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Air de rien

L’Air de Rien n’a pas encore d’étoile, mais ça ne saurait tarder

Après avoir fait ses armes à Fontin, Stéphane Diffels a déménagé l’Air de Rien… à Fontin, toujours, à quelques mètres à vol d’oiseau, mais avec un espace plus grand et un extérieur cette fois. Un cadre enchanteur qui offre l’écrin idéal à sa cuisine surprenante, qui sublime le terroir liégeois. 

Il est de ces invitations qu’on ne refuse pas, et découvrir l’Air de Rien dans son nouvel écrin en fait résolument partie. Il y a quatre ans de ça, la première visite dans l’établissement avait été un émerveillement, des conseils avisés du sommelier, Marc Delvenne, à la prévenance de l’équipe, en passant par la farandole d’assiettes dansant devant les yeux des gourmets, dont on se rappelait encore des années après d’un lard laqué touchant au sublime. Seul regret? Ne pas pouvoir savourer ces mets raffinés en extérieur, le cadre cosy du restaurant étant quelque peu étouffant en cette chaude soirée d’été dans cette région pourtant si verte et agréable. Le trop étant parfois aussi l’ennemi du bien, on aurait peut-être préféré un menu légèrement raccourci, l’appétit venant franchement à manquer vers les dernières assiettes, dont on entamait le contenu à regret, sans pouvoir en avaler plus de quelques bouchées.

Stéphane Diffels et son équipe auraient-ils entendu nos prières, ou d’autres dîneurs s’en seraient-ils fait écho à notre place? En tout cas, dans ses nouveaux quartiers, l’Air de Rien prend ses aises dans un espace épuré aux volumes généreux, s’offre un joli extérieur en prime, et fait le pari de raccourcir le menu de deux services et de le proposer tel quel à l’ensemble des dîneurs. Pas de choix à la carte mais bien une symphonie de services pensés pour se répondre et emmener les convives à la découverte de toute la richesse du terroir liégeois.

l'Air de rien

l'Air de rien

Nostalgie sublimée

D’emblée, la magie opère. En accompagnement des belles bulles belges sélectionnées par le sommelier, Jérémy Pondant, arrivent d’abord un gaspacho de petits pois à la menthe et un « radis beurre » au goût d’enfance en Ourthe-Amblève, entre légumes du jardin cultivés par Bonpapa avec un amour qui se goûtait à chaque bouchée, et ce beurre de ferme sublime que les initiés allaient chercher à Fisenne, chez Guilaine et Odon. Si le propre des grands chefs est de susciter l’émotion en quelques ingrédients, Stéphane Diffels et son équipe y arrivent l’air de rien, l’air de ne pas y toucher, avec une fausse décontraction manifestée par le ballet silencieux en cuisine, mais dont la minutie se ressent dans chaque détail.

L'air de rien

Comme, par exemple, la vaisselle en pierre du pays, dont la taille a contribué à la richesse de la région, et qui témoigne de tout le respect que l’Air de Rien témoigne à ses terres. Tandis qu’on s’extasie sur le souci du détail de Stéphane Diffels et de son équipe, les mises en bouche s’enchaînent à un rythme parfait, et on saluera notamment une moule infusée à la verveine, que le second nous invite à lamper jusqu’à la dernière goutte, sans qu’on ait besoin de se faire prier.

L'air de rien

Magistral, l’Air de Rien

Au moment de recevoir une infusion d’oeuf avec du lard façon carbonara, un léger froncement de sourcils s’échange des deux côtés de la table. C’est que le fameux oeuf bas température a été exploité à l’envi par les chefs de la région, qui avaient déjà en ça quelques années de retard sur les grandes capitales, et on en serait presque à en être… écoeurés. Sauf qu’avec la maîtrise et l’imagination qui sont siennes, Stéphane Diffels en fait une assiette réjouissante et surprenante, servie en clin d’oeil dans un joli nid, et tellement savoureuse qu’on se surprend à racler la moindre goutte au doigt, faisant fi des convenances.

l'air de rien

Qu’à cela ne tienne: les autres tables sont toutes occupées à s’extasier devant l’enchaînement des plats, servis avec une précision des plus agréables, ni trop rapidement pour donner une désagréable impression de gavage, ni trop espacées pour laisser aux papilles le temps de bâiller. Juste parfaitement, à l’image de la cuisson du boeuf holstein, servi avec un chimichurri exquis, ou des langoustines accompagnées de tomates et aubergine, qui apportent un intermède ensoleillé aux quinze (!) services de cette promenade culinaire à travers le terroir liégeois.

l'air de rien

La tête dans les étoiles

Les gourmands curieux ne s’y tromperont pas et salueront l’utilisation multiple de certains ingrédients, une approche qui pousse le respect du produit à son paroxysme et s’inscrit à merveille dans la tendance « zéro déchet » actuelle. D’ailleurs, les gourmands en question ne s’y sont pas trompés et viennent de la région, certes, mais aussi de Flandre ou encore du Luxembourg en ce mercredi où les sens sont en éveil dans l’écrin de l’Air de Rien. Une expérience sensorielle exquise, proposée au prix de 90 euros le menu fixe (+47€ pour la sélection des vins, surprenante et généreusement servie): pas donné, certes, mais tout à fait raisonnable au vu du niveau de qualité. Un niveau pas encore récompensé d’une étoile Michelin, dont on prédit qu’elle ne saurait plus guère tarder maintenant que l’Air de Rien a posé ses valises dans un cadre à la hauteur de sa cuisine.

L’Air de Rien

Chemin de la Xhavée 23, 4130 Fontin

04/225 26 24

Réservation obligatoire / Fermeture le dimanche et le lundi ainsi que le mardi et samedi midi

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Journaliste pour Le Vif Weekend & Knack Weekend, Kathleen a aussi posé sa plume dans VICE, Le Vif ou encore Wilfried, avec une préférence pour les sujets de société et politique. Mariée avec Clément, co-rédacteur en chef de Boulettes Magazine, elle a fondé avec lui le semestriel SIROP, décliné à Liège et Bruxelles en attendant le reste du pays.