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terrasse cité administrative liège

La (vraie) raison pour laquelle l’accès au toit de la Cité administrative est limité

Après de minutieux travaux de rénovation, la Cité administrative est enfin (presque) fin prête à accueillir à nouveau les agents administratifs dans ses étages. Mais avant que le travail n’y reprenne son cours normal, le bâtiment a rassemblé les Liégeois lors d’un week-end portes ouvertes où sa terrasse panoramique sur le toit a fait forte impression. 

Et parce qu’à Liège, on n’aime rien tant que ronchonner, les impressions ont été partagées en deux temps: d’abord l’admiration, et puis la grogne. Refrain repris en choeur parmi la majorité de celles et ceux qui se sont hissés jusqu’au toit de la Cité administrative: « Mais pourquoi donc l’accès à ce panorama de choix sur la ville est-il restreint pour ceux qui l’habitent? Ne tient-on pas là le plus incroyable des rooftops liégeois? Et l’attrait touristique dans tout ça? Ce ne serait pas un peu du gâchis, pas hasard? ». Si ces bougonnements n’ont pas réussi à éclipser l’enthousiasme suscité par cette Cité ardemment attendue, les récriminations ont toutefois rapidement donné lieu à des conspirations en tout genre. La plus populaire? La restriction de l’accès au toit-terrasse serait imputable… Au comité de quartier de Bueren, qui se serait plaint de l’afflux potentiel de touristes (et des désagréments qu’ils impliquent) suscité par l’ouverture d’une telle attraction en plein coeur de Liège. Cité administrative-Machu Picchu, même combat?

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Si les réseaux sociaux sont une source virtuellement intarissable de rumeurs, pour en avoir le coeur net, rien de tel que de faire appel aux principaux concernés. Effectif réduit pour cause de vacances de Pâques oblige, la personne responsable du standard téléphonique du service communication de la Ville nous renvoie tout d’abord vers le protocole, où on s’étonne de notre appel.

Et si la Chargée de Relations et du Protocole, Stéphanie Lemaire, concède que durant les visites « énormément de personnes ont regretté que l’accès au toit de la Cité administrative soit limité » et qu’il serait bénéfique de pouvoir « ouvrir l’accès dans le cas de visites groupées », elle évoque une question de sécurité et l’impossibilité d’envoyer « n’importe qui se balader dans les étages » avant de nous conseiller d’appeler plutôt le cabinet de l’Échevin en charge des Travaux, Roland Léonard, pour obtenir une perspective plus informée sur le sujet.

 

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Toi, toi mon toit?

Coup de chance, malgré les vacances, le Secrétaire de cabinet de l’Échevin, Frédéric Jacquemin, nous rappelle sans tarder. Problème: ainsi qu’il l’annonce d’emblée, la question « dépasse ses attributions », puisque son cabinet s’occupe uniquement du bâtiment en tant que tel. « Qui a le droit ou non d’accéder au toit-terrasse de la Cité administrative ne relève pas de l’attribution de l’Échevin des Travaux. Je comprends la frustration que l’accès restreint peut engendrer, parce que c’est vrai que le lieu offre un point de vue exceptionnel sur Liège, mais y accéder implique d’avoir accès également aux étages vu qu’il n’y a pas d’ascenseur séparé se rendant uniquement au toit, or on ne peut pas risquer d’avoir des personnes qui se baladent dans tous les services, surtout le samedi après-midi et le dimanche, quand ces derniers sont fermés ». La prétendue influence du comité de quartier? Dans un éclat de rire, il assure que ce dernier n’est pas du tout intervenu et que même s’il l’avait voulu, cela ne figure pas « dans ses prérogatives ».

« Il faut bien avoir conscience qu’il s’agit d’un bâtiment dont la visée n’est pas touristique. Cela ne veut pas dire qu’on ne peut pas imaginer quelque chose dans le futur, mais à l’heure actuelle, laisser le toit ouvert implique de laisser tous les services ouverts » rappelle encore Frédéric Jacquemin.

Qui qualifie toutefois la demande citoyenne de « tout à fait entendable » parce que la rénovation est « très réussie », avant de nous rediriger vers le cabinet du Bourgmestre pour une réponse définitive.

