Boulettes Magazine

Avec leur gouaille et leurs délices, ils sont le sel de la ville, et plus que jamais, les petits commerçants nourrissent Liège. Au propre, mais aussi au figuré, car le supplément d’âme qui se savoure dans leurs produits est pile ce que le médecin a prescrit. 

Aucun applaudissement ne résonne pour eux à 20 heures. Et pourtant, eux aussi sont en première ligne, et s’ils ne soignent aucun patient, ils prennent grand soin des citoyens quand même. Leurs remèdes? Des fruits et légumes bios et locaux, remplis de goût et de vitamine, des fromages de la région, délicieusement puants et drôlement revigorants, du pain à l’ancienne, au levain, à dévorer en belles tartines de beurre salé… Chaque visite chez eux se savoure, et pas seulement parce qu’ils offrent une alternative locale (et presque sans files) aux supermarchés, mais bien aussi parce qu’en achetant chez les petits commerçants liégeois, on repart avec un supplément d’âme.

« Il y a 100 grammes de potins en plus, je vous les mets? »

Avec ses cheveux roux coupés courts et son rire communicatif, la bouchère derrière le comptoir Chez Maurice vaut à elle seule le détour, suivi de près par le crapuleux sandwich au poulet croquant qu’elle prépare et qui cale jusqu’au repas du soir, et puis forcément, par le bel assortiment de viande sagement rangé derrière la vitrine transparente. En cette période de pandémie anxiogène, on vient y chercher ses provisions pour la semaine, mais aussi et surtout un peu de cette chaleur humaine qui manque tellement, et que l’on savoure aussi Chez André, à l’ombre de la place Saint-Etienne.

Même chose chez Inca, où la maraîchère se fait une joie de papoter avec chaque client pendant qu’elle pèse les fruits et légumes choisis. Pas de fraises aqueuses ou de salade sans goût ici, mais des primeurs gorgés de saveur et de vitamines, aussi revigorants que la conversation de celle qui les emballe et distille les conseils sur la pomme à choisir pour une chair bien sucrée ou les tomates idéales pour une salade. Au-cas où vous vous poseriez la question à distance, laissez-nous vous répondre que vous ne regarderez plus jamais les tomates du même oeil après avoir croqué dans la chair foncée d’une Kumato. Et que dire de la bonhomie du personnel derrière le comptoir de chez Lemlyn, bien plus chaleureux que les prix des délices en vitrine ne pourraient le laisser penser?

Ouverts par nécessité ou par sens du devoir, parce que leur patron ne se voyait pas de fermer ou parce qu’ils sont leur propre boss et ont des factures à payer, mais aussi et surtout pour tous ces habitués qui viennent religieusement chaque semaine s’y approvisionner, les petits commerces liégeois font honneur à la réputation de la ville et à son grand coeur. Si « nourrir » désigne l’action de manger pour vivre, ils sont décidément le sel de la vi(ll)e, et la meilleure manière de leur dire merci, c’est de leur rendre visite. Vous reprendrez bien un peu d’âme avec vos courses de la semaine?