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Roller Derby - Pexels - Quaz Amir

Chausser ses patins avec le Roller Derby liégeois

Il faut savoir quelque chose sur moi : je fais partie de ces gens qui détestent copieusement le sport.
Je suis contente pour celles et ceux qui y trouvent leur compte, c’est cool, et parfois même je les envie un peu d’avoir trouvé leur shoot d’endorphines quotidien. Mais c’est pas mon truc. Vous en connaissez peut-être, des traumatisé·e·s du cours de gym de l’école : hè ben, c’est tout moi.
Et pourtant, il y une irréductible activité sportive qui a toujours eu à mes yeux un charme fou : le roller derby. Des nanas badass –terme galvaudé s’il en est mais ici, il est plutôt bien choisi– chaussées de patins à roulettes, vêtues et maquillées pour la piste, un peu de baston mais aussi, la garantie d’une ambiance bienveillante et ouverte à toutes et à tous.

Ca doit être l’air de septembre, on est plusieurs à réfléchir à des activités à commencer pour la rentrée, un peu comme quand on était minus et qu’il était bientôt temps de redémarrer ses cours de solfège ou de natation synchronisée.
Toujours est-il que c’est dans ce contexte que nous avons reçu un petit message du Roller Derby Liège qui nous informait que « Hé, on organise bientôt une journée de recrutement pour s’essayer au derby, ça vous dit de découvrir un peu notre sport et d’en parler ? »


L’histoire du roller derby commence dans les années 30 à Chicago, où le sport est alors bien différent  d’aujourd’hui. De course d’endurance assez classique, il devient un vrai spectacle, où l’on se délecte de voir les joueuses se bagarrer sur leurs patins. Puis, il tombe doucement dans l’oubli dans les années 70. Pour mieux réapparaitre en 2001 à Austin, Texas, de manière plus réglementée et avec la réputation qu’on lui connaît aujourd’hui de sport plutôt alternatif.
Dix ans plus tard, bien inspirées par ce qui commence à se faire dans d’autres grandes villes, une bande de liégeoises crée les Holy Wheel Menace et s’entraîne sur des pistes de fortune, de type parking. Plus tard, en 2015, la Roller Derby Liège ASBL voit officiellement le jour. Ce qui permet de concourir dans la compétition européenne, en voyageant de ville en ville, et de s’adonner dans les conditions adéquates au sport : une sorte de course poursuite à roulettes sur piste ovale, où jammeuses et bloqueuses se coudoient et se bousculent sous les yeux de l’arbitre pendant les 2×30 minutes de jeu.

Je ne détaillerai pas plus en détail l’histoire du derby et ses règles, d’autres le font bien mieux que moi – et en plus, il paraît qu’on peut tout à fait se lancer sans avoir besoin de tout savoir d’emblée.
D’ailleurs, vu que c’est celles et ceux qui en font qui en parlent le mieux, c’est plutôt les membres de l’équipe liégeoise que l’on va écouter aujourd’hui : j’étais curieuse de vérifier si mes aprioris se confirmaient, et des joueuses et joueurs ont accepté de témoigner.

En discutant avec les membres de l’équipe liégeoise, et déjà en arpentant la toile avant, je me suis vite rendue compte qu’on était beaucoup à avoir parmi nos références le film Whip it ! (sorti en 2010 en français sous le nom Bliss), de Drew Barrymore avec Ellen Page, Kristen Wiig et Juliette Lewis. C’est sûrement de là que nous vient cette image de sport de pin-ups rigolotes, un peu punk, sûres d’elles et (souvent) tatouées. En tout cas, c’est ce que semblent confirmer Lethal Culotte, pour qui ce film fut le point de départ, et Ewok’n Roll qui lui aussi voyait les choses de la sorte :  » ça m’enthousiasmait beaucoup, mais pour moi ça restait quelque chose de propre aux USA, et réservé à des nanas badass. Puis vers juin 2016, je suis tombé sur une annonce de recrutement pour les Holy Wheels Menace, l’équipe féminine de Liège, et j’ai trouvé ça génial de découvrir des équipes européennes, même ici ! Je me suis renseigné pour assister à des matchs, j’ai découvert qu’il y avait aussi une équipe masculine, qui recrutait  » – c’est que le derby liégeois a aussi son équipe masculine, qui en plus a un nom plutôt rigolo : les Vî’Kings.

