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SMI-LE Liège DR Luna Daine

En mission avec SMI-LE, le Service Mobile Infirmier Liégeois

« Smile », comme le café du Carré? Non, SMI-LE, le service lancé par deux jeunes infirmières pour faciliter l’accès aux soins aux personnes sans-abris. « Parce que nous sommes tous des êtres humains.Parce qu’avoir accès aux soins de santé est un droit ». Et aussi parce qu’ainsi qu’elles le rappellent, « s’en sortir, cela commence par un sourire ». 

Ils arpentent les rues de Liège sans réel but. Une petite pièce, un cigarette ou mieux encore, de quoi manger. Entre mendier, errer et dormir dehors, leur état de santé se dégrade à la vitesse grand V. Désormais au nombre de 800 dans la ville de Liège, les sans domicile fixe se retrouvent exclus d’un système de soins de santé dont, vu leurs conditions de vie, ils ont justement grandement besoin.

Camille et Fanny, deux jeunes infirmières liégeoise, perçoivent rapidement le manque d’une équipe médicale sur le terrain. Elles décident alors de combler cet espace vide en créant le SMI-LE, le tout premier service mobile infirmier liégeois. Leur objectif ? Réduire le taux, jusqu’à présent très élevé, de morbidité et de mortalité dans les rues de la Cité ardente. Pari tenu : de concert avec les hôpitaux, les maisons médicales, les éducateurs sociaux, tous agissent dans un seul et unique but: rattacher ces personnes au système de santé duquel elles ont décroché pour de multiples raisons.

Pour mieux comprendre leur travail ainsi que leur engagement, on a accompagné les deux pourvoyeuses de SMI-LE en mission, le temps de deux après-midi. Une paire de gants, un K-way, une paire de baskets confortables et c’est parti pour une belle aventure humaine.

SMI-LE Liège DR Luna Daine

C’est de là que nous commencerons notre maraude, une étape primordiale dans le processus de rattachement des personnes SDF, puisque celles-ci permettent en effet de cartographier leur réseau. Après un rapide briefing sur le programme de l’après-midi, nous nous séparons en deux équipes afin de couvrir plus de terrain.

En compagnie de Camille, cap sur la rue Cathédrale. Très rapidement nous rencontrons Georges, en train de faire la manche.

« Je ne suis pas sans abri. En revanche, j’ai des dettes à rembourser donc je mendie afin de pouvoir manger », explique-t-il.

Une fois rassurées sur son état de santé, nous poursuivons notre parcours à la recherche de personnes ayant besoin de soins médicaux. « Avec les maraudes nous assurons la première étape. S’ensuit la coordination médicale lors de laquelle nous effectuons une remise en ordre de mutuelle, un premier contact avec les médecins, etc. » clarifie Camille. « Il reste primordial de toujours travailler au rythme de la personne ainsi qu’en fonction de ses priorités. Le but n’est pas de faire un suivi sur le long terme mais bien que la personne (re)devienne autonome. On nous qualifie souvent de lien entre la rue et les structures de santé. », ajoute l’infirmière.

14h30 : Rencontre avec Dominique, un mordu de lecture

« Lorsque l’on prend le temps de s’intéresser à eux, on remarque très rapidement que ce sont des personnes comme toi et moi », argumente Camille. Le quarantenaire nous confie bientôt pourvoir habiter l’appartement d’un ami. Jamais bien loin de son fidèle compagnon, son sac à dos, Camille en sort masques, mouchoirs et gel désinfectant pour Dominique. Pas de problème urgent pour lui, nous pouvons donc poursuivre nos recherches. Deux vagabonds en vue : Camille les interpelle.

« Ca fait deux jours que nous sommes enfermés chez une femme. Voilà qu’on en sort enfin ! » raconte l’un d’eux.

L’autre, quant à lui, se confie directement à Camille. Elle dégaine son téléphone afin de prendre rendez-vous chez le médecin pour Arnaud qui souffre de maux de dos. Bientôt parti pour une cure, le trentenaire se prend en main depuis l’arrivée de SMI-LE dans les rues liégeoise. Jack, quant à lui, reste encore sur ses gardes mais les avancées de son ami le réjouissent. Peut-être Arnaud l’aidera-t-il à en faire de même ? Juste avant de partir, ce dernier nous rappelle : « J’ai bientôt rendez-vous chez le coiffeur ! Je me réjouis ça fait longtemps. », s’exclame-t-il. Un plaisir banal pour certains, mais rare et précieux pour d’autres.

