Boulettes Magazine

(Avec, à l’appui et pour être en accord avec la saison, ses tables 

d’inspiration de fête, photographiées par Jehanne Moll )

Amoureuse de la nature et des fleurs, Marie-Pierre Ravet est au départ guide nature. Devenir floral designer a été un grand tournant dans sa vie, car elle a enfin pu exercer le métier qu’elle aime le plus au monde. Elle s’est formée et perfectionnée en Hollande, auprès de Tessa Van Dam Merrett dont elle a été l’élève pendant 5 ans, et qui est devenue une amie. Tessa Van Dam Merrett était fleuriste de la cour de Hollande et du corps diplomatique, c’est ce qui à permis à Marie-Pierre d’apprendre à travailler de grosses structures –ce qui est essentiel pour certains de ses projets actuels. A côté de cela, elle est formatrice en décoration et dressage de table dans un centre de compétence pour métiers de bouche –ce qui l’a motivée à également devenir restauratrice, et donc d’osciller en permanence  entre la cuisine et la salle.

Quelle est la particularité de la profession de floral designer par rapport à celle, plus classique, de fleuriste ? Marie-Pierre travaille essentiellement seule et ne possède pas sa propre boutique,  ce qui lui laisse une plus grande liberté pour ses nombreux projets. Et ce qui lui permet aussi de se déplacer, beaucoup. Car ses missions exigent ces nombreux déplacements : pour fleurir un restaurant, par exemple, elle a besoin de se rendre sur place, plusieurs fois, parfois longuement, afin de s’imprégner du lieu, de parler avec les restaurateurs… De la couleur des murs aux plats présents sur la carte, c’est un tout. Et tout retient son attention et servira de base à ses futures créations. Elle rentre ensuite chez elle et crée une déco sur-mesure, en fonction du commerce. C’est toujours l’ensemble qui crée une atmosphère, et cela, Marie-Pierre l’a très bien compris.

Marie-Pierre Ravet travaille la symbolique à partir des végétaux et des accessoires : pour elle, il est toujours question d’évocation et de souvenir. Une bonne partie de son activité concerne le marketing expérientiel, très en vogue aujourd’hui. Marketing à la fois visuel, olfactif, gustatif… une véritable « mise en éveil des sens où le client est partie prenante ». Si cela ne vous évoque rien, pensez aux décorations de certaines boutiques, aux parfums diffusés, à l’ambiance qui se dégage d’un magasin. Pensez aux boulangeries qui diffusent une odeur de pain chaud –artificielle- en permanence. Il s’agit d’imprimer quelque chose dans l’esprit des gens, d’appeler leur regard, et cela va très vite. Qu’il s’agisse de pharmacies, de parfumeries ou d’alimentaire, Marie-Pierre est appelée pour mettre en avant des produits divers. Et ses prestations peuvent être très variées : alimentaire pour l’ISPC, où elle a mis en avant la côte ibérique en « racontant l’Espagne en utilisant de l’ail, des poivrons, du rouge… », cosmétique pour la marque Nuxe, où elle a utilisé de la fausse neige, de la fourrure, des perles : « On était à Paris », à partir d’une seule boîte de produit magnifiée par les accessoires.
C’est cette partie de son travail qu’elle revendique par rapport aux fleuristes en boutique. Et cela fonctionne, car certains clients lui donnent carte blanche pour réaliser ce genre d’étalages. Il s’agit de faire en sorte que le client se sente bien et qu’il consomme. C’est une question d’ensemble et d’atmosphère : Marie-Pierre travaille de façon discrète afin que ce soit le client, son événement, son produit qui soit en fait mis en avant.

On est donc bien au-delà de l’image de la fleuriste qui ne s’occupe que de mariages.

… Même si les mariages font bien entendu partie intégrante du travail de Marie-Pierre. Tout comme d’autres réceptions privées : parfois, il s’agira, pour une réception réunissant le gratin du monde de l’art, de fleurir le château du collectionneur Robert Noortman. Parfois, il s’agira de décorer une maison pour une plus petite réception privée. L’important, pour elle, c’est que ces clients aient le sentiment « d’être invités chez eux ». Des fleurs au dressage de la table, ses clients lui font confiance et Marie-Pierre s’occupe de l’atmosphère qui rendra une soirée unique. L’émotion est aussi importante que les éléments qu’elle choisit avec soin pour composer ses créations tout en jeux de volumes, de couleurs, de senteurs, de formes, d’âme et d’harmonie.

C’est être passionnée d’art mais aussi de voyages –qui selon elle sont essentiels pour sa profession– qui permet à Marie-Pierre de s’inspirer de ce qu’elle vit et éprouve pour ensuite créer. Et concernant l’inspiration pour ses projets, Marie-Pierre Ravet n’a pas de problème : « Je suis tout le temps dans la créativité, c’est comme une gymnastique ». Et c’est nécessaire pour de nombreuses commandes, car « Souvent le client ne sait pas ce qu’il veut… Mais il sait ce dont il a envie. Surtout pour les mariages ! ». C’est donc Marie-Pierre qui va devoir rencontrer ses clients, afin de comprendre ce qu’ils désirent et ce qui pourra leur plaire au mieux.

Lorsque je lui demande ce qu’elle préfère réaliser, Marie-Pierre a –évidemment- du mal à me répondre tout de suite. Car tous ses projets la passionnent, de la mise en avant d’un produit cosmétique à la décoration florale d’un film d’époque sur la vie d’Honoré Fragonard… Elle concède tout de même un certain coup de cœur pour les châteaux anciens, « qui racontent des choses, ont une atmosphère, sont de grandes structures et dont je peux réveiller l’âme ». Bien sûr, il lui arrive aussi de réaliser de « simples » bouquets, plus petits, plus modestes. Mais le moindre petit bouquet de fleur est un défi, car ce qui plait à Marie-Pierre, c’est de comprendre ce qui correspond à son client, dans la mesure de ses moyens mais toujours fidèlement à ses envies.

Et qu’est-ce qui plait tant à Marie-Pierre dans les fleurs ?

Marie-Pierre Ravet parlerait d’ailleurs davantage de design végétal plutôt que de design floral…  Elle a besoin du végétal, mais elle va quitter l’idée de la fleur pour entrer dans la nature au sens plus large. «Un chou, c’est aussi du visuel végétal» : un chou, oui, comme dans votre cuisine. Et c’est aussi joli qu’une belle fleur.

Enfin, lorsque je lui demande ce qu’elle pense du caractère éphémère de ses formations,  elle me répond que c’est aussi ça qui fait le charme de la chose. Pour Marie-Pierre, justement, « c’est ce caractère éphémère qui me fait revendiquer les fleurs comme un produit de luxe ». Mais qu’entend-t-elle par luxe ? Travailler les fleurs, c’est comme pour les parfums : derrière un produit, il y a tout un travail demandé, une délicatesse, du soin, de l’entretien, et cela du point de départ à la livraison finale. Le luxe, pour Marie-Pierre Ravet, tient à cela mais aussi à autre chose.  Car lorsque je lui demande si on offre toujours autant de fleurs aujourd’hui, elle me répond que oui, car tout le monde aime les fleurs… Autant les hommes que les femmes. Par contre, les gens veulent de plus en plus offrir quelque chose qui dure dans le temps, ce qui n’est pas le cas des fleurs. Or pour elle, on devrait pouvoir s’octroyer ces petits luxes : une bon repas, comme un beau bouquet de fleurs, est éphémère. Mais ce qui est important, c’est le souvenir. Et c’est là que Marie-Pierre intervient.

Tout est question de subtilité, de valeur humaine et d’engagement derrière le produit, et de vécu pour le client. Avec Marie-Pierre, c’est clair : il n’y a rien de superficiel dans l’amour du beau, et donc dans l’amour des fleurs. Difficile de ne pas être d’accord –et charmée.

• Pour découvrir les créations de Marie-Pierre Ravet :

• Photographies des tables d’inspiration réalisées par Jehanne Moll :