Le délicieux raffut cinématographique de Ruffin
Alors qu’il recevait le césar du meilleur film documentaire pour Merci Patron !, François Ruffin a marqué les esprits de sa verve militante. L’occasion est trop belle : revenons sur ce film que nous adorons et essayons de comprendre comment il a généré un tel succès. Il n’y avait vraiment rien d’autre à l’affiche qu’un film-politique-indépendant-sur-la-délocalisation-des-entreprises à cette période là ? |
La question m’a été posée plusieurs fois cette semaine, remplaçant pour un temps le traditionnel « Ça va ? » auquel on attend jamais vraiment de réponse : « T’as vu ce qu’il s’est passé cette semaine aux Oscar ?!! » Et moi : « Tu veux dire les César non ? Le discours de Ruffin, c’était top ! » Réaction : une mine découragée accompagnée d’un « Heuuuu non je voulais parler de la boulette du #vieil-acteur-pas-connu qui s’est trompé en remettant l’Oscar du meilleur film. » Mais cette boulette n’étant pas à la liégeoise, elle m’a fait l’effet d’une frite sans compote. Traduction : elle ne m’a fait aucun effet contrairement au vif discours du rédacteur en chef de Fakir. François Ruffin, c’est lui qui disait à Libération en juin dernier que sa principale bataille est de « sortir les gens de la résignation ». En effet le public sait exactement où le monde pourrit – parce que tout se sait toujours – « mais au lieu de réveiller, cette pluie de catastrophes peut avoir un effet d’écrasement. » Tandis que Ruffin, lui, il se secoue le cocotier.
Dans son documentaire, le journaliste engagé tourne en ridicule la façon dont Bernard Arnault, big boss de LVMH, achète le silence de deux travailleurs Ch’tis licenciés quelques années auparavant. L’histoire est tragique dans le fond mais sur la forme c’est devenu LA comédie de l’année 2016. Un documentaire home made, politique, sur la délocalisation des entreprises, a fait salle comble pendant plusieurs semaines. Vous le croyez ça ? Y’avait vraiment rien d’autre à l’affiche ? Pourquoi ce soudain intérêt du public pour le sujet ? Parce que Merci Patron ! est enthousiasmant et appelle à s’unir contre un mec plein de pognon et vide de scrupules. Le simple fait de voir le film, de payer sa place, c’est pour le spectateur une manière de participer à la lutte en quelque sorte, d’ouvrir un peu les yeux. Ce spectateur qui, justement, a du mal à sortir de la résignation.
Et puis il faut dire que François Ruffin ne s’est pas contenté de distribuer son film sans un mot. De la même manière qu’il n’a pas reçu son prix platement, il a fait le tour des salles, créant événement sur événement. Entrainant un certain engagement autour de son film. Merci Patron ! rassemble parce qu’il montre qu’avec peu de moyens techniques on peut faire vaciller le plus gros pourri des riches patrons. Pour une fois, une dénonciation politique parle directement au peuple et ne met pas en scène seulement les bourdes des puissants. Le truc, en fait, c’est que pour une fois on nous dénonce un problème politique à travers une aventure humaine. C’est la magie du cinéma me direz-vous.