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Dating gay en confinement - Unsplash - Charles Deluvio

Journal de bord d’un jeune gay en plein (dé)confinement

Le confinement nous a tous pris.es par surprise, et a complètement bouleversé les derniers mois: vacances annulées, travail adapté… Et dating scene drôlement compliquée -comme si elle ne l’était déjà pas assez. « Vous savez qui a aussi eu du mal à survivre ? Les célibataires qui n’ont pas été assez intelligent-e-s pour se trouver un-e partenaire afin d’avoir du sexe et des câlins à volonté! ». Chronique d’un jeune gay en plein (dé)confinement. 

Dites… les évènements de ces derniers mois sont quand même dingues, non ? Je me revois tellement le soir du nouvel an, avec ma coupette en main, en train de dire à mes ami-e-s : “ 2020, c’est NOTRE année, les gars! J’ai trop trop trop de bonnes vibes”.

Tu parles ! J’aurais mieux fait de fermer ma gueule et ne pas lancer à la vie un challenge ! Je suis vraiment désolé. J’assume entièrement la situation actuelle, mais c’est une habitude chez moi. Je parle trop et puis voilà où nous en sommes maintenant… une crise sanitaire, une crise sociale, une crise politique etc. J’aimerais vraiment retourner en arrière et nous éviter tout ça, mais c’est trop tard.

Bon, cessons les plaisanteries… Nous étions tous et toutes bien naïf-ve-s quand cette nouvelle année a commencé, et je ne sais pas vous, mais j’ai l’impression d’avoir pris 10 années dans les dents en même pas 6 mois !

Cependant, je ne suis pas ici pour vous parler de mon expérience en confinement… enfin si… mais sous un angle tout particulier. Parce que cette crise sanitaire a eu bien des retombées (économiques, sanitaires, sociales) et nous n’avons pas été préparé-e-s à l’affronter de manière efficace.

Et vous savez qui a aussi eu du mal à survivre ? Les célibataires qui n’ont pas été assez intelligent-e-s pour se trouver un-e partenaire afin d’avoir du sexe et des câlins à volonté! Et j’en fais partie, bordel! J’ai failli perdre la boule pendant ce confinement, car je ne pouvais plus arpenter les rues en quête d’un homme pour satisfaire mes désirs les plus sombres.

J’ai même tenu un journal de bord pendant ce confinement. Et dans ma grandeur d’âme, j’ai décidé de partager quelques extraits de ma longue descente aux enfers.

Lire aussi: Pas gay, la drague quand on est un jeune homosexuel à Liège

8 mars 2020 – Mon dernier plan cul avant le confinement

(je ne le savais pas encore)

Cher Journal, mon date/plan cul vient de me ramener chez moi. Quelle nuit! Finalement, j’ai bien fait d’accepter son invitation qui sortait de nulle part, car j’ai réellement passé une bonne soirée en sa compagnie. En plus, j’ai pu m’enfiler son Calippo une bonne partie de la nuit, et tu sais à quel point j’en suis fan. Bon, après, je ne te cache pas que le climat actuel m’effraie un peu, cher Journal. Les cas de COVID augmentent de jour en jour. Et je me sens un peu coupable d’avoir échangé avidement mes fluides avec ce jeune homme en sachant que je peux choper ce virus en un claquement de doigts.

Peut-être l’ais-je déjà ?. Peut-être vais-je mourir ? Oh mon dieu. Mais que vont devenir mes ami-e-s sans ma féerie et mes blagues ? Ils/elles vont certainement me suivre en se jetant dans le caniveau ! Je ne vois pas d’autres solutions. Je les imagine déjà pleurer et crier autour de mon cercueil “ pourquoi les meilleurs partent-ils toujours en premier ?”. Et je me vois déjà sur mon nuage au paradis en train de leurs donner raison, évidemment.

Non, mais quand même… je viens de prendre un sacré risque avec cette nuit de folie, tout ça pour  m’étouffer sur un pénis. Est-ce que ça en valait vraiment la peine ? Evidemment.

En plus, il veut me revoir. PARFAIT !

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12 mars 2020

Fausse alerte, il ne me donne plus de ses nouvelles lol.

17 mars 2020 – le début de la fin

Sophie Wilmès prend la parole lors de sa conférence de presse. Le confinement est annoncé. Les soirées avec les ami-e-s ? C’est fini. Les restaurants et les bars ? C’est fini. Les plans cul avec des inconnus ? C’est fini. Capri ? C’est fini aussi.

