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La musique post-covid ? « Rien ne remplacera le live »

Pas d’Ardentes cet été, de festivals, de concerts, de spectacles en plein air ou de rassemblements festifs en général… Obligée de se réinventer, la musique a exploré certaines alternatives comme le concert sans public, le streaming ou encore le concert virtuel en 3D. La musique live de demain ?

2020 devait marquer un nouveau cap dans la vie trépidante des Ardentes. Pour fêter sa 15e édition, le festival avait prévu de déménager et d’accueillir artistes et festivaliers sur un nouveau site, celui de la Tonne à Rocourt. Crise sanitaire oblige, le rendez-vous a évidemment été postposé à 2021, du 8 au 11 juillet. Et on a donc dû se résoudre à faire l’impasse sur les venues programmées de PNL, Future, Bad Bunny, Burna Boy ou encore Niska. Pour mieux les retrouver l’été prochain, on l’espère dans une configuration « normale », qui nous aura tant manqué – et manque toujours – ces dernières semaines. En attendant, on a passé un coup de fil à Jean-Yves Reumont, booker et chargé de communication et des relations avec la presse pour les Ardentes. Histoire d’évoquer cet été culturel pour le moins particulier, l’absence de festivals, les alternatives virtuelles et les concerts de demain.

Jean-Yves, sacré été pourri pour les Ardentes et la culture en général. On imagine que tu as dû raturer plusieurs fois ton agenda et l’adapter sans cesse…

C’est clair. D’abord, c’était un peu l’inconnu. On ne savait pas trop où on allait. Puis, la décision est tombée, on a appris qu’il n’y aurait pas de festivals cette année. On a donc reporté les Ardentes en juillet 2021, mais aussi le festival de jazz, au mois de mai 2021. Vu les mesures en place, on a préféré ne rien faire cet été et attendre de voir comment la situation sanitaire allait évoluer. Car les mesures imposées sont difficilement applicables à notre secteur d’activité. Si on doit respecter une distance d’1,5 m entre chaque spectateur assis, on ne pourra même pas en accueillir 200 au Reflektor. En ce qui concerne le bar, c’est aussi compliqué puisque les règles en vigueur sont celles de l’Horeca : les gens doivent être assis, on doit garantir une distance entre les tables… Par contre, les concerts de la rentrée au Reflektor sont pour l’instant maintenus. Mais encore une fois, on verra ce qui va être décidé dans les prochains jours ou prochaines semaines. Et on avisera. On s’adaptera.

Ton équipe et toi avez quand même été actifs cet été. Début juillet, les Ardentes et le Wallifornia MusicTech ont notamment innové en organisant un concert virtuel en 3D de l’artiste bruxellois ICO. Une première en Belgique, non ?

Oui, c’était une première, une expérience unique en Belgique qui a rassemblé 5000 personnes sur une plateforme virtuelle et sur les réseaux sociaux, avec plus de 40.000 vues à l’heure actuelle. L’idée n’était pas de proposer un simple streaming classique. Là, on se trouvait plutôt dans l’univers du gaming, du jeu vidéo, avec des sons et mouvements retranscrits sur la plateforme de festival virtuel YABAL.

On voulait vraiment que ce soit interactif. Les gens pouvaient créer leur avatar, interagir, bouger, danser… Un peu comme dans Fortnite. ICO étant assez jeune, il était l’artiste idéal pour ce genre d’expérience.

Et au final, les échos du public étaient bons ? Quels enseignements en retires-tu ?

Depuis le début du confinement, on a été hyper questionné, sur l’avenir des concerts notamment. Pour la toute première fois, du jour au lendemain, on n’a plus été en mesure d’organiser des concerts pour des raisons qui sont hors de notre contrôle. Forcément, il était légitime de se demander ce qu’on allait pouvoir faire si on ne pouvait plus faire de concerts. Avec l’équipe des Ardentes et du Wallifornia MusicTech, on a déjà travaillé sur cette question, notamment en prenant part à des réflexions sur les nouvelles technologies et à leur impact potentiel sur le live.

