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À Liège, la sexologue Audry Patigny propose un accompagnement bienveillant à l'IVG - Canva

Avec la sexologue liégeoise qui veut adoucir l’expérience de l’IVG

Alors que ce droit, pourtant acquis de dure lutte, est menacé dans toujours plus de démocraties, il est primordial de défendre l’accès à l’IVG. Mais aussi, de militer pour une approche plus douce de ce qui reste une expérience qui peut s’avérer traumatisante. Forte de 14 ans d’expérience en planning familial, la sexologue liégeoise Audry Patigny défend ainsi « l’interruption de grossesse bienveillante », et rappelle ce faisant la nécessité de placer la femme au coeur de cet accompagnement. 

Pour rappel, en Belgique, depuis 1991, l’interruption volontaire de grossesse (IVG) est légalement autorisée avant la fin de la 12e semaine qui suit la conception, c’est à dire 14 semaines après les dernières règles. N’en déplaise aux porteurs de calotte qui qualifient les médecins qui le pratiquent de « tueurs à gage » (poke, ou plutôt puke? Jorge Mario Bergoglio), chez nous, l’avortement est un droit dont bénéficient toutes les femmes.

Voici pour le cadre théorique. Dans la pratique, du délai imposé de 6 jours entre la première consultation et l’intervention, autant dire une éternité pour les femmes dont la grossesse résulte d’un viol, au stigma parfois très lourd qui pèse encore sur cette pratique, l’IVG peut être (très) mal vécu par celles qui y ont recours. Et Audry Patigny est bien placée pour le savoir.

Âgée de 36 ans, cette thérapeute spécialisée en « sexologie naturelle et féminine », qui propose, outre ses consultations, conseils et contenus en ligne via sa plateforme Les Magiciennes, a officié près de 15 ans durant en tant qu’accueillante IVG dans un planning familial. Et croisé ainsi la route de centaines de femmes, aux côtés desquelles elle a été aux premières loges pour observer ce qu’elle qualifie de « lacunes du sytème actuel ».

Des failles auxquelles elle est déterminée à remédier à son échelle.

Un droit et des devoirs

Son credo: « proposer aux femmes une approche bienveillante et holistique, adaptée à leurs besoins spécifiques et à leurs parcours de vie lorsqu’elles vivent une interruption de grossesse ».

Mais encore?

« Une interruption de grossesse bienveillante est une approche qui place la femme, ses émotions et ses besoins spécifiques, au centre de l’accompagnement, en garantissant un soutien respectueux, empathique et personnalisé tout au long du processus. L’objectif n’est pas simplement de réaliser l’acte médical, mais de prendre en compte l’ensemble du vécu de la femme avant, pendant et après l’interruption de grossesse » explique-t-elle.

Et Audry de préciser qu’il s’agit « d’offrir un espace de soutien aux femmes qui en ont besoin et de ne pas partir du principe que cela ira pour toutes les femmes, car faire une IVG n’est pas dramatique pour toutes (heureusement !), mais pour certaines, cela peut l’être ».

« Concrètement, cela signifie une écoute attentive et sans jugement, en offrant un espace sécurisé où la femme peut exprimer ses sentiments, ses peurs, ses doutes et ses besoins sans crainte de jugement. Elle doit se sentir entendue et respectée dans ses choix, quels qu’ils soient. Un accompagnement émotionnel personnalisé est également essentiel, car chaque femme vit une interruption de grossesse différemment ».

C’est qu’ainsi que le rappelle la sexologue, « une IVG n’est pas seulement une intervention médicale, mais un moment complexe, émotionnellement et physiquement ».

Dans son approche, une interruption de grossesse bienveillante inclut donc une série de pratiques telles que la naturopathie, la gestion du stress, et le soutien à la guérison émotionnelle à travers des rituels, des moments de réflexion et des pratique corporelles.

Et de souligner également l’importance « de proposer un accompagnement continu, car les femmes se retrouvent souvent seules après l’intervention, sans savoir vers qui se tourner pour obtenir un soutien ».