Non, mais qu’est-ce que je vais faire ? En plus, je suis coincé tout seul chez ma mère. On va se tuer avant la fin du confinement, ce n’est pas possible ! Je rêve. Oui, c’est ça, je rêve ! Je vais fermer les yeux et ma vie reprendra normalement… Bon, Sophie est toujours là. Putain, mais c’n’est pas une bonne nouvelle ça.

Ok, c’est important de respecter toutes les règles. Je n’ai pas envie de mourir bêtement, ce serait dommage. Mais… Plus de contacts humains ? Alors, oui, j’ai le droit de faire du sport avec une personne… depuis quand je fais du sport, moi ?

Pourquoi étais-je en mode “je n’ai pas besoin d’un homme, je suis un homme indépendant” ? Déjà, c’est complètement faux. Evidemment que j’ai besoin des hommes et de leur pénis pour survivre. Je le savais que j’aurais dû mettre en couple avec ce mec en novembre. J’aurais pu faire mon confinement au calme avec lui. J’aurais eu des câlins et des bisous tous les jours, car je suis comme ça… comme Lorie qui avait besoin d’amour. Pourquoi ai-je dit que je n’avais pas envie de me caser à chaque mec qui s’intéressait un peu à moi ? Monde cruel. Je suis un idiot. UN IDIOT.

17 mars 2020 – plus tard dans la soirée.

 Ok, je me suis calmé. La situation va peut-être se régler rapidement, le confinement aussi et on pourra retrouver un semblant de vie normale par la suite.

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20 mars 2020 – confinement, jour 2.

Je viens de me connecter sur Grindr car je m’ennuie. Je ne sais même pas pourquoi je reste sur ces applications alors qu’il n’y aura rien de concret pendant un petit temps. Et franchement… oh… je reçois un message. Oh… il est plutôt mignon… Et il me propose un plan cul.

Est-ce que ce mec regarde les infos ? Il me dit : “on a moins de chance de choper le COVID avec une fellation. Donc si tu ne fais que me sucer sans m’embrasser, ça devrait aller”. Je reste sans voix face à son argumentaire digne d’un rhétoricien de l’antiquité grecque.

Je lui fais quand même remarquer qu’on est en train de vivre une situation inédite et que ce serait vraiment dommage de choper un virus potentiellement mortel après une malheureuse pipe. Il me dit qu’il n’a rien et que je suis en train de rater la bite de ma vie. Inutile de préciser que ce jeune homme était très sûr de lui. Il était mignon, mais pas “mignon-au-point-où-je-risque-ma-santé-pour-toi”, si vous voyez ce que je veux dire.

Après un sermon sur l’importance de rester chez soi, je décide de ne plus lui répondre. Et cette situation est arrivée à tellement d’amis. J’en connais même qui continuent de voir des parfaits inconnus sans se soucier de leur santé ou celle de leur proche. L’humain est moche parfois.

22 mars 2020

C’est décidé, je supprime les apps de rencontres, ça ne sert à rien de toute façon.

28 mars 2020.

Bon, j’ai craqué. J’ai réinstallé Tinder car je m’ennuie. Les apéros-zoom avec les amis, ça va deux minutes, mais là, j’ai envie de discuter avec des gens, faire des rencontres virtuelles…

Jamais je n’aurais pensé être tellement en manque de contacts humains. Ca me rappelle une époque pas si lointaine où j’avais des dates avec des mecs juste “pour le fun”, pour apprendre à connaître des gens et à me nourrir de leur parcours.

Au fil des années, j’ai arrêté de faire ça, car j’ai de moins en moins de patience avec les gens. Cependant, j’en viens presque à regretter cette époque où c’était possible de rencontrer des gens comme ça, quand on le voulait. Cette pandémie nous prive de tellement de sens, surtout le toucher. Jamais j’aurais cru qu’un câlin pourrait me manquer comme ça. Et ça fait seulement quelques jours de confinement.

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2 avril 2020

 Ca fait quelques jours que je parle avec ce jeune homme qui vit à Bruxelles.

Et je me rends compte que les rencontres prennent une autre dimension depuis le début de ce merdier sans nom. Genre là, il vient de me proposer un RDV sur Skype. UN RDV SUR SKYPE… Alors, si on m’avait dit que j’allais avoir des rendez-vous galants sur Skype quand j’ai commencé cette année, j’aurais probablement ri à gorge déployée.

Bon, au moins, il innove et me montre son intérêt. Mais c’est quoi au juste un rdv sur Skype ? Déjà, quand je fais des visioconférence, je passe ma vie à regarder ma gueule sur l’écran pour être sûr que je ne fais pas des expressions bizarres avec mon visage et aussi pour être certain que j’offre une moue qui dit à la personne à l’autre bout du fil : “je t’offre un visage doux et une beauté naturelle. De rien”.

