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Willy Demeyer

Comment Willy Demeyer compte guérir Liège de la crise

À l’approche d’un iceberg, c’est au capitaine qu’incombe la responsabilité de stopper les machines. Aux commandes de Liège, Willy Demeyer a dû arrêter la ville. Un exercice périlleux, tant sur le plan organisationnel qu’humain. Pour Boulettes Magazine, il revient sur ce moment particulier, et sa vision pour sortir de la crise.

À la tête de la ville depuis plus de vingt ans, Willy Demeyer a connu des situations extrêmes en tant que bourgmestre, mais peut-être jamais autant qu’au cours des dernières semaines. Il l’avoue d’ailleurs sans ambages « c’était terrible, il a fallu tout affronter en même temps ». En peu de temps, il a dû arrêter la ville sous toutes ses facettes, qu’elles soient culturelles économiques ou sociales. En collaboration avec les services de santé, il a également fallu mettre en place des mesures sanitaires exceptionnelles, organiser les centres de pré-tri, hiérarchiser les besoins et parfois même, réquisitionner du matériel lorsque c’était nécessaire – une des prérogatives des bourgmestres. Plus cyniquement, il a également été nécessaire de réorganiser la gestion des morts, de la morgue au crématorium.

Un aspect particulièrement douloureux de la gestion de la pandémie pour Willy Demeyer.

 « Durant cette crise, le plus dur a été de gérer tout le volet autour de la maladie, de la mort et de la douleur. Répondre à la détresse des familles tout en expliquant qu’il n’était pas possible de faire des funérailles comme on le voulait ».

En pleine crise, il était également impératif de continuer de gérer la ville et ses services. Le tout en vidéoconférence, respect des règles de distanciation sociale oblige. « Les bourgmestres ont occupé une place centrale. La charge de travail est énorme, car on recueille la pression et les craintes de tout le monde » explique Willy Demeyer, qui nous dit avoir travaillé « jour et nuit ».

C’est qu’on n’éteint pas Liège comme on veut.

Willy Demeyer

Rallumer la flamme

 À l’heure du (presque) retour à la normale, le Bourgmestre fait confiance aux Liégeois : « Le goût de la ville ils l’ont. Ils vont revenir naturellement ». Il n’empêche, la reprise se fera pas à pas, sur base des recommandations du conseil de sécurité. Pour Willy Demeyer, sa mission est claire : il s’agit avant tout d’appliquer localement les règles générales et faire remonter les questions des citoyens. C’est cette stricte observation de la réglementation qui explique par exemple que le port du masque n’ait pas été rendu obligatoire.

« Le port du masque, on ne pouvait pas l’imposer. L’arrêté royal dit qu’il est fortement recommandé et on ne peut pas aller plus loin. Ceux qui l’ont fait se sont fait rappeler à l’ordre. Personnellement, je le recommande et je le porte ». Willy Demeyer.

Pour autant, la Ville n’est pas dépourvue de moyens d’action. Aux mesures sanitaires qui accompagnent le déconfinement, le Bourgmestre entend ajouter une série de mesures de soutien au redémarrage.

Soutenir l’Horeca

Brunchic PinartÀ l’heure de conclure cette interview, le Bourgmestre s’apprête à filer à une distribution de matériel sanitaire destiné à l’Horeca. Chacun des 1.100 membres du secteur que compte la ville devrait recevoir 50 masques chirurgicaux, 10 masques en tissu et 1,5 litre de gel désinfectant. « C’est pas mal hein ? » se réjouit l’élu PS. Une action parmi d’autres qui souligne la prise de conscience du rôle central que joue l’Horeca dans le redémarrage de la ville.

« Avec cette crise, on peut dire  que restaurants et cafés auront gagné leurs lettres de noblesse. Le secteur est une composante nécessaire du tout. On le savait, mais on ne savait pas suffisamment à quel point. Tout ce qu’on ne fait pas maintenant pour aider le secteur, on le paiera triple plus tard. Pendant la crise, on a accordé des réductions de charges et le Collège travaille aujourd’hui à un plan qui sera présenté en juin ».

Un plan qui viendra compléter des mesures ponctuelles déjà prises en amont, comme la possibilité d’étendre les terrasses des cafés et des restaurants, par exemple. « On va l’autoriser partout où on peut le faire », explique le Bourgmestre, qui ne craint pas, contrairement à d’autres, un effet d’engorgement dans les piétonniers.

Hors de question toutefois de précipiter la réouverture des bars du Carré qui, tous ensemble, sont assimilés à une grande discothèque. Un message qui, des dires du maïeur, semble bien reçu des tenanciers : « les gens ne sont pas égoïstes dans l’exercice de leur activité. Ils se rendent bien compte de la réalité. Les exploitants du Carré comprennent bien la grande difficulté. On est dans un schéma de responsabilité ».

Réenchanter l’espace public

Sauvenière BrasserieMise à mal par des semaines d’inactivité, la culture ne sera pas non plus oubliée. Pour encourager les Liégeois à se réapproprier leurs pavés, le Collège vient de dégager 100.00€ pour soutenir la culture, dont une partie destinée à animer la rue. « On va faire des animations pour aider les artistes et les commerces » promet Willy Demeyer, qui explique dans la foulée qu’un appel à projets devrait bientôt être lancé. Plus directement, un système de chèques pour soutenir les commerces locaux semblerait également être à l’étude, mais là, le Bourgmestre doit faire ses comptes avant de nous en dire davantage.

Remercier les Liégeois

Après des semaines de crise, Willy Demeyer tient aussi à remercier les Liégeoises et les Liégeois, même s’il rappelle que tout n’est pas terminé : « j’aimerais remercier les Liégeois pour leur comportement pendant la crise. On perçoit bien les difficultés liées à cette période : l’absence de vie sociale, la peur, les problèmes économiques, voire la perte d’un être cher ». Désormais, pour le Bourgmestre, il est temps de renverser la vapeur : « on va désormais faire en sorte que les choses soient plus faciles, dès que l’on peut. Il faut continuer, mais j’ai confiance. Revivre comme avant, mais le faire en respectant les consignes. Pour ceux qui peuvent, essayer d’aller au restaurant et au cinéma ».

Un bourgmestre reconnaissant, qui se montre aussi magnanime. Lorsqu’on lui demande ce qu’il pense des Liégeois qui se sont précipités, en nombre, pour profiter des terrasses néerlandaises à Maastricht, il qualifie leur réaction « d’humaine », préférant dénoncer le manque de concertation européenne. Mais s’il s’agit d’attraper le covid-19 à Maastricht et de le ramener à Liège, là, le Bourgmestre intervient : « ça, ce n’est pas bien ».

Un Liégeois averti en vaut deux.

Photo de couverture : D.R., (C) Jim Sumkay 2020

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Explorateur du quotidien, Clem vit sa ville entre de multiples jungles, qu'il parcourt bras dessus, bras dessous aux côtés de Kath. Reporter pour Boulettes, Le Vif et Saveurs, il profite de la vie comme on croque un fortune cookie, intensément, tout en se remémorant ce proverbe : “life is like a roll of toilet paper. The closer it gets to the end, the faster it goes”