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self-défense harcèlement de rue Unsplash

Et si plutôt que d’apprendre la self-défense aux filles, on enseignait le respect aux mecs?

Le projet est louable et désespérant à la fois: à Droixhe, jusqu’au 28 février prochain, un stage de self-défense sera organisé pour les filles du quartier. Une initiative louable, qui montre que la Ville prend la problématique du harcèlement au sérieux, et donne aux victimes potentielles les armes pour se défendre. Même si dans un monde idéal, on inculquerait plutôt le respect aux mecs dès la naissance, et ce genre de stage n’aurait pas lieu d’être. 

Elles sont 16 jeunes filles et ados de Droixhe à s’être inscrites pour suivre le stage de self-défense organisé cette semaine. Un stage lancé à l’initiative de l’échevine Julie Fernandez Fernandez, qui a voulu agir en réponse au problème du traitement des filles au sein des maisons de jeunesse de la région. Mais aussi aller plus loin, en protégeant celles qui sont « les cibles privilégiées des harceleurs potentiels ». Une initiative qui répond clairement à une demande existante, puisque le stage a rapidement affiché complet. Objectif avoué de la Ville? Permettre aux jeunes liégeoises de gagner en confiance en elles, et donc, de s’émanciper. À raison de trois heures de cours quotidiennes données par un membre du club Krav Maga Évolution, les 16 participantes au stage, âgées de 15 à 21 ans, vont donc pouvoir apprendre les techniques nécessaires pour se sentir en sécurité si d’aventure elles devaient être abordées par un indésirable en rue. Et face au succès de l’initiative, elle est dores et déjà appelée à se répéter dans d’autres quartiers. Bien. Sauf qu’apprendre la self-défense aux filles pour contrer le harcèlement de rue, c’est un peu comme engager des stylistes spécialisées dans les tenues modestes pour mettre fin aux viols: le problème est identifié, mais on se trompe de solution.

Lire aussi: Le harcèlement de rue, un combat permanent à Liège

Le respect plutôt que la self-défense

La problématique vaut pour Liège, pour Bruxelles, pour Berlin, pour New-York, pour tous les espaces publics où hommes et femmes se côtoient, et elle est navrante dans son universalité: être une femme, en rue, c’est s’exposer au mieux à des sifflements, remarques et autres « compliments » non sollicités, au pire, à des gestes déplacés ou à des agressions sexuelles. Cela ne se limite certainement pas à Droixhe, et ça ne va pas aller mieux en apprenant aux filles à riposter, en visant bien les couilles pour immobiliser momentanément l’adversaire, et en tentant de lui casser le nez au passage pour s’acheter le temps nécessaire pour s’enfuir.

Non. Mettre fin au harcèlement de rue et à l’objectification permanente des femmes et des filles au prétexte qu’elles ont des seins et un vagin plutôt qu’une bite, ça passe par l’éducation dès le plus jeune âge des hommes au respect. Par un refus et une dénonciation de la sexualisation permanente des femmes, dont les réseaux sociaux sanctionnent les tétons, mais pas ceux des hommes, alors qu’il s’agit littéralement de la même chose, juste sur un corps différent. Ca passe par la nécessité d’apprendre à son fils, à son frère, à tous les « harceleurs potentiels » que non, c’est non, qu’une jupe ou du rouge à lèvres ne s’apparente pas à une invitation à se faire « complimenter » de manière impromptue (le compliment étant donc laissé à l’appréciation des filles qui aiment qu’on leur dise qu’elles sont « bonnes ») et que non, aucune histoire d’amour n’a jamais commencé par un gros lourd qui suit la princesse dans la rue en lui demandant son 04 avec une insistance grandissante.

Et ce n’est pas la responsabilité de Julie Fernandez Fernandez ni de la Ville. D’ailleurs, même si un stage sur l’importance du respect était organisé, pas sûr qu’il se remplirait aussi vite que celui de self-défense.

Journaliste pour Le Vif Weekend & Knack Weekend, Kathleen a aussi posé sa plume dans VICE, Le Vif ou encore Wilfried, avec une préférence pour les sujets de société et politique. Mariée avec Clément, co-rédacteur en chef de Boulettes Magazine, elle a fondé avec lui le semestriel SIROP, décliné à Liège et Bruxelles en attendant le reste du pays.