Boulettes Magazine

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Lords of * Waveless * Walifornia


Article: Kath // Photos: Charly

Vous avez un film culte vous?
Moi c’est Lords of Dogtown, le biopic consacré au Z-boys et capturant à la perfection la naissance de la subculture dans le Los Angeles des années 70.

Quand je l’ai vu pour la première fois, je devais avoir environ 14 ans et ces surfers/skaters incarnaient pour moi le summum de la coolitude. Parmi mes scènes cultes, il y a celle-ci: Heath Ledger alias Skip qui bosse sur une planche de surf avec Maggie May en fond sonore… Too cool for school!

Forcément, vous imaginez mon bonheur quand j’ai appris que deux Liégeois avaient décidé de se lancer le projet fou de créer des planches de surf 100% ardentes! Rencontre avec Greg & Lionel, les créateurs de Waveless pour parler surf, aventure et Wallifornie.
 (avertissement: ce post donne de sérieuses envies de plage et d’évasion) 

Avant de rencontrer Greg (le brun) et Lionel (le blond), on ne savait pas trop à quoi s’attendre.
Allait-on se trouver nez-à-nez avec deux beach bums en maillot short à la tignasse décolorée par le soleil? Loupé!

A vrai dire, Greg et Lionel ont plutôt tout du gendre idéal*: sympathiques, propres sur eux, et exerçant tous les deux un métier plutôt sérieux. En effet, si la nuit tombée Greg et Lionel se transforment en shapers, à la ville, ils sont respectivement (presque) notaire et biologiste moléculaire. Bon, mais comment ils se sont retrouvés à faire des planches de surf alors?

Greg:   » Je rentrais d’un trip au Maroc où j’avais été mordu par le virus du surf. J’avais envie de m’acheter une bonne planche, et c’est comme ça que je suis tombé sur les shapers, ces artisans qui fabriquent manuellement des planches de surf. Seul problème: elles étaient toutes extrêmement chères. Du coup, je me suis dit ‘pourquoi pas créer ma propre planche?’ et je suis allé trouver Lionel avec mon idée »Lionel: « Il a du insister pendant deux mois avant de me convaincre. Au début, je lui ai dit qu’il était complètement malade: shaper une planche demande un matériel et une technique de dingue! On est fort différents tous les deux: Greg, c’est la folie et les idées et moi je suis la raison et la science.
Finalement, on est tombés sur le bouquin d’un shaper australien et on a appris les bases grâce à ça et à des tutoriaux sur Youtube. On a fabriqué pas mal d’outils nous-mêmes et on est tombés sur des shops basés dans le Sud de la France qui vendaient le matériel nécessaire, la fibre de verre, la résine… C’est quand on a acheté le matériel que je me suis dit « ah, mais il y a moyen d’acheter tout ça? Bon ok, on se lance! »

Dont acte: en 2013, la machine Waveless était lancée – le terme machine étant ici plutôt mal choisi puisque Lionel et Greg font tout à la main. Un projet un peu fou qui ne fait pas peur à ces deux battants. Pourtant, à priori, rien ne les prédestinait  à se lancer ensemble:

Lionel: « En humanités, on était ennemis, on a même failli se battre. Une histoire de fille… On vient tous les deux de la banlieue liégeoise et quand on est venus habiter à Liège, on s’est retrouvé à graviter dans le même cercle d’amis. Logique: les gens de la campagne restent ensemble!
Greg étant un ami d’amis, je me suis retrouvé invité à un barbecue chez lui. Là, le choc: en déambulant, je suis tombé nez à nez avec une planche de surf dans la buanderie. C’est comme ça que tout a commencé: j’hallucinais qu’il surfe aussi! On est partis en Zélande ensemble, puis on est allés faire des stages UCPA à Biarritz pour consolider les bases et depuis 5 ans on surfe « en free ». 

L’amour du surf plus fort que les différents? Non, vous ne rêvez pas, l’histoire de Greg et Lionel semble bien tout droit sortie d’une chanson des Beach Boys
D’ailleurs justement, comment on devient un beach boy quand on grandit loin de la côte, sur les rives de la Meuse?

Greg:  » J’étais fan du film Point Break, et ça m’a donné envie d’essayer. Je suis parti au Maroc, mais je me suis d’abord cantonné au bodyboard: je n’avais pas envie d’investir dans du matériel de surf. En rentrant, j’ai craqué, et depuis je n’ai jamais arrêté ».

Lionel:  » Ça fait plus de 10 ans que je surfe. Une connaissance habitait à Biarritz et j’ai essayé là-bas. J’ai tout de suite adoré: le surf, c’est comme une drogue. D’ailleurs, à la base, si j’ai fait bio c’était pour bifurquer vers l’océanographie. Je m’imaginais surfer avant d’aller au bureau… Bon, je me suis vite rendu compte qu’il n’y avait pas de débouchés en océano alors je me suis réorienté vers la biologie moléculaire ».

Quand on leur demande ce qui leur plait tant dans le surf, leurs réponses sont très différentes, à l’image de leurs personnalités.