ET EN PLUS DE ÇA, je vais devoir faire attention que l’angle choisi ne trahisse pas mon double menton et mon plus laid profil, et ce en faisant gaffe à ce qu’il me raconte. Non, mais quel enfer ! Je n’aime pas du tout ce genre de rencontres.

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3 avril 2020

 Bon, au final, c’était plutôt sympa comme rendez-vous et vachement plus économique aussi. Peut-être qu’on devrait continuer à utiliser cette technique quand tout sera fini. Une semaine de date peut faire mal à ton portefeuille quand tu es un garçon facile comme moi.

Il est en train de m’envoyer des messages un peu oléolé depuis qu’il est debout. Je pense que quelqu’un a besoin de se vider les roubignoles.

Il m’appelle en FaceTime, et ce n’est pas son visage que je vois en premier mais sa verge parfaitement dressée qui me salue par écrans interposés.

Au diable mes “pas de sexe avant le mariage” ! Et me voici embarqué dans un “plan cam” avec ce jeune homme. Ca me ramène à l’époque où je réglais comme je pouvais ma vieille webcam toute pourrie sur MSN et que je m’adonnais à cette pratique avec ces jeunes hommes à qui je parlais. LE BON VIEUX TEMPS.

Au moins, celui-ci ne me propose pas quelque chose dans la vraie vie. Chaudasse et en manque, MAIS de manière responsable. Ma mère serait tellement fière de moi.

9 avril 2020

 Ca fait un mois que je n’ai plus couché avec quelqu’un. C’est ma plus longue période d’abstinence (oui, je te l’ai dit que j’étais un garçon facile… quand je suis célibataire). Et ça me manque un peu. J’envie tous ces couples en confinement ensemble… ça me déprime!

En plus, j’ai eu plusieurs couples en visioconférence depuis le début de tout ça et certain-e-s m’ont dit qu’ils/elles n’avaient rien fait depuis le début du confinement… QUOI ? QU’ENTENDS-JE ? QU’ACOUSTIQUÉ-JE ? Alors, vous êtes en train de ME dire, le mec en manque de sexe, que vous ne baisez pas depuis le début du confinement ? Quoi ? Pardon ? Mais vous ne méritez pas d’avoir un partenaire à vos côtés, mes cocos. Rendez-moi tout de suite votre carte de membre, svp. Vous n’en faites rien de toute façon. Vous me dégoûtez, bordel de merde.

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15 avril 2020

C’est marrant Tinder depuis le début de ce confinement. Les mecs dessus font réellement preuve de beaucoup d’imagination avec leur description.

Avant ce confinement, il n’était pas rare que je tombe sur des profils de mecs qui affirmaient être “sans MST”, en accompagnant cela de la date de leur dernier dépistage. Maintenant, en plus de ça, je vois des profils qui se définissent comme étant “COVID-19 free”. Et c’est marrant, parce que, parfois, tu peux être porteur sans avoir de symptômes. Du coup, comment en es-tu si sûr, Gérard ? Comment ?

Puis, je me rends compte que je flirte vachement plus que d’habitude aussi et avec plusieurs personnes en même temps. En règle générale, je suis plutôt du genre à me focaliser sur une seule personne à la fois histoire de ne pas mélanger les histoires des mecs à qui je parle (oui, j’ai une très mauvaise mémoire et ça m’est déjà arrivé de mélanger les vécus de deux personnes complètement différentes… malaise!). Mais là… vu qu’il n’y a pas de promesses, je flirte avec 7 personnes différentes pour l’instant. Je vais moins faire le malin après le confinement quand je devrais les éliminer un à un à l’épreuve du poteau. Et par “épreuve du poteau”, je pense évidemment à celui qui s’occupera le mieux de mon chorizo (oui, je suis Espagnol). Oh ça va hein! Je n’ai jamais dit que j’étais un mec pleine de grâce.

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Puis, les conversations s’éteignent vachement plus vite aussi. Nos journées sont les mêmes: “oui, je fais du télétravail (…)  Là, je regarde une série. Oui, oui, j’ai fini de lire toutes les pages de Wikipédia, donc j’entame tout le catalogue de Netflix maintenant”. Les conversations tournent souvent en rond, et sans promesses de se voir, on perd souvent patience et on arrête de se parler. C’est frustrant, mais au moins ça n’ajoute pas des personnes à la liste des gens qui s’attendent à vivre une belle histoire d’amour avec moi après le confinement.

20 avril 2020

 J’ai envie de baiser. Oui, pardon… J’ai envie de partager un moment d’intimité avec quelqu’un.

