre à Bruxelles nous soient présentés comme des compatriotes principautaires parce qu’eux-mêmes se présentent comme tels, alors qu’ils savent pertinemment bien qu’il y a 40 minutes de voiture entre nos deux villes, en vrai ressenti trois siècles parce qu’il y a todi des travaux ou un accident sur l’autoroute qui nous relie ? Non. Juste non.

Certes, « la ville de Salah Abdeslam », ça claque moins que « la ville d’au Carré » (on y reviendra). Mais mentir, c’est mal – chacun chez soi, et « fieu ! » pour tous.

Et oui, techniquement, on sait que Verviers est dans la province de Liège, et qu’il n’est donc pas tout à fait faux de se dire Liégeois quand on est Verviétois, mais après si on va par là, nous on a été annexés à la République en 1795 et vous ne nous entendez pas nous présenter comme des Français parce qu’on n’est pas des marioles.

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6. La compassion mal-placée

Les zouz’ en sont limite à une fusillade par jour à ce stade, mais ils nous demandent quand même si « ça va » d’habiter ce qui n’est pourtant décidément pas le « Chicago belge », parce que si on avait une sculpture en forme de haricot géant et une tradition de deep dish pizza, ça se saurait. Coucou les clowns, on remonte dans son bus et bip bip on va faire le cirque ailleurs, merci !

7. La confusion avec Charleroi

Alors que techniquement, Bruxelles est bien plus proche de Charlouze que Liège ne l’est. Et on parle en termes géographiques, pas en termes d’insécurité et de propreté, rh rh rh rh.

Oh, ça va, nous aussi on peut rire parfois.

8. L’E40 les jours de pluie

Et quand on dit « jours de pluie », on veut dire un peu nuageux, avec trois gouttes qui tombent histoire de donner raison au petit symbole de la météo iPhone, mais pas une de plus, et même pas de quoi mouiller les personnes qui n’ont pas de bonnette. Allez savoir pourquoi, pourtant, ça suffit à ce que l’E40 soit virtuellement à l’arrêt et à ce qu’absolument tous les conducteurs qui ont le malheur d’y être oublient tous les fondamentaux du code de la route.

Tous sauf vous, ça va sans dire.

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9. « Au Carré »

Plus on y pense, plus on se dit qu’il doit exister une variante des livres d’anglais et de néerlandais de notre adolescence avec leurs phrases débiles qu’on ânonnait en classe, mais pour le lîdjeux.

20 ans après, on se rappelle avec un sentiment qu’on ne définissait pas encore comme « cringe » à l’époque de Christy lançant à un Daniel Cresson qui n’en demandait pas tant « I speak French you know ! Je t’aime ! ». Pour les Bruxellois, ben c’est pareil, ils sont programmés depuis leur plus jeune âge à nous dire « Lièch ! », « Oufti ! » et « J’ai déjà fait la fête au Carré » quand ils nous voient. Joie.

Sauf « qu’au » Carré, en l’occurence, c’est une boîte de nuit pour barakis située en Flandre. Le Carré, par contre, est un lieu de perdition et de liesse dont les ruelles plaquantes de bière et d’autres substances abritent les souvenirs des premiers émois d’à-peu-près tous les Liégeois. Lesquels, n’en déplaisent à celles et ceux qui voudraient les réduire à un måssî accent qu’ils n’ont même pas (tous) ont une assez bonne maîtrise du français, et savent que puisque c’est Le Carré, ont va donc »dans le » et pas « à le » c’est-à-dire « au » Carré.

Et toc.

10. La relativité des distances, bis

Est-ce qu’il existe beaucoup de Principautaires qui habitent le 4000 et se rendent plusieurs fois par semaine à Tokyo ou à Tombouctou pour le travail ? Probablement que non, parce que c’est à 13.406 et 17.460 kilomètres de distance, respectivement. Bruxelles, par contre ? Les bons jours, qui sont rares certes, ce n’est qu’à une heure et quelque de voiture ou de train de Liège, ce qui reste vachement honnête.

Quand vos collègues ou potes bruxellois viennent vous voir, par contre ? À les entendre comme ça passer tout l’apéro à parler du temps qu’il leur a fallu pour venir, de la route qu’ils ont dû parcourir, le calvaire qu’ils ont subi, n’ayons pas peur des mots, bizarrement, ça semble être beaucoup, beaucoup plus long. Tombouctou-Liège, genre.

Alors que bon, s’il y a des embouteillages dans le sens Bruxelles-Liège un samedi soir, qu’on nous les montre. De préférence, un lundi matin, quand on est soit coincés parmi des voitures qui n’avancent pas sur l’E40, soit dans l’aisselle nauséabonde d’un navetteur parce que le train était plein et qu’on est debout dans le couloir.

Bruxelles on t’aime, Bruxelles on t’aime. Mais steplaît, arrête de saouler.

Merci, grosse baise !

 

 

 

Journaliste pour Le Vif Weekend & Knack Weekend, Kathleen a aussi posé sa plume dans VICE, Le Vif ou encore Wilfried, avec une préférence pour les sujets de société et politique. Mariée avec Clément, co-rédacteur en chef de Boulettes Magazine, elle a fondé avec lui le semestriel SIROP, décliné à Liège et Bruxelles en attendant le reste du pays.