Lionel:   » Les sensation sont incomparables. Être dans l’océan, se laisser bercer par les éléments… On est en communion totale avec la nature ».
Greg: «  Moi ce qui me plait, c’est l’état d’esprit associé au surf: les voyages, les rencontres qu’on fait… » 
Malgré (ou plutôt « grâce à »?) leurs personnalités opposées, la complicité de Lionel et Greg est évidente: logique quand on sait qu’ils passent la plupart de leur temps libre à bricoler en tête-à-tête.

Lionel: «  On fait quasi tout à deux et ça nous prend environ 40 heures de faire une planche. Un pro mettra une dizaine d’heures, mais bon, il faut compter le séchage, tout ça prend du temps. Parfois on bosse sans l’autre, mais c’est moins drôle: à deux, on papote, on écoute de la musique et on boit des bières en travaillant. C’est un hobby assez chronophage, mais on a la chance d’avoir des copines compréhensives. On utilise une méthode de travail rétro, des techniques inchangées depuis les années 60: on met encore nos planches en forme avec un bon vieux rabot à bois! »

Greg:  » On pourrait déléguer pour que cela nous prenne moins de temps, mais on fait de l’artisanat, donc ce n’est pas évident… C’est un peu comme un chocolatier, c’est lui qui a la « touche ». Au début, on bossait super bien habillés pour faire genre « on est méga cools » mais on s’est vite rendus compte que c’était hyper salissant, du coup maintenant on shape nos planches en caleçon! » 
Avec parfois quelques mésaventures:  » J’étais passé à l’atelier sur le temps de midi, un peu à la va-vite. J’avais posé le scalpel sur la planche, et puis je m’étais mis à la poncer et je l’avais un peu oublié. Pas de chance: en ponçant, je me suis planté le scalpel dans la main! »Résultat pour Greg: un tendon sectionné qui n’a nullement entamé son enthousiasme. Il faut dire que le surf, ce n’est pas pour les chochottes, et les deux compères en ont vu d’autres.




Lionel:
«  Au début, le surf, c’est un peu l’école de la frustration. Il faut s’imaginer que tu es en snowboard, mais sans les remontées mécaniques, à plat ventre sur ta planche sur laquelle tu dois te hisser sans fixations, avec une visibilité à 5 mètres. L’avantage, c’est que même s’il faut du temps avant de savoir bien rider, ça reste un plaisir. Le fait d’être dans l’eau et de se ramasser des méga vagues dans la figure, moi ça m’amusait déjà »




Greg: «  En prenant des cours d’initiation, en 2-3 jours, il y a déjà moyen de se lever sur sa planche sans tomber. Le surf, ce n’est pas un sport, c’est un état d’esprit. On s’est déjà retrouvés à surfer en mer du Nord, il faisait 0 degrés et il a commencé à neiger quand on était dans l’eau. On a du se changer comme on pouvait dans la voiture de mon père, tout en essayant sans succès de se réchauffer un Royco. Ce qui est marrant, c’est que chaque fois qu’on va surfer, on rencontre des Liégeois. Il faudrait qu’on créée un club de surfers à Liège! »




En attendant qu’un tel club voie le jour, les planches Waveless commencent à attirer l’attention des surfers internationaux.
Greg:  » Pour le moment, on fonctionne surtout au bouche-à-oreille. C’est pas plus mal: vu le temps qu’une planche nous prend, on ne saurait pas suivre si on avait des commandes de masse. Pour le moment, on a produit 10 planches, la plupart pour des amis. On a gardé les deux premières pour nous, ces deux là, on ne s’en séparera jamais! »
Lionel: «  D’ordinaire, les planches rétro comme celles qu’on fabrique ont tendance à être blanches. Nous, on a choisi exprès de les faire hyper colorées pour attirer l’attention. Ça marche: quand on arrive sur un spot, les locaux viennent nous parler, ça permet d’éviter le territorialisme. C’est aussi un bon moyen de faire connaître nos planches. Quand on était à Imsouane, le patron du surfclub nous a vu surfer toute la semaine avec et ça lui a donné envie de nous en acheter une! »

Un engouement qui ne fait pas oublier leurs racines à nos deux Liégeois!
Greg:  » J’adore Liège, je ne saurais pas vivre ailleurs en Belgique! Forcément, ce serait l’idéal de vivre près des côtes mais il y a une ambiance unique à Liège. Ce n’est pas parce qu’on est loin de tout qu’on ne peut rien faire – au contraire, on peut tout faire! En plus, j’adore les boulets: quand je pars à l’étranger, j’en mange un ou deux avant de partir puis je vais en manger dès que je rentre! » 

Lionel: «  Il y a vraiment une ambiance de village à Liège, tout le monde se connaît et on rencontre plein de gens. Les Liégeois ne sont pas complexés, on ne se prend pas la tête ici ».

Prochaine étape pour Lionel et Greg? Créer des long boards pour pouvoir profiter de la glisse dans la Cité ardente!
Greg: «  L’ennui avec le surf, c’est qu’on ne sait pas en faire quand on veut! Du coup, on a décidé de shaper des longboards aussi pour pouvoir s’amuser à Liège. On va les faire très longues, entre 1m50 et 2mètres…Pour le moment, c’est à l’état de projet, mais on espère bien sortir notre première longboard d’ici quelques mois »

Nous, en tout cas, on décompte déjà les jours!

Pour découvrir les planches de Greg et Lionel, c’est par ici!

* Tout en étant joyeusement casés tous les deux, on ne s’emballe pas les filles. 

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