Lire aussi: 6 initiatives pour les SDF et les Liégeois.es dans le besoin

15h30 : Appel du Huggy’s Bar pour nous prévenir que l’un de nos protégés est de retour

Rassurées de savoir qu’il va bien, nous retournons là où nous nous étions rendues 20 min plus tôt déjà à sa recherche. Voilà Samuel ! Originaire de Pologne et à la rue depuis 10 ans, cet homme âgé sans papiers a une situation extrêmement complexe. Sous traitement médicamenteux très sérieux, il rencontre les infirmières du SMI-LE tous les lundis afin qu’elles lui rechargent son semainier.

L’occasion également pour elles de soigner ses plaies aux jambes, dues à la rude vie en rue. Il est 16h30 passé, mais l’heure a peu d’importance: il y a toujours quelque chose à faire. En l’occurence, aller chercher une ordonnance à la maison médicale pour un bénéficiaire qui sort tout juste de l’hôpital.

« Officiellement nous commençons à 8h30 et terminons à 16h30. Officieusement, l’horaire est bien différent. », confie Camille.

SMI-LE Liège DR Luna Daine

Mercredi 20 octobre – 13h30 : Mission SMI-LE aux Guillemins

Notre duo se transforme en trio avec l’arrivée de Vladimir, également actif dans le secteur de l’aide sociale. C’est reparti en maraude, direction les parkings ainsi que l’arrière de la gare. Chargée de sandwichs, Camille prend le soin d’en déposer devant les tentes, abandonnées par leurs occupants en journée afin d’aller mendier.

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14h30 : « On ne se rend pas compte de ce que c’est d’être à la rue avant d’y être », confie Albert. L’homme d’une quarantaine d’années est à la rue depuis une semaine. Atteint d’une cirrhose ainsi que de diabète, il n’est plus en possession d’un traitement depuis la dégringolade.

« Mon père a un cancer et mon frère est très malade. Je ne veux inquiéter personne. J’attends de remonter la pente. », explique-t-il.

Une situation qui devrait rapidement être réglée selon Camille, nécessité oblige: « il faut se dépêcher avant que la situation ne se dégrade trop. », ajoute-t-elle.

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15h30 : Intervention d’urgence

Après avoir rencontré Luc, un homme sans domicile fixe, dans un café afin de l’affilier à une maison médicale, direction le boulevard d’Avroy pour l’équipe du SMI-LE. S’y trouve David, qu’on nous a signalé comme étant fort malade. Sorti depuis une semaine d’une hospitalisation pour thrombose,  il a été déchargé sans que son traitement ne lui soit fourni, ce qui a engendré une dégradation rapide de son état de santé déjà précaire.

Après plusieurs coups de téléphone, une osculation ainsi que la venue d’une autre infirmière, les spécialistes prennent la décision de revenir le lendemain avec les médicaments. Camille confie qu’il sera néanmoins nécessaire de l’hospitaliser à nouveau, la rue n’étant pas le vraiment l’endroit idéal pour une convalescence.

« Le travail n’en finit pas, confie Camille. Et pourtant nous ne couvrons que 250 personnes sur les 800 actuellement à la rue. Nous avons besoin d’aide ».

Créé avec un système de couveuse entreprise qui permet de toucher le chômage tout en lançant son affaire, le SMI-LE doit trouver de nouveaux financements d’ici au 31 janvier 2022. « À l’heure actuelle, nous couvrons à peu près un tiers des personnes SDF qui en ont besoin. L’objectif rêvé pour la suite de notre association consisterait à étendre notre capacité de travail en embauchant des nouveaux/nouvelles infirmier(re)s. Nous-mêmes ne vivant pas encore de notre entreprise, c’est l’objectif premier pour commencer avant d’envisager de l’agrandir ».

Notamment, grâce à des dons, lesquels sont déductibles fiscalement. Si vous souhaitez envoyer un coup de pouce à ces deux jeunes liégeoise motivées, cliquez ici. Mais surtout, n’oubliez pas que « s’en sortir, ça commence avec un sourire ».

Plus d’informations sur le SMI-LE ici.

 

Étudiante en Master en journalisme, cette jeune liégeoise poursuit sa formation en rejoignant la famille Boulettes Magazine. La lecture lui dévorant son temps libre, l’écriture finit par en faire de même. Membre de la team « faire des listes c’est la vie », son objectif s’inscrit dans l’une d’elles depuis quelques années déjà : consacrer sa plume à la dénonciation d’injustices en tout genre. Mais chaque chose en son temps, d’abord, place à l’apprentissage.