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Pourquoi « Love, Simon » est important pour éduquer aux questions LGTBQ+.

Je suis gay. Je pense n’avoir jamais eu aucun doute sur ma sexualité. Depuis tout petit, je sentais que je n’étais pas comme les autres petits garçons de mon âge et que je ne m’intéressais pas aux mêmes choses. Et les autres enfants m’ont très vite fait remarquer que je n’étais pas comme eux. Cela pouvait se traduire par une remarque, une moquerie ou une mauvaise imitation. Pendant toute mon enfance, les autres ont essayé de mettre en tête que j’étais différent ou que je n’avais pas ma place avec eux. Néanmoins, malgré leurs tentatives, je ne me suis jamais senti différent. Je savais que j’étais comme tout le monde. Avec l’âge, quand j’ai su poser des mots sur ce que j’étais, j’ai compris qu’être homosexuel ne te distinguait pas d’une personne lambda… au contraire! Je suis réellement comme tout le monde. Comme toi.

Durant mon adolescence, j’avais un faible pour les comédies romantiques. Mais, maintenant, je suis un grand garçon qui ne croit plus en toutes les bêtises qu’Hollywood a essayé de me faire gober. Néanmoins, j’ai toujours observé la même constante à travers tous ces films: je ne me suis JAMAIS identifié aux personnages. Même pas un peu. Car leurs problèmes n’étaient pas mes problèmes. Je ne comprenais pas ce qu’ils traversaient. Et il a fallu 26 ans pour que mes prières soient exaucées et qu’Hollywood sorte un film qui me parle.

Pour la première fois de ma vie, je comprenais ce qui se déroulait devant mes yeux. Et ça m’a chamboulé. Ca m’a ramené 10 ans en arrière quand j’étais face aux mêmes interrogations.

Je vais te parler du film Love, Simon.

Love, Simon raconte l’histoire de Simon, un adolescent, qui se considère tout à fait normal. Il cache simplement un énorme secret : il est gay. Un jour, sur un blog qui partage les potins de son lycée, il tombe sur la confession anonyme d’un autre élève qui avoue être aussi gay. Il décide donc de contacter, anonymement, la fausse adresse mail qui accompagnait la confession. Les deux garçons vont échanger de nombreux e-mails où ils vont se confier l’un à l’autre et tisser des liens très forts. Pendant tout le film, on accompagne le héros dans sa quête pour découvrir l’identité de cet élève. Mais ce n’est pas tout… on accompagne aussi Simon sur son chemin personnel. On assiste à son évolution. On comprend pourquoi il nourrit des sentiments à l’égard de son correspondant. On comprend sa frustration à chaque fois qu’il s’éloigne toujours un peu plus de la véritable identité de son correspondant. Avec lui, on ressent ses peines et ses peurs, on possède les mêmes doutes que lui.

Et ce film est très important. Pas seulement pour moi. Mais pour comprendre ce que c’est d’être un adolescent et d’être gay. Oui… deux choses qui sont bien compliquées.

Un portrait criant de vérité sur l’adolescence…

Pour beaucoup, l’adolescence n’est pas toujours une période de notre vie que l’on regarde avec un grand sourire. Je suis passé par là. Car j’étais un adolescent, et que je suis gay. Et je peux t’assurer que ce n’était pas l’expérience la plus réjouissante de ma vie. Et je pense que c’est le cas de beaucoup de personnes. Tu as peut-être ressenti cela, toi aussi, à ce moment là. Et c’est compréhensible ! Notre corps change. Notre perception du monde évolue. Les gens ne nous regardent et ne nous traitent plus de la même façon. Nous nous sentons incompris face à nos parents. C’est une période pleine de doutes, de peurs et de peines aussi. Mais ce film n’aborde pas seulement tout ça. Il aborde toutes ces questions quand l’adolescent en question cache son homosexualité. Pour des personnes qui n’ont jamais eu à vivre ça, ça peut paraître anodin ou commun. Cependant, ça ne l’est pas du tout. Tout ce que je viens de décrire concernant l’adolescence est décuplé car un secret pèse sur nos épaules.

Et ce film est un bon exemple, certes fortement édulcoré, de ce qui se passe dans nos têtes quand nous sommes des adolescents qui comprenons que notre vie va basculer quand ce secret sera révélé.

“Love, Simon”, c’est l’histoire d’un adolescent banal.

