Un Américain à Liège
Si la Toussaint suit d’ordinaire un schéma immuable rythmé par les « arrêts chrysanthèmes » de chaque famille ; le 1er Novembre 2014, outre le fait qu’il battit le record de température de 1901, restera une journée à marquer d’une pierre –tombale?- blanche : aussi improbable que cela puisse paraître, un touriste américain flânait dans les ruelles de notre ardente Cité.
Originaire de San Francisco et résidant actuellement à Berlin où il étudie la musique, notre ami Jacob avait choisi de profiter de ses vacances d’automne pour venir nous rendre visite. A milles lieues du Golden Gate Bridge et des ruelles colorées de sa ville natale, quelle impression pourraient bien lui faire nos pavés brinquebalants et nos bâtisses de pierre bleue ? Compte-rendu d’une après-midi Lost in Translation.
Alors que des bastions de tourisme tels que Paris et Venise font figure d’incontournables pour tout Américain en goguette sur le Vieux Continent, un détour par Liège semble peu probable tant les trésors dont elle recèle restent méconnus du grand public –et de la grande majorité des Européens eux-mêmes.
Amoureuses de notre belle Cité, nous étions remplies d’appréhension à l’idée qu’il ne voit en elle rien de plus que les clichés tant ressassés sur sa saleté et son insécurité, mais ainsi que nous allions vite nous en rendre compte, notre inquiétude était futile.
En effet, à peine débarqué sous les voutes de la gare Calatrava, Jacob était déjà séduit par cette cathédrale d’acier et impatient de partir à la découverte de Liège. Emerveillé par le caractère neuf et imposant de l’édifice et déplorant le fait que les Etats-Unis soient « remplis de vieilles gares tombant en ruine », ce Californien arpentant les quais le nez en l’air incarnait un magnifique pied-de-nez aux détracteurs de Calatrava : certes, l’acoustique a des couacs et les navetteurs prennent l’eau en cas d’intempéries, mais il n’empêche que notre gare en met plein la vue aux voyageurs et est un sacré point de départ pour partir à la découverte de la ville !
Si la Foire d’octobre fait depuis longtemps partie du paysage pour les vingtenaires rangées des carrousels que nous sommes, Jacob, lui n’en croit pas ses yeux une fois arrivé Boulevard d’Avroy. La première surprise passée, et bien que nous lui ayons expliqué le caractère temporaire de cette fantasmagorie foraine, Jake n’en démord pas : pour lui, un parc d’attraction en pleine ville, c’est le summum du cool – et même une nuit rythmée par le balancement de la Turbine et les cris d’orfraie de ses passagers ne parviendra pas à le faire changer d’avis.
Le lendemain matin, à peine remis d’une guindaille comme seuls les liégeois en ont le secret, nous voilà partis à la découverte de Liège.
Cliché parmi les clichés, le Carré reste néanmoins un des incontournables du 4000 où il nous a semblé bon de l’emmener malgré les effluves houblonnés qui hantent ses rues le Samedi matin.
En chemin, surprise : il insiste pour s’arrêter et parcourir la rue Pont d’Avroy…et pour nous rappeler par la même occasion à quel point Liège est belle !
Là où nous avions le tort de ne plus voir qu’un passage obligé sur le chemin du Centre, on s’est retrouvées à l’imiter, et finalement à être tout aussi émerveillées que lui en regardant par dessus les devantures criardes pour admirer les façades ouvragées qui surplombent les commerces. Si cette conclusion ne va pas de soi pour les passants pressés ayant tendance à associer cette artère au cinéma et aux restaurants dont elle est parsemée, on s’est pourtant retrouvées à approuver avec enthousiasme quand il l’a déclarée être vraiment jolie – mémo personnel : ne pas oublier de marcher le nez en l’air chal !
Si les relents de lendemain de veille ne formalisent pas notre Américain en goguette, il n’en va pas de même des panneaux d’interdiction qui tapissent désormais les rues du Carré. Bien qu’une certaine réhabilitation du quartier ait été rendue nécessaire par les débordements à répétition, difficile de lui faire comprendre que bien que ces rues soient le QG des fêtards liégeois, il y soit interdit de boire où de se laisser aller à manifester son enthousiasme un peu trop bruyamment et c’est plutôt perplexe qu’il nous suit pour continuer la visite.
Bien que la Cathédrale ne suscite pas la réaction à laquelle on s’attendait -difficile de rivaliser avec la cathédrale de Cologne qu’il avait visitée la veille-, la façade dentelée du Palais des Princes Évêques et la Place du Marché toute proche récoltent leur lot d’exclamations ravies.
A peine le temps de prendre une photo devant le Perron que nous voici déjà au pied de la montagne de Bueren. Bien que San Francisco ne manque pas de ruelles escarpées, le spectacle de ce monumental escalier bordé de maisons pittoresques achève de le séduire. Après un détour par Hors-Château et son dédale de façades classées, passage obligé par le bord de l’eau pour terminer la visite. Baignés dans la lumière dorée de fin de journée, les quais offrent un spectacle époustouflant, et c’est tout aussi émerveillées que Jacob qu’on admire le flot scintillant de la Meuse sous les ponts en enfilade.
Attablé devant un boulet-frites on ne peut plus typique, notre Liégeois d’un jour est intarissable sur sa visite de la ville et, gagnées par son enthousiasme, il nous faut nous retenir d’applaudir à tout rompre lorsqu’il déclare trouver Liège absolument magnifique et dépaysante.
Entre deux bouchées, il résume ses impressions : « vous avez de beaux bâtiments, une rivière, une fête foraine…there’s everything here ! »…Après une journée passée à arpenter la ville et à admirer ses bâtiments resplendissant sous un ciel bleu inespéré pour la saison, on ne peut que lui donner raison.
Liège est-elle en passe de devenir la nouvelle place-to-be de l’Ancien Continent ? Affaire à suivre !