 

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Quand on évoque avec lui ce nouveau fleuron du coeur historique quelques heures seulement après le succès de ses deux jours de portes ouvertes, le maïeur ne cache pas son émotion. Il a beau être sujet au vertige, Willy Demeyer s’est mêlé avec plaisir aux hordes de curieux rassemblés sur le toit de la Cité administrative en ce premier week-end de mai. Et une fois sur place, ses craintes se sont volatilisées.

« L’endroit est très sécurisé, donc malgré le vertige, j’ai pu m’approcher du bord sans problème, et en regardant la vue de part et d’autre du bâtiment, j’ai été très ému. Côté Meuse, on prend pleine mesure de sa majestuosité. Je suis convaincu qu’une ville sans fleuve n’est pas vraiment une ville, et la vue permet de réaliser à quel point c’est le coeur d’une métropole à la fois vivante et ancienne, résolument projetée vers l’avenir. Sur la droite, on a vue sur tous les travaux de réhabilitation entrepris par Noshaq, tandis qu’à gauche, ce sont les travaux du tram. C’est très impressionnant, surtout que de l’autre côté du bâtiment, on voit l’histoire de la ville avec les bâtiments plus anciens, les murailles, les immeubles religieux, les coteaux, Bueren, dont les escaliers culminent à la même hauteur que la Cité… D’un coup, on comprend mieux le coeur de ce qu’est Liège. J’ai beau bien connaître la ville, ça a été un moment d’émotion pour moi, parce que c’est une vue merveilleuse, donc c’est sûr qu’on a intérêt à la partager au plus grand nombre ».

La sécurité avant tout

Problème: dans les faits, ce n’est pas si simple, regrette le Bourgmestre, qui voit à l’heure actuelle deux obstacles majeurs à l’accès continu au toit-terrasse.

« D’abord parce que nous avons besoin de tous les espaces du bâtiment pour notre administration. Quand on a fermé la Cité, elle accueillait entre 300 et 350 agents, mais désormais, ils sont 500, une croissance nécessaire pour répondre aux impératifs de bonne gestion des finances publiques. Ensuite, il y a des questions de sécurité. Il faut éviter une intrusion éventuelle dans la Cité administrative en tant que telle, où tous les étages ne sont pas accessibles à la population, mais aussi un scénario catastrophe où des gens choisiraient le toit comme endroit pour se suicider » met en garde l’élu PS.

Qui explique que rien que pour assurer le volet sécurité nécessaire à l’accès permanent au toit, « cela générerait des dépenses conséquentes, à commencer par l’installation d’un ascenseur spécifique ». Des dépenses qui pourraient peut-être être recoupées si, comme le toit du Rockefeller Center new-yorkais, par exemple, l’accès au plus haut des rooftops liégeois devenait payant?

« Cela peut faire partie de notre réflexion, mais il me semble un peu délicat de faire payer aux Liégeois l’accès à un bâtiment qui leur appartient, pointe Willy Demeyer. Le Rockefeller est un bâtiment privé tandis qu’ici, on est sur un bâtiment public qui offre la possibilité à des gens qui n’en ont pas forcément les moyens de voir quelque chose de beau ».

Oui mais quand? Comment? « Quand on voit les belles images qui circulent et les beaux commentaires qui les accompagnent depuis les portes ouvertes, c’est enthousiasmant et cela atteste aussi de la bonne qualité de la gestion de la Ville » se réjouit Willy Demeyer, à qui un représentant de l’Union européenne en visite à la Cité administrative aurait vivement conseillé de postuler pour l’attribution de prix européens saluant tant l’architecture du bâtiment que la démarche durable qui le régit. Et le Bourgmestre de conclure que « l’intérêt est tel » qu’il est dores et déjà prévu d’ouvrir l’accès au toit de la Cité « plusieurs fois par an », notamment lors des Journées du Patrimoine, par exemple. « Ce qui est vraisemblable, c’est que ce ne sera pas ouvert de manière continuelle, mais on peut envisager certains moments d’accès spécifiques, c’est une question qui est débattue en ce moment ». Affaire à suivre, donc.

 

Journaliste pour Le Vif Weekend & Knack Weekend, Kathleen a aussi posé sa plume dans VICE, Le Vif ou encore Wilfried, avec une préférence pour les sujets de société et politique. Mariée avec Clément, co-rédacteur en chef de Boulettes Magazine, elle a fondé avec lui le semestriel SIROP, décliné à Liège et Bruxelles en attendant le reste du pays.