21 avril 2020

 Si je n’avais pas un pénis entre les jambes, j’aurais probablement oublié à quoi ça ressemblait.

24 avril 2020.

 Après Wikipédia et Netflix, je viens d’arriver au bout de PornhubGay. C’était long mais je vais toujours au bout des choses. Viser la lune, ça ne me fait pas peur. En plus, tu as des chances de retomber dans les étoiles quand tu fais ça. Et ça tombe bien car ces étoiles sont dans tes yeux car ton père fait de la prison pour les avoir volées. Bises.

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1er mai 2020

Je discute avec un mec qui ne vit pas loin de chez moi. Aujourd’hui, on s’est vu pour aller faire du vélo à deux (en respectant les règles de distanciation sociale, promis). Encore une chose inédite avec ce confinement… Les restaurants et les bars sont fermés, donc on essaye d’innover pour se voir. Et ça tombe bien, car on peut voir quelqu’un pour faire une activité physique. Alors, laisse moi te dire, Sophie Wilmès, que je préférerais être sous la couette plutôt que sur un vélo. Puis, offrir une vision de vieux goret qui transpire à mon date du jour, ce n’est pas vraiment le truc qui donne envie à l’autre de te revoir. Il y a mieux quand même comme première impression, tu ne penses pas ?

Un premier date à vélo. J’aurais tout vu ! Qu’on me rende les bars ! Au moins, je peux me bourrer la gueule si jamais le mec est ennuyeux. En plus, celui-ci est passionné de voitures… il m’a parlé de ça pendant presque deux heures. Et j’essayais de changer de sujet, mais il me ramenait toujours sur le chemin du fun. En plus, j’aimerais pouvoir dire que je suis devenu subitement un professionnel des 4 roues, mais je l’écoutais à moitié. Quel enfer!

20 mai 2020, (dé)confinement enclenché

Bon, j’en peux plus. Le déconfinement est enclenché. Je craque. Je vais voir quelqu’un.

20 mai 2020 – plus tard dans la journée

 J’AI GASPILLÉ MON PREMIER PLAN CUL POST CONFINEMENT POUR ÇA ? J’aimerais qu’on me rembourse, svp! Sophie, as-tu prévu une compensation financière pour les personnes déçues par leur premier plan cul post-confinement ? Au moins, pour rembourser les frais de déplacements et les dommages psychologiques.

Le mec a l’audace de venir après 2 min top chrono. Puis, il me regarde et me dit : “tu ne viens pas, toi ?”. J’étais à deux doigts de lui dire que j’étais venu dans le mauvais appartement. DEUX MINUTES. 120 SECONDES. Alors, ok, nous sommes tous excités après autant de semaines sans sexe, mais quand même !

En plus, à un moment, il a toussé. Je l’ai regardé bizarrement. La toux est devenue une arme. La toux éveille des soupçons. Mais dans quel monde vivons-nous ? Imagine… je chope le COVID-19 après le pire plan cul de ma vie. Est-ce que j’ai assez de preuves pour porter plainte ? Je vais mener mon enquête!

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Et maintenant … ?

 Ce confinement ne m’a pas fait du bien au moral. C’était assez compliqué d’être privé de tout ce qu’on considère comme acquis. Ne plus voir ses amis, ne plus faire la fête, ne plus faire de câlins à nos proches, ne plus se permettre certains plaisirs avec des mecs… c’était pas évident. Et plus d’une fois, depuis le début du déconfinement, je me dis que je suis vachement inconscient de voir quelques mecs à gauche et à droite car le virus est toujours là. Ca a vraiment changé ma façon de voir les choses et de les appréhender aussi.

Je me rends compte que je suis vachement plus prudent qu’avant et que j’essaye de ne pas multiplier les conquêtes. Au lieu de ça, je revois les mêmes personnes, histoire d’avoir un semblant de tracing. Il ne s’agit pas seulement de ma santé, mais aussi celle de mes proches. Et je n’ai pas envie de jouer avec ça.

Les pires moments semblent être derrière nous (du moins, je l’espère).

Et si jamais tout ceci doit se reproduire:

Alexandre, 28 ans. Célibataire. Typé méditerranéen. A la recherche d’un homme entre 25 et 35 ans qui sera mon partenaire de confinement.

Love,

Lexie.

Alexandre (ou Lexie pour les intimes) travaille dans le milieu de la communication et dans l’associatif LGBTQI. Passionné d'art, de culture, mais aussi d’écriture, ce Liégeois aux origines méditerranéennes aime raconter ses péripéties dans le milieu gay et partager ses coups de cœurs avec la terre entière... et ce avec toujours beaucoup d’humour et d’autodérision