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Gin liégeois

Pourquoi cette ivresse du gin à Liège

LièGin a été le premier en 2016. Mais ces deux dernières années, d’autres gins liégeois ont été lancés sur le marché. Pourquoi le gin ? Et pourquoi ne pas imaginer une recette artisanale autour du péket, plus représentatif de la Cité ardente ? Coup de sonde auprès des différents créateurs de gins liégeois.

Faites le test autour de vous. Demandez à quelques personnes de votre entourage – si possible non-liégeoises – ce qui leur vient à l’esprit lorsqu’on leur parle de Liège. Elles évoqueront probablement les fameux boulets, les gaufres, