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À Liège, voitures et vélos sont forcés de se détester

« Danger public », « monopolisateur de chaussée », « fléau », s’accusent conducteurs de vélos et de voitures à Liège. À tort et à travers, mais aussi à raison: entre absence de signalisation adéquate et manque d’espace dédié, automobilistes et cyclistes liégeois n’ont pas d’autre choix que se détester. 

C’est à en perdre les pédales, sans mauvais jeu de mot. Suivant qu’on se trouve sur une selle ou derrière un volant, la rage monte de manière inexorable envers « l’autre camp », et on se retrouve à proférer les pires insultes à l’encontre de ceux dont hier encore, on partageait le moyen de locomotion.

Qu’on prenne la voiture, et soudain, on klaxonne les cyclistes qui « roulent n’importe comment » et « occupent toute la chaussée en pédalant à du 2 à l’heure ». Qu’on choisisse plutôt cette fois d’enfourcher sa bécane à propulsion pédalisée et soudain, le plaisir de circuler en plein air est gâché à la moindre voiture qui s’approche dangereusement près (et elles le font presque toutes) ou qui a l’audace de nous klaxonner alors qu’on roule sur la piste cyclable. Piste cyclable que certains automobilistes ont en outre tendance à prendre pour un parking.

Si chaque « camp » aime accuser l’autre de toutes les maux, il suffit de prendre un peu de recul pour réaliser que les griefs sont partagés et que chacun fait ce qu’il peut, avec plus ou moins de civisme et de civilité, dans une ville en cuvette aux espaces de circulation étroits, et où une mobilité harmonieuse entre automobilistes et modes de circulation doux semble à l’heure actuelle impossible. Sauf qu’à l’impossible nul n’est tenu, surtout pas de valeureux Liégeois.

voitures liège unsplash

Des vélos qui déraillent et des voitures qui déboulent

« Mais comment font-ils donc nos voisins flamands et hollandais pour que ça se passe si bien de circuler à vélo? ». Facile: pour la plupart, ils ont des pistes cyclables délimitées non pas par un traçage au sol sur une route déjà relativement étroite, qui poussent les automobilistes pressés au dépassement rageux et intempestif des cyclistes, mais bien des espaces dédiés, souvent séparés de la route par une bordure, délimitation claire et nette qui fait aussi office de protection.

Car il ne fait pas bon être un cycliste à Liège, les membres de Masse Critique vous le diront, les proches de Liégeois.es qui ont perdu la vie à vélo aussi, tandis que les automobilistes répondront « que oui mais ils déboulent de partout » et ils n’auront pas tort, puisque le réseau de pistes cyclables, même s’il part sans aucun doute d’une bonne attention, s’apparente plus à une blague qu’à une solution.

Oui mais quelle solution alors? Si son tracé ne concerne qu’une petite partie de la ville, l’arrivée du tram laisse espérer un espace public repensé et une mobilité apaisée. Certains axes vont devenir interdits aux voitures, mais il s’agit aussi de penser intelligemment ceux qui les accueilleront toujours pour qu’ils soient moins violents envers les mobilités douces. Si la ville a déjà mis en place 350 sens uniques limités ainsi que des « quartiers apaisés », où la vitesse est limitée à 30 km/h et des « portes d’entrées » (plateau, trottoir traversant ou rétrécissement de la voirie) indiquent à l’automobiliste qu’il doit réduire sa vitesse et adapter son comportement car il partage l’espace avec les autres usagers, elle peut et doit faire mieux.

Réinventer (la mobilité à) Liège

Cela faisait d’ailleurs partie des nombreux souhaits exprimés sur « Réinventons Liège », avec une demande de mise en place d’un réseau de pistes cyclables continu et sécurisé en site propre.

« Outre le nouveau Ravel de rive droite, des corridors vélo, confortables, sécurisés, en grande partie en site propre, doivent être développés sur le territoire, permettant de rapidement connecter les quartiers et le centre-ville. Ces corridors vélos offriront un espace de circulation dédié exclusivement aux cyclistes qui aura une largeur de minimum 3 mètres »

À l’heure actuelle, une dizaine de corridors sont d’ailleurs en cours d’identification via l’actualisation du Plan Communal de Mobilité (PCM). Au programme:

• Corridor rive gauche de la Meuse entre le Val Benoît et Coronmeuse
• Corridor vers la gare d’Herstal via la passerelle Vivegnis
• Corridor place du XX Août Pont Kennedy
• Corridor vers le Thier-à-Liège via le Boulevard Ernest Solvay
• Corridor connectant le Ravel 38 à Bressoux via la rue des Sarts
• Corridor le long de la fin de l’E25
• Corridor vers la Citadelle via un téléphérique (accessible aux cyclistes)
• Passerelle cyclo-piétonne au-dessus de l’Ourthe à Chênée (connexion Ravel et place Willems)
• Passerelle cyclo-piétonne au-dessus de l’Ourthe connectant Joseph Deflandre au Ravel de l’Ourthe
• Corridor Val Dieu connectant la gare des Guillemins aux Vennes le long du chemin de fer
• Corridor Gare des Guillemins – Ravel ligne 210 (CHC), notamment avec un tronçon entre la gare et le carrefour Eburons
• Corridor vers le Sart Tilman via la rue Sous-Le-Bois vers le Pré-Aily
• Corridor vers Seraing via la rue Rivage-En-Pot et Renory

Une solution durable ou une source supplémentaire de tensions entre les usagers? Affaire à suivre (mais à pied, en voiture et/ou en vélo, c’est trop pénible en ce moment).

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Photo de couverture: Unsplash / Lace Grandahl 

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