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Trop peu d'artistes féminines? Les Ardentes nous disent où sont les femmes - DR Canva Boulettes Magazine Liège

Sexistes, les Ardentes? Le festival répond

Epinglées par différents collectifs féministes, relayés par une conseillère Vert Ardent, qui leur reprochent d’avoir prévu une programmation au « taux dramatique » de femmes, le festival Les Ardentes se voient prises dans une tempête médiatique à quelques semaines de la première édition sur leur nouveau site. Et répondent, sans langue de bois ni larsen, à ces accusations. 

19 avril 2022, SMS d’un numéro inconnu. Elena Chane-Alune, ex-chanteuse de Superlux reconvertie en conseillère communale Vert Ardent, veut attirer notre attention sur un billet rédigé sur Terre de Cultures, son blog dédié aux politiques culturelles de Liège. Intitulé « Les Ardentes 2022: La boulette », celui-ci fait le décompte des artistes programmés pour l’édition 2022 et arrive à un « taux dramatique »: 7 femmes et un·e artiste non-binaire seulement sur 83 noms à l’affiche, soit une proportion inférieure à 10%, 8 pour être précis.

La conclusion tirée par l’élue Vert Ardent, qui s’est elle-même produite sur la scène des Ardentes avec son groupe?

« Cette non présence d’artistes féminines est bien le signe que l’équipe des Ardentes n’est pas assez sensibilisée sur la thématique de l’invisibilisation des femmes dans le secteur des musiques en général, et des musiques urbaines en particulier, alors que le festival se revendique un acteur incontournable des musiques urbaines en Belgique, ciblant volontairement un public jeune » – Elena Chane-Alune.

Et Elena Chane-Alune, consciente de l’approche engagée adoptée par ce magazine ainsi que par les membres de son équipe, de nous proposer le sujet. Polémique, accusation, grands noms: celui-ci est idéal sur papier (et plus encore sur écran, ère du clic oblige), mais on hésite. D’abord, parce qu’on peut être féministe et avoir du mal avec le concept de quotas, ensuite, parce que si chacun a le droit de penser le mal qu’il veut des Ardentes (« rendez-nous Morrissey« ), il paraît impossible de nier tout le bien que l’évènement fait à la ville et à son image à l’international, et enfin parce que des liens d’amitié nous lient avec certains membres de l’organisation du festival. Hésitation, pesée du pour et du contre, Elena Chane-Alune n’insiste pas et nous assure de manière courtoise comprendre notre position.

Sauf que le temps qu’on tergiverse, la machine médiatique s’emballe (voir aussi: ère du clic) et les esprits s’échauffent autant qu’on pourrait s’y attendre quand le sujet s’appelle « Les Ardentes ».

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Programmation en cours

« Pas assez d’artistes féminins aux Ardentes? ‘Cela ne les dérange pas' ». « Trop peu d’artistes féminines à l’affiche des Ardentes? ». « Y a-t-il trop peu de femmes à l’affiche des Ardentes à Liège? »… Les gros titres se suivent et se ressemblent, martelant une question qui se transforme en débat communal, le bourgmestre lui-même s’enquérant de la situation auprès de l’équipe organisatrice du festival. Et de faire part de cette discussion à ses ouailles, après avoir rappelé que « la Ville est extrêmement attentive à l’égalité femme-homme et, dès la lecture des propos, j’ai demandé une explication aux organisateurs du festival Les Ardentes » :

« Le festival souligne que plusieurs femmes sont annoncées en têtes d’affiche mais surtout que l’entièreté de la programmation n’a pas encore été dévoilée et que de nombreuses artistes femmes doivent encore être annoncées. Il m’a aussi affirmé être conscient de sa responsabilité en tant qu’acteur majeur dans le milieu des musiques urbaines en Belgique et en francophonie. Le festival Les Ardentes travaille également depuis plusieurs semaines à la mise en place d’un plateau 100 % féminin sur la scène Wallifornia Park le dimanche » – Willy Demeyer.

Et de conclure en soulignant que « par ailleurs, via Festiv@Liège, l’équipe des Ardentes, mais aussi de la salle Reflektor, est régulièrement et activement impliquée dans les travaux réalisés par Scivias pour plus d’inclusivité au sein de la programmation mais également des équipes techniques et de professionnels du festival et de la salle de concert ».

Circulez, la cacophonie est finie? Ce serait mal connaître Liège, dont l’univers peut-être tout aussi impitoyable que celui de Dallas quand il s’agit de l’une ou l’autre polémique.

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Fausses notes

Sur Facebook, la réponse du bourgmestre, partagée sur sa page officielle, suscite rapidement plus de deux cent commentaires. « Cette conseillère (Elena Chane-Alune, ndlr) n’a vraiment pas d’autres choses auxquelles penser », « Ces féministes obsessionnelles sont fatigantes ! », « Ridicule !!! Marre de ces féministes », « Il y en a qui n’ont donc rien d’autre à faire que de poser de telles bêtes questions inutiles ? Ou alors cette dame devait justifier son jeton de présence ??? »… Le débat s’échauffe, tant et si bien que Willy Demeyer s’en mêle lui aussi en commentaire, enjoignant celles et ceux qui le suivent à « rester corrects et cordiaux dans vos commentaires », rappelant que « la Conseillère fait son travail et je vous apporte des éléments de réponse puisque j’ai été interpellé plusieurs fois ».

