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Taxe urbaine non-ménages

Ce qu’il faut savoir de la (saleté de) taxe urbaine non-ménages

Entre récupération politique, coups de gueule 2.0 et décisions de justice contradictoires, la taxe urbaine non-ménages n’en finit pas de faire débat. Si le temps était vraiment de l’argent, tout celui qui est consacré à parler d’elle suffirait à remplir les caisses de la ville, mais puisque ce n’est pas le cas, petit récapitulatif pour les Liégeois.e.s qui subissent ce racket cette taxation (et les autres, qui sont curieux de savoir de quoi il retourne). 

La taxe urbaine non-ménages, c’est quoi? 

Le règlement communal établit au profit de la Ville de Liège une taxe urbaine sur les déchets, à savoir l’enlèvement et le traitement de ces derniers. La taxe est subdivisée en une partie variable (sacs payants) et une partie fixe forfaitaire qui fait l’objet de l’envoi d’un avertissement-extrait de rôle, et elle est due par les personnes occupant un immeuble pour l’exercice d’activités commerciales, industrielles ou de services. Soit 11.000 contribuables. Mais la taxe urbaine est également due par les ménages. Autrement dit, un.e indépendant.e qui travaille à domicile devra s’acquitter de deux taxes, voire plus: deux cohabitants domiciliés à la même adresse et tous deux établis comme indépendants peuvent se voir réclamer chacun la taxe urbaine non-ménage. 

Pourquoi ça fait tellement débat? 

Ce qui dérange, ce n’est pas tant la taxe en elle-même, mais bien la double imposition mise en place, comme le dénonce l’UCM au travers d’un exemple concret.

Jeanne est mariée et habite à Liège, avenue Rogier. Elle paie 140 euros pour la taxe urbaine ménage. Elle gère aussi un magasin de lingerie en SPRL, rue de la Casquette. Elle paie donc également 220 euros pour la taxe urbaine non-ménage. Et le siège social de son entreprise est à son domicile. D’où, encore une fois, 220 euros pour la taxe urbaine non-ménage. Au total, Jeanne paie donc trois fois pour la gestion de ses déchets, soit 580 euros.

Autre problème également, le tarif unique (220 euros, rabaissé à 65 pour ceux qui exercent leur activité où ils sont domiciliés), quels que soient les revenus de la personne. Une problématique que Vert Ardent, Quentin le Bussy en tête, dénoncé depuis 2016 déjà. « Ce qui pose problème, dans ce cas – et c’est ce qui est condamné par la justice – c’est qu’un dessinateur ou une modiste en activité complémentaire (qui ne créent quasiment pas de déchets) paieront le même montant qu’une grosse société qui produit une grande quantité de déchets (qu’elle évacue par ailleurs à ses propres frais et pas dans des sacs jaunes mais ce n’est pas le débat) ». 

Ce n’est pas proportionné, ce n’est pas juste, ce n’est pas équitable, c’est illégal tout simplement. 


Et jusqu’il y a peu, la Justice semblait être de leur côté – sans que cela empêche toutefois la Ville de réclamer la taxe. 

La justice dit quoi? 

Sur base de la plainte d’un indépendant il y a trois ans, la cour d’appel de Liège a jugé discriminatoire le règlement-taxe car il met sur un pied d’égalité tous les indépendants, peu importe qu’ils produisent peu ou beaucoup de déchets dans l’exercice de leur activité. Bien que la Ville ait continué de réclamer la taxe, elle le faisait donc alors même que cette dernière avait été jugée inique par la justice. Rebondissement, le 21 décembre dernier: la cour d’appel revient sur son jugement originel pour en rendre un tout à fait contraire, qui valide cette fois la taxe urbaine non-ménages. Selon le dernier jugement en date, la taxe n’est pas discriminatoire (elle comprend en effet une partie variable en nombre de sacs-poubelle jaunes) et son montant n’est pas non plus jugé déraisonnable.