Je pense que c’est cela qui m’a plu d’emblée avec ce film. Le héros, Simon, est loin des clichés et des stéréotypes que les films et séries véhiculent sur l’homosexualité masculine. Nous sommes souvent décrits comme des hommes flamboyants et super maniérés. Je n’ai aucun problème avec les gays efféminés. Je le suis moi-même. Je ne suis pas partisan de la ségrégation qui fait rage dans notre “communauté” qui visent à rejeter les mecs efféminés. Je fais partie d’une minorité et je ne souhaite pas en créer une autre au sein même de celle-ci. Ce que je veux exprimer ici, c’est que ce stéréotype nous colle souvent à la peau. Alors qu’il existe une multitude de profils et de personnalités au sein de notre communauté (je déteste ce mot). Et je sais que, d’expérience, beaucoup souffrent de cette stigmatisation dont nous sommes victimes.

Simon, lui, est un adolescent des plus classiques. D’ailleurs, dès les premières minutes du film, Simon nous raconte qu’il mène une vie parfaitement banale. Il possède juste une petite “différence”: contrairement à d’autres adolescents de son âge, il cache un énorme secret. Et ça se limite à ça. C’est assez rafraîchissant de pouvoir s’identifier à quelqu’un qui ressent les mêmes choses que nous sans pour autant être un stéréotype vivant.
Pourquoi est-ce important pour les autres ? Tout simplement pour montrer au grand public que le spectre des personnalités est immense au sein des homosexuels. Je ne compte plus les fois, où en soirée, j’ai entendu ceci : “t’es gay, mais je t’adore car tu n’es pas une folle”. Et je trouve ça révoltant car les médias nous montrent constamment des homosexuels stéréotypés et ceux-ci sont ensuite stigmatisés pour ce qu’ils sont ou pour leur comportement alors qu’il n’y a aucun problème à être efféminé. Et ce film peut permettre d’éduquer les autres à voir d’autres aspects de l’homosexualité.

De l’importance d’offrir une fin heureuse à Simon.

Offrir une fin heureuse à un personnage homosexuel n’est pas quelque chose de très courant dans le monde du cinéma et des séries. Au contraire, ces personnages ont souvent des fins tragiques ou ne connaissent pas spécialement le grand amour. Prenons Tara, dans Buffy contre les vampires,​ qui meurt tragiquement, laissant Willow le coeur brisé, ce qui la plonge pendant un certain temps dans une période un peu noire. Plus récemment, dans le film ​Call Me By Your Name,​ les deux héros vivent une belle idylle sous le soleil d’Italie mais un des deux est contraint de se marier à une femme.
Je ne suis pas en train d’affirmer que l’on nous offre jamais d’happy ending. Je peux citer Beautiful Thing qui raconte l’histoire de deux adolescents d’une cité londonienne qui tombent amoureux. Ou encore ​But I’m a Cheerleader qui raconte l’histoire d’une adolescente qui annonce à ses parents qu’elle est lesbienne. Ceux-ci décident de l’envoyer dans une camp afin qu’elle suive une thérapie pour “devenir” hétérosexuelle. Là-bas, elle rencontrera la jolie Graham…
Et puis, ici, dans Love, Simon.

C’est par son questionnement intérieur, mais aussi ses doutes et ses peurs, que Simon parvient à nous arracher une larme. La raison est simple, c’est un processus réellement émouvant qui touche en plein coeur ceux qui ont vécu ça de près et de loin. Et le fait de voir le héros aimer et embrasser un garçon pour la première fois est bien plus beau que toutes les fins tragiques que les scénaristes auraient pu nous offrir. Et ce fut réellement rafraîchissant d’assister à une fin pareille car offrir une fin heureuse à Simon, c’est offrir l’espoir à des millions de jeunes qui pensent qu’ils ne pourront jamais goûter au bonheur ou trouver l’amour puisque certaines personnes parviennent à leurs faire croire qu’ils ne méritent pas tout ça.

L’importance de montrer les moqueries que nous subissons.

Selon moi, il était important de montrer à l’écran les moqueries dont Simon et Ethan (un autre élève homosexuel) sont victimes au cours du film. Car c’est une réalité. Il suffit de suivre l’actualité pour découvrir une multitude d’agressions homophobes. Et cette réalité est parfois plus cruelle dans le milieu scolaire, car elle est silencieuse et psychologique.
Durant mon adolescence, c’était mon quotidien ! Et cela a réellement affecté ma vie. J’étais triste et j’étais constamment en colère. En colère d’être dans une société qui condamne l’amour sous toutes ses formes.
Et bien que ce soit présenté de manière très édulcorée, montrer cette souffrance ou ces moqueries est capital pour conscientiser les autres, surtout les adultes qui sont témoins de tout ça et qui décident de ne rien dire. Dans Love, Simon, les adultes se révoltent face au comportement homophobe… Et ce n’est pas toujours le cas dans la vraie vie. Les adultes, les professeurs préfèrent fermer les yeux sur notre souffrance et nous rassurent à coup de “tu verras, ça va leur passer”. Sauf que ça ne passe pas.