Et il se lance, sans jamais avoir patiné de sa vie.

Être 100% débutant et vacillant sur ses patins, c’était le cas de pratiquement tous les membres à qui j’ai posé ces questions. Et aujourd’hui, personne ne regrette ce choix d’avoir osé se lancer, souvent un peu par hasard. Les mots de Medic’Assion me rassurent drôlement plus qu’il n’aurait plus l’imaginer : « à la base, je n’aime pas le sport quel qu’il soit! Mais celui-ci est totalement différent de ceux qu’on connaît ; déjà il n’y a pas de ballon, j’ai horreur des sport avec ballon! En plus il permet de jouer et évoluer en équipe tout en étant « seul » sur ses patins « . Et Lethal Culotte abonde dans son sens en citant les mots éternels de La Reine des Neiges,  » Libéré·e, Délivré·e ! » :

On aura beau vous donner tous les conseils du monde, vous abreuver de notre savoir millénaire et ancestral, rien ne vaut la pratique, l’exercice et une certaine forme d’acharnement. Apprendre à patiner, c’est synonyme de chutes et d’éternel recommencement des mouvements. Ceci dit, il faut accepter de se laisser le temps. Rome ne s’est pas faite en jour, et il en va de même avec le patinage, quand bien même chacun progresse à son rythme. Acceptez de vous donner le temps et de lâcher les rênes de temps à autres : le patinage doit être intuitif, ce n’est pas en vous répétant non-stop les conseils que nous vous donnerons que vous maîtriserez un mouvement, car le roller n’est pas une science exacte, mais une combinaison de sensations.

Autrement dit, ne pensez pas trop.

Ok. Mais est-ce que le roller derby est vraiment aussi cool qu’on essaie de nous faire croire ? Pour les liégeois·e·s, la réponse est oui, assurément. Et pour plusieurs raisons :

D’abord, l’ambiance particulière et bienveillante, et la facilité qu’on a à y tisser des liens et à faire de super rencontres. Pour Bunker Buster, on y trouve une  » vraie particularité sociale. Il y a un respect hors norme, une capacité de chacun à accueillir l’autre sans jamais le juger. Dès les premiers tours de track, les premières chutes, les centaines d’essais pour parvenir à se retourner, à patiner en arrière, à sauter au dessus d’une barre,… à chaque moment, il y a quelqu’un à côté de nous, avec le sourire encourageant pour nous dire que c’est super, continue, tu vas y arriver ». Un respect de chacun qu’il retrouve, aussi, du côté des arbitres et les équipes adverses ; « c’est assez unique » !
Ainsi, l’équipe devient rapidement une bande de potes qui s’entraînent ensemble : pour certain, l’aspect « équipe » est le plus important. Comme pour Deli’Cath Poison :

J’avais déjà pratiqué beaucoup de sports individuels, mais jamais un sport d’équipe auparavant. On est comme une grande famille, on passe plus de 5h par semaine ensemble, on est soudées, on perd et on gagne en ensemble. Il m’arrive d’avoir la larme à l’œil juste à regarder mes co-équipières jouer et se battre pour notre équipe

Mais si le sport est fun et décalé, il n’en est pas moins exigeant. Certes, on s’y défoule bien, mais c’est aussi très physique. C’est un « sport ultra complet », explique Lethal Culotte, car « sans qu’on s’en rende compte, ce sont tous nos muscles que nous mobilisons lorsque nous patinons ; et je ne parle même pas du cardio ! Je n’ai jamais été bien grande ni bien épaisse, mais depuis que je fais du roller derby, je suis devenue une petite boule de muscles, et ça, ça n’a pas de prix ! ». 


