Boulettes Magazine

Si on parle beaucoup (et c’est bien) de grossophobie, il n’existe pas de terme équivalent pour dénoncer les clichés faciles sur l’anorexie et le jugement systématique de l’extrême minceur, rangée la plupart du temps dans la catégorie maladie mentale, avec pour seuls critères de diagnostic, des préjugés éculés. La preuve avec une photo de la Citadelle, postée dans le groupe Facebook « Liège« . 

Destiné à « favoriser le partage dans un esprit convivial de photos anciennes ou actuelles de Liège », le groupe rassemble près de 10 000 membres, qui y publient aussi bien des images d’antan que des clichés plus récents. À l’image de celui posté ce lundi 6 juillet par un certain « Cedric Hbn », ayant immortalisé la Citadelle à l’été 2018, au moment où une jeune femme vêtue d’un dos nu s’y promenait alors que « la chaleur était telle que les arbres perdaient leurs feuilles et leur écorce ». « Il y a presque deux ans, sous le charme d’un dos nu mystérieux du côté de la Citadelle » écrit-il en légende. Malheureusement, tous les commentateurs ne sont pas aussi charmés par le cliché, ou du moins, certainement pas charmants.

Clichés pesants sur l’anorexie

Si certains louent la « superbe photo » et que d’autres demandent même la permission pour la repartager dans un autre groupe, l’un deux y va de son diagnostic sans appel « une magnifique anorexique ». Diagnostic posé sans aucune consultation de la jeune femme ni même, s’il faut en croire son profil, aucune base médicale, mais bien sur base de bons vieux préjugés bien lourds. Parce que oui, si on est maigre, on est forcément anorexique, point. Et qu’importe si une commentatrice souligne à juste titre l’absurdité de la réflexion, commentant que « c’est complètement con comme remarque. Vous connaissez cette personne ? »: non seulement le malotru n’en démord pas, mais en prime, d’autres le rejoignent.

« Le fait est qu’elle est anorexique. Que ce te déplaise ou non c’est ainsi. Y a rien à bouffer sur ce pique a brochette »

On passera sur la charmante comparaison d’une femme à un bout de viande, l’analogie n’étant au fond pas si surprenante de la part de personnes ayant ce genre de réflexions, pour se concentrer plutôt sur le ramassis de vomi qui s’en suit: « ma remarque n’est pas un jugement, c’est un constat. L’anorexie est évidemment une maladie mentale, mais qui, contrairement à ce que vous dites, aboutit bien à un physique particulier. Et physiquement, ce genre de dos nu n’a vraiment rien de charmant, bien au contraire ». Ou comment, dans la même phrase, reconnaître que l’anorexie est bien une maladie mentale (que le commentateur n’est donc pas habilité à diagnostiquer, certainement pas sur base d’un simple cliché) et au passage, objectifier tout de même le physique des personnes qui en souffrent et qui ont l’audace de « ne rien avoir de charmant ».

Skinny shaming en plein

Le comble? Alors qu’un autre commentateur remarque que « je suis certain que vos paroles sont très réconfortantes pour les anorexiques ainsi que les femmes maigres qui sont, du coup, associés aux anorexiques », l’auteur de la critique initiale persiste, et signe: « j’ai bien précisé qu’il n’était pas question de jugement, mais la réalité de cette maladie est ce qu’elle est ». Maladie, dont, encore une fois, il n’est nullement avéré que la jeune femme souffre. Exemple criant, s’il en est, de skinny shaming, ce « lynchage de la minceur » tout aussi douloureux de la grossophobie, que dénonce notamment la Dr Stéphanie Léonard.

« On insinue que leur corps n’est pas beau, mais bien souvent, on soupçonne ces personnes très minces d’avoir un problème de surcontrôle de leur alimentation ou de leurs habitudes d’exercice ».

Et si la jeune femme immortalisée sur le cliché n’a pas pris part au débat, une de ses amies, elle, y est allée de son commentaire, affirmant d’abord connaître cette personne, « qui n’est PAS anorexique, elle est comme ça, point », et rappelant au passage qu’il y a une différence entre émettre des critiques sur le cadrage ou la netteté d’une photo et faire des commentaires sur le modèle, ce qui est bel et bien un jugement. Et ultra pesant, en plus, tant qu’on parle de poids.

Lire aussi: 

• Une Liégeoise victime de harcèlement de rue livre un témoignage percutant
• Quand un commentaire raciste fait dérailler Masse Critique Liège