De l’importance du coming-out dans notre existence.

Love, Simon, c’est aussi un film sur le coming-out. C’est un moment réellement important dans notre vie, en général, car il nous libère d’un poids. Pour quelqu’un qui n’a jamais vécu ça personnellement, ce film permet de se mettre dans la peau du personnage et de comprendre toutes les étapes de ce processus.
Simon n’a pas honte de ce qu’il est. Il ne comprend juste pas pourquoi il doit annoncer cette nouvelle, annoncer ce qu’il est. Pour lui, être homosexuel n’est pas une honte. Et ce constat met en lumière le fait que cette étape de notre vie ne devrait pas exister. On ne devrait pas se justifier, on ne devrait annoncer cette nouvelle comme si nous annoncions le décès de quelqu’un. Cette annonce ne devrait pas être une source potentielle de rejets ou d’insultes. Ne pas faire son coming-out est un luxe que les hétérosexuels possèdent. D’ailleurs, dans une scène très rigolote, Simon imagine ses amis annoncer à leurs parents qu’ils sont hétérosexuels. A travers cette scène, on constate à quel point cette réalité est ridicule et handicapante pour la personne concernée. Nous devrions vivre dans un monde où on ne questionne pas la sexualité des jeunes, où on accepte simplement qui ils sont. Être homosexuel ne change pas une personne. Et ce sont les premiers mots qui sortent de la bouche de Simon quand il l’annonce à ses parents: “Je suis toujours moi”. Et cette phrase est d’une importance capitale ! Etre gay ne change pas qui nous sommes. Loin de là, même si malheureusement certaines personnes persistent à penser le contraire.

Faire son coming out, c’est aussi se permettre d’être de nouveau soi-même. ​Pour comprendre cette dernière phrase, Jennifer Garner, qui joue la mère de Simon, tient ce discours à la toute fin du film et je le trouve tellement juste :

Quand tu étais petit, tu étais tellement insouciant. Mais ces dernières années, de plus en plus, c’est presque comme si tu vivais en apnée (…). Etre homosexuel, ça t’appartient. Ca fait partie de ta vie et tu devras l’appréhender tout seul, même si ça me rend dingue. Dès que tu nous a avoué tout ça, tu nous as dit: “Maman, je suis toujours moi”. Et j’ai besoin que tu y croies à nouveau. Tu es toujours toi, Simon. Il faut reprendre ton souffle maintenant, Simon. Il faut que tu redeviennes toi, ce que tu ne te permettais plus depuis bien trop longtemps. Tu mérites d’avoir tout ce que tu souhaites.

Ce film aborde toutes ces questions et bien plus encore et peut, selon moi, aider des personnes à comprendre par quelles étapes nous sommes passés. Ces personnes peuvent être nos parents, nos frères, nos soeurs, nos amis, nos professeurs, nos bourreaux aussi. Car ce film permet de se mettre à la place de millions d’adolescent.e.s qui sont passé.e.s par tout ça. Et peut-être qu’un jour, et c’est moi qui deviens utopiste, ils comprendront. Ils comprendront pourquoi nous étions en colère parfois. Ils comprendront pourquoi on s’enfermait pendant des heures dans notre chambre. Ils comprendront que l’adolescence est une période de merde, que tout change autour de nous et qu’être gay n’arrange rien les choses. Ils comprendront que nous sommes des êtres humains comme les autres et que nous traversons une période merdique de notre vie et que nous avons besoin de soutien. Ils comprendront que vivre avec ce secret, c’est comme retenir notre respiration en public, et que nous libérer de ce poids nous aide à respirer à nouveau et à réclamer le bonheur qu’on pensait ne jamais mériter.

Je terminerai ce texte, qui a pris 5 ans de ta vie, en citant la tagline du film qui était : “tout le monde mérite de vivre une grande histoire d’amour”. Peu importe avec qui.

Je pense avoir tout dit.

Love, Lexie.

Alexandre (ou Lexie pour les intimes) travaille dans le milieu de la communication et dans l’associatif LGBTQI. Passionné d'art, de culture, mais aussi d’écriture, ce Liégeois aux origines méditerranéennes aime raconter ses péripéties dans le milieu gay et partager ses coups de cœurs avec la terre entière... et ce avec toujours beaucoup d’humour et d’autodérision