C’est aussi un formidable exercice de dépassement de soi, comme nous le confirment toutes les Holy Wheel Menace et tous les Vî’Kings. On finit par se surprendre de sa propre capacité à ne pas lâcher l’affaire, de ses compétences et de sa propre envie d’aller plus vite, plus loin, pour soi-même et avec son équipe. « Le derby me pousse à dépasser mes limites » explique Ewok’n Roll,  » à découvrir ce dont je suis capable. Chaque entrainement m’amène à aller un peu plus loin, pas à pas. C’est un sport tellement complet ! Equilibre, endurance, réflexes, confiance en soi, confiance dans les coéquipiers, … tout y passe, mental comme physique! Et au final, si on persévère, on s’impressionne soi même, c’est un sentiment vraiment plaisant ».

Sur place, c’est l’occasion de souffler, de faire une parenthèse dans le quotidien. C’est qu’au derby, que l’on soit employé de bureau ou étudiante en langues, on est dans le même bateau. Et on est à la fois soi-même et quelqu’un d’autre.
Car à ce stade de l’article, vous l’avez sûrement remarqué : les participant·e·s utilisent un derbyname, un pseudo créé de toute pièce pour coller à leur personnalité et à sa version la plus déjantée sur la piste. Un exercice compliqué mais amusant afin de trouver ce qui nous correspond vraiment.

Bunker Buster tient son surnom de sa capacité à foncer dans le tas, par sa force et son poids, à la manière des missiles destinés à exploser les bunkers sous terre. Médic’Assion est ambulancier et a servi de médic à l’équipe féminine avant de commencer le derby. Si le sens premier et médical saute vite aux yeux, il y en aurait un deuxième, caché… Un petit côté mystérieux et amusant partagé par Lethal Culotte, qui ne nous expliquera pas pourquoi son nom est malicieusement passé de Lethal Sister à celui-ci pour une sombre histoire de sous-vêtement… Cela part souvent d’une blague au sein de l’équipe, qui finit par rester, comme nous l’explique Ewok’n Roll, dont le surnom vient de l’apparence pleine de bonhommie des Ewoks, qui sont finalement faussement inoffensifs… comme lui sur le track. A ça, on ajoute un petit jeu de mot musical sur le rock’n’roll et les roulettes, et le tour est joué. Il souligne : « c’est important, les jeux de mot, dans le monde du derby! Le sens de l’humour qui est omniprésent et se retrouve beaucoup dans les derbynames », comme pour Deli’Cath Poison qui est partie de son propre prénom. Clem, elle, se fait gracieusement appeler Clemydia, et on a pas besoin de vous faire un dessin.

Tout ça, c’est ce qui fait l’esprit D.I.Y du derby : de leur propre personnage à l’organisation totale du jeu, tout est réalisé par l’équipe. « On doit se débrouiller pour l’organisation de nos matchs de A à Z (inviter les équipes, parfois les loger chez nous, louer les salles, tracer le “track”, trouver des refs, des nso’s, accueillir le public,…) et ça rend ce sport vraiment authentique » explique Clemydia.

Et s’il fallait achever de se convaincre, Bunker Buster glisse, l’air de rien, qu’à l’occasion, de vraies soirées « roller disco » sont aussi organisées par l’équipe liégeoise. Pas besoin d’en dire plus.

Sauf peut-être ce qu’absolument tous les membres m’ont répété : il suffit de se lancer. Même sans patiner : on nous souffle dans l’oreillette qu’on a toujours besoin de NSO et d’arbitres sans roulettes pour rejoindre la joyeuse équipe éclectique et soudée du derby.
Et « au pire, tu passeras un super moment à la journée de recrutement« , rassure Médic’Assion. Et ça tombe bien, justement, car cette journée a lieu ce dimanche !

Roller Derby Liège
Fresh Meat Day / Dimanche 24 septembre, de 14h à 19h
 Journée de recrutement ouverte à toutes et à tous
Hall omnisport de Liers, chaussée de Brunehaut 664 Herstal
Texte Jules

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