Au ReLab, Jérôme Bouchard lasérise le paysage industriel liégeois
De résidence en résidence, Jérôme Bouchard est un artiste plasticien nomade qui s’établit là où le mène son inspiration. Intéressé par le non-dit des paysages post-industriels, il a récemment quitté la Tokyo Arts and Space Residency pour le bassin industriel liégeois, où il se passionne pour la topographie des terrils. Après un séjour au Ravi (Résidence Ateliers Vivegnis International), c’est au ReLab qu’il a posé ses pinceaux. Une résidence de tous les possibles et dont la proximité des machines favorise la réflexion créative.
L’accent chantant, c’est entre deux toiles suspendues sur un séchoir de bois que Jérôme répond à nos questions, alors que flotte au ReLab une douce odeur de bois brulé. Autour de l’artiste, des toiles de lin perforées de nombreux trous décorent les murs. « C’est temporaire », explique l’artiste québécois, qui compte à terme suspendre l’ensemble de ses œuvres sur son installation de fortune.
« Je préfère les présenter dans un volume plutôt que de les fixer au mur. Cela s’inscrit davantage dans mon processus de construction/déconstruction de l’espace, même si je dois encore y réfléchir ».
Aériennes et esthétiques, les œuvres de Jérôme Bouchard offrent un regard poétique et critique sur nos espaces urbains comme sur la manière dont nous les traduisons en repères spatiaux. « Je m’intéresse à l’impact de l’activité humaine sur le territoire, en particulier ce qui ne se donne pas à voir, que ce soit la pollution du sol ou les rejets de méthane dans l’air », nous confie Jérôme. Un monde invisible trop souvent ramené au silence dans la cartographie moderne : « les paysages sont aujourd’hui scannés à l’aide d’une technique, le LIDAR (Light Detection and Ranging), qui traduit l’environnement en un nuage de points ». Un instrument de télédétection laser qui fonctionne comme un scanner 3D et qui n’est pas sans limites. « Je suis un artiste, pas un spécialiste, mais je m’intéresse à tout ce qui échappe à cette mesure, comme les terrils, difficiles à cartographier ».
Des données publiques que Jérôme Bouchard agrège pour ensuite les retranscrire en deux dimensions, sur des toiles de lin peintes dans des couleurs vives. Après la découpe laser, elles en ressortent partiellement brunies par la fumée que dégage la machine. Des altérations qui font partie intégrante du processus créatif :
« la découpe au laser est au cœur du projet. Elle rappelle le laser de mesure, à l’origine des données sur lesquelles repose le projet. Ca me permet également de déstructurer la toile et de la pousser jusqu’à la limite de ce qu’elle est ».
Pour Jérôme, il était toutefois difficile de s’adresser à des industriels et leur demander à utiliser les machines sur une longue période de temps. Au ReLab en revanche, son projet a immédiatement suscité la curiosité : « j’ai fait la rencontre de Bryan, qui m’a directement dit que c’était possible et qu’on allait le faire ». Une proximité de l’homme et de la machine au croisement des techniques industrielles et artisanales qui n’est pas sans rappeler le nom que donne l’artiste à son travail : « de proche en proche ».
À propos de l’artiste
En cours de création, les œuvres de Jérôme Bouchard seront visibles jusqu’au 24 décembre au ReLab, avant d’être exposées à la galerie Bellemare Lambert (Montréal) à partir du 27 février 2021. Contact et aperçu du travail à partir du compte Instagram @deprochenproche
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