Dans la foulée, Scivias, plateforme dédiée à un secteur musical plus inclusif en Fédération Wallonie-Bruxelles, entre aussi dans la mêlée, pour démentir la collaboration avancée par Les Ardentes, qui, selon eux, « ne sont pas et n’ont jamais été membre de la plateforme depuis sa création en 2019. Nous avons pris contact avec les équipes du festival afin d’échanger et de faire la lumière sur cette déclaration ». Et d’affirmer refuser que « l’adhésion à (nos) valeurs soit utilisée comme argument d’autorité pour se défendre d’une programmation au sein de laquelle les femmes sont largement sous-représentées ». En marge, un autre conseiller Vert Ardent reproche l’intervention du bourgmestre, l’accusant de « politiser inutilement l’enjeu » et de s’adonner au népotisme, tandis que diverses associations féministes locales alimentent le débat en relayant chaque rebondissement.

Et Les Ardentes dans tout ça? Par le biais de son chargé de communication, Jean-Yves Reumont, le festival a choisi de partager sa réponse avec nous (et donc vous aussi, ça va sans dire).

Où sont les femmes? Les Ardentes répondent

« Si ce sont aujourd’hui Megan Thee Stallion en tête d’affiche mais aussi Ronisia, Joanna, Kalika, Mara, Bianca Costa, Lolo Zouaï ainsi que l’artiste non-genrée Dua Saleh qui sont annoncés aux Ardentes, rappelons que l’affiche du festival n’a pas encore été entièrement dévoilée et que plusieurs noms seront encore annoncés prochainement dont de nombreuses femmes » commence l’équipe des Ardentes. Qui se défend de faire partie du problème, et assure vouloir contribuer à apporter une solution à la sous-représentation des femmes dans le milieu des musiques urbaines: « les prochaines annonces de noms porteront le total d’artistes féminines à un nombre situé entre 15 et 20. Il s’agit là d’un chiffre comparable à celui de festivals européens de tout premier rang comparables aux Ardentes comme Splash!, Wireless, Rolling Loud, Frauenfeld et Woohah! ».

Et l’équipe des Ardentes de souligner que la diversité est, justement, diverse, et que le festival n’a pas à rougir à ce niveau-là, au contraire.

« Nous sommes également fiers de présenter une affiche très multiculturelle alors que nous travaillons aussi bien sur le rap français et belge que latino ou anglo-saxon » – Les Ardentes.

Oui mais les femmes?!?  Conscient de sa responsabilité en tant qu’acteur leader dans le milieu des musiques urbaines en Belgique et en francophonie, le festival assure travailler « activement » à améliorer cette représentation féminine, citant le plateau 100% féminin mentionné par Willy Demeyer, ainsi que la collaboration amorcée avec le projet français Rappeuses en Liberté, qui permet à de jeunes rappeuses d’affirmer leur art et de s’insérer professionnellement. Sur plus de 300 candidatures, 3 lauréates ont ainsi été sélectionnées par un jury de professionnels pour bénéficier d’un accompagnement approfondi durant un an, et en 2023 ce projet s’étendra à toute l’Europe avec Les Ardentes comme partenaire privilégié pour la Belgique. Et Les Ardentes de préciser que « ce plateau du dimanche sera complété avec les meilleurs artistes féminines de la Fédération Wallonie Bruxelles et sera clôturé par un collectif féminin de DJs hip-hop ».

Le lien avec Scivias? « Via Festiv@Liège l’équipe des Ardentes, et de la salle Reflektor, a été régulièrement sollicitée via Court-Circuit dans les travaux réalisés par Scivias pour plus d’inclusivité au sein de la programmation mais également des équipes techniques et de professionnels du festival et de la salle de concert ».

 « Notre engagement est indéfectible sur toutes les questions de genre, comme en témoigne notre volontarisme en la matière et les autres actions que nous menons sur cette thématique. Un engagement indéfectible concernant ces problématiques, comme il l’est pour d’autres sujets comme la protection des minorités, la multiculturalité, la prévention santé, et bien d’autres thèmes dont le festival défend les valeurs. Rappelons également pour conclure que de Patti Smith à Selah Sue en passant par Siouxsie, Coeur de Pirate, Gossip, Peaches ou plus récemment Angèle, Les Ardentes ont toujours et naturellement accompagné les artistes féminines pour leurs premières scènes ou en haut de l’affiche » – Les Ardentes.

Sans oublier Elena Chane-Alune, qui y a fait sonner l’Alarm avec Superlux en 2007 sur la main stage et en 2013 à la HF6… Et le festival d’assurer continuer dans cette veine « aujourd’hui en musique urbaine en programmant des artistes comme Nicki Minaj, Aya Nakamura, Wejdene, Cardi B, Little Simz, Bhad Babie, JunglePussy, M.I.A., Erykah Badu, Sevdaliza, Princess Nokia, Chilla, Coely ou encore Lous & The Yakuza (prix du jury au Reflektor pour le tremplin Ardentes 2016) pour n’en citer que quelques-unes. Fréquenté par près de 55 % de femmes, ce n’est pas pour rien que le plus grand festival de hip-hop de francophonie porte toujours fièrement un nom féminin : Les Ardentes ! ».

Journaliste pour Le Vif Weekend & Knack Weekend, Kathleen a aussi posé sa plume dans VICE, Le Vif ou encore Wilfried, avec une préférence pour les sujets de société et politique. Mariée avec Clément, co-rédacteur en chef de Boulettes Magazine, elle a fondé avec lui le semestriel SIROP, décliné à Liège et Bruxelles en attendant le reste du pays.