Au bout du compte, tous les avis vont dans le même sens : rien ne remplace le live, le fait de se retrouver entre potes, de boire un verre ensemble avant le concert, de vivre le moment et de s’en souvenir. On le voit même pour un concert en streaming d’Angèle ou de Bob Sinclar par exemple : les gens se rassemblent !

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Plutôt que de vivre le truc en solitaire, ils préfèrent se regrouper à 4-5 pour partager l’expérience. Le concert virtuel peut amener quelque chose de différent, d’amusant. Mais c’est un moyen de substitution, personne ne s’est dit que c’était mieux qu’un vrai concert.

On n’est donc pas au point de se dire qu’il s’agit là du concert du futur…

Non, c’est une alternative au live. Une possibilité pour l’artiste de créer quelque chose de différent, d’aller dans tous les sens, d’exploiter certains délires des gens… Pour moi, le virtuel ne remplacera pas le live, ce sera un plus. Les gens qui auront participé à ce genre d’expérience auront justement peut-être envie d’aller voir l’artiste en vrai par la suite. C’est un peu comme les gamers qui jouent à FIFA. Ce n’est pas parce qu’ils sont sur leur console qu’ils ne vont pas voir un match à Dortmund ou à Manchester, au stade avec d’autres supporters. Ce type de concert virtuel permet de toucher un autre public, plus jeune, car la nouvelle génération est là-dedans en permanence, elle est tout le temps sur son téléphone, hyper connectée.

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Il y aurait donc quand même un peu de positif à retenir de cette crise ? Elle a ouvert d’autres portes au secteur musical ?

On aurait évidemment préféré ne pas la vivre, mais il faut aller de l’avant ! La crise est là, voyons plutôt comment coexister et la gérer au mieux. Bon, forcément, début juillet, on se disait qu’on aurait dû être en plein week-end des Ardentes, ce qu’on attend toujours avec impatience… Mais à côté de ça, le concert virtuel d’ICO a été une belle expérience, qui nous a mis en contact avec nos festivaliers d’une autre façon. Ce genre d’alternative et toutes les réflexions qui ont eu lieu autour du streaming sont à retenir pour l’avenir.

La crise a un peu « compartimenté » les professions, entre métiers essentiels et non-essentiels. La culture ne figurait clairement pas parmi les secteurs prioritaires. Elle reste bien entendu essentielle, mais aujourd’hui, avec le recul, tu la places à quel niveau dans notre société ?

Même si, politiquement parlant, il a fallu du temps avant que les premières mesures tombent, cette crise a quand même suscité pas mal de débats et, quelque part, conscientisé les gens qui considéraient peut-être la culture comme un acquis. En étant privée de musique et de spectacles, la population a vu que tout ça lui manquait. En un sens, la crise a mis la culture en valeur, ainsi que tous ses métiers : les artistes, les techniciens, les bookers … Ce n’est pas pour ça que le secteur va mieux ou que c’est plus facile à vivre aujourd’hui, mais au moins, le covid a permis de sensibiliser le politique et le grand public sur ce qu’on fait et ce que la culture apporte à notre société.

Sincèrement, tu es inquiet pour la suite et l’avenir des spectacles en live ?

Non. L’équipe et moi, on reste optimiste ! On a les Ardentes dans un an, des concerts au Reflektor à la rentrée … Il y a de quoi faire. On avance sur l’agenda 2021. On ne veut pas croire qu’il n’y aura plus jamais de concerts comme avant ou qu’on vivra éternellement au rythme du confinement. Quoi qu’il arrive, il faut trouver des solutions pour que la musique et la culture en live restent bien présentes dans notre société.

Infos et contact

Découvrir le line-up 2021 des Ardentes ici.

En apprendre plus sur le Wallifornia MusicTech ici.

Quand il vivait à Bruxelles, on l'appelait le "Liégeois" et personne ne comprenait son chauvinisme pour cette ville de Liège qu'il défendait avec un brin de mauvaise foi. Désormais, il est revenu chez lui, en Cité ardente. Ancien journaliste au quotidien L'Avenir, il a rejoint l'équipe de Boulettes pour combiner deux éléments qui lui tiennent à cœur : l'écriture et la valorisation de sa ville sous toutes ses facettes dans un webzine 100% liégeois.