« Au fil de mes années d’accompagnement, j’ai observé que l’aspect émotionnel de l’interruption de grossesse était souvent négligé, voire ignoré. Les femmes se retrouvaient face à un système médical qui, malgré ses compétences techniques, ne parvenait pas à répondre à leurs besoins émotionnels et psychologiques. Trop souvent, elles étaient laissées seules après l’acte médical, sans repères clairs pour comprendre et gérer les sentiments complexes qui pouvaient émerger, comme la culpabilité, la tristesse, ou même la honte » pointe encore Audry Patigny.

« En Belgique, bien que l’avortement soit légal depuis 1990, il demeure encore un sujet entouré de tabous et de stigmatisation. Même si le cadre légal est clair et qu’une femme peut avoir recours à une interruption de grossesse sous certaines conditions, la question de savoir si l’avortement est suffisamment démystifié reste complexe ».

Et pas prête de se simplifier après les récents propos du pape lors de sa visite en Belgique. « Notre société, encore largement patriarcale, valorise la maternité comme un rôle primordial pour les femmes. Cette pression sociale pousse beaucoup d’entre elles à croire que leur valeur réside principalement dans leur capacité à être mères. Lorsqu’une grossesse ne se poursuit pas, que ce soit par choix ou par nécessité, cela peut être vécu comme un échec personnel » concède la fondatrice des Magiciennes.

Qui regrette que « pour certaines, l’interruption de grossesse puisse engendrer un sentiment de culpabilité dévastateur ».

« Elles peuvent se demander si elles ont fait le bon choix, si elles ont failli à un devoir biologique ou moral, ou si elles seront jugées par leur entourage. À cela s’ajoute la honte, un sentiment d’autant plus profond qu’il est souvent intériorisé, poussé par la crainte d’être perçue comme « défaillante » ou « incapable ». Ce sentiment est particulièrement intense pour celles qui vivent une fausse couche, car elles peuvent avoir l’impression que leur corps les a trahies en ne parvenant pas à mener la grossesse à terme ».

D’où son approche bienveillante, dont on ne sait s’il faut se réjouir, ou bien si elle est un triste rappel que plus de 30 ans après la dépénalisation de l’IVG en Belgique, les mentalités et le suivi n’ont que (trop) peu évolué.

Tout doucement

« En proposant une approche aussi bienveillante qu’holistique, je réponds à un besoin essentiel pour de nombreuses femmes : celui d’être accompagnées avec douceur et humanité dans une étape de vie souvent difficile. Mon engagement montre qu’il est possible de transformer une expérience douloureuse en un moment de croissance et de guérison, simplement en étant à l’écoute des besoins réels des femmes » assure Audry.

Et de conclure en rappelant que « l’interruption de grossesse est un moment de vie difficile, mais elle ne devrait pas être une source supplémentaire de souffrance à cause d’un manque d’accompagnement adéquat. En réintroduisant de la douceur, de la bienveillance, et de l’empathie dans ce parcours, nous pouvons offrir aux femmes un soutien réel et complet. C’est une question de respect, de dignité, et de solidarité, qui devrait être au cœur de notre système de soins. Il est temps de mettre l’humain au centre de nos préoccupations et de repenser notre approche de l’accompagnement à l’interruption de grossesse ».

Découvrez l’accompagnement bienveillant à l’IVG à Liège

Rue du Bastion 59, 4020 Liège / +32 475/31.77.04 / lesmagiciennes@hotmail.com

Le site internet des Magiciennes

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Journaliste pour Le Vif Weekend & Knack Weekend, Kathleen a aussi posé sa plume dans VICE, Le Vif ou encore Wilfried, avec une préférence pour les sujets de société et politique. Mariée avec Clément, co-rédacteur en chef de Boulettes Magazine, elle a fondé avec lui le semestriel SIROP, décliné à Liège et Bruxelles en attendant le reste du pays.