Et les politiques alors? 

Du côté de Vert Ardent, la taxe est depuis de nombreuses années un véritable cheval de bataille.

Il s’agit d’un combat de justice fiscale, d’équité, pas de faire payer moins certains au détriment des autres. C’est aussi le parallèle d’un combat cher à Ecolo et qui vise à faire de Liège un vivier d’activité, une Ville qui soutient celles/ceux qui créent et s’engagent, dans tous les sens du terme: les artistes, les associations et donc aussi les entrepreneurs.

 

Honorable, certes, sauf qu’ainsi que les autres joueurs présents sur l’échiquier politique liégeois le rappellent, supprimer simplement la taxe n’est pas si simple. Lors de ses voeux à la presse le 7 janvier dernier, Willy Demeyer avait abordé la polémique en disant que le sujet était étudié, mais que la marge de manoeuvre était réduite. Un son de cloche auquel fait écho Christine Defraigne. 
 

Cette taxe existe depuis trois législatures et fait l’objet de contestation depuis seulement trois ans. Le Collège réfléchit actuellement à une adaptation de ce règlement, dans le respect des principes définis par la Cour, à l’aune des contraintes émises par la tutelle régionale et de l’état précaire des finances de la Ville laissées par le prédécesseur.

 
Et la nouvelle Echevine des Finances et du Budget répond de but en blanc quand ses adversaires politiques tentent de lui imputer l’imbroglio actuel. 
 

Le budget 2019 de la Ville a été voté en novembre dernier, AVANT donc que la nouvelle majorité ne soit mise en place . Cela n’est donc pas de mon initiative. Ce budget, purement technique, a été présenté par l’ancienne majorité. La taxe urbaine non-ménage fait partie des dossiers prioritaires pour moi. Dès lors, de nombreuses réunions se sont tenues en décembre à ce sujet. Ce travail de réflexion de grande ampleur doit se poursuivre dans les prochains mois afin de trouver une solution adaptée, en concertation avec le Collège communal et la tutelle régionale. Tout le monde doit être conscient que la marge de manœuvre est étroite et que la situation financière de la Ville laissée par mon prédécesseur aux Finances est précaire.

 

Pourquoi il faut payer quand même? 

C’est vrai ça, si personne n’est d’accord, il suffit de contester et de ne pas payer, non? Non. C’est même une très mauvaise idée: certains membres de la rédaction qui avaient compté sur le fait d’avoir la Ville à l’usure se sont vus menacer d’une descente d’huissiers. Et on dû finir par payer cette maudite taxe urbaine non-ménages, avec des primes de retard en prime. Comme le souligne Christine Defraigne, contester la décision de la Cour d’appel n’est pas non plus une option favorable. « Tenter un recours est, comme certains y invitent, un conseil peu judicieux, voire dangereux, car au-delà du paiement de la taxe, cela occasionne des frais de procédure – dont l’indemnité de procédure- qui, additionnés aux frais d’avocats, et aux frais d’huissiers, viennent alourdir considérablement la facture ».

 

 

Mon devoir de bonne administration implique de mettre en garde le citoyen contre ces procédures coûteuses et aléatoires qui pourraient leur revenir nettement plus cher que la taxe elle-même. Je ne suis pas, comme certains qui, sans prendre de risque personnel, envoient les gens «droit dans le mur».

 
Donc on fait quoi? On attend. Mais en attendant, on paie. Après tout, la cour d’appel a dit que la taxe n’était pas injuste, alors vraiment, hein, de quoi on se plaint. 

Journaliste pour Le Vif Weekend & Knack Weekend, Kathleen a aussi posé sa plume dans VICE, Le Vif ou encore Wilfried, avec une préférence pour les sujets de société et politique. Mariée avec Clément, co-rédacteur en chef de Boulettes Magazine, elle a fondé avec lui le semestriel SIROP, décliné à Liège et Bruxelles en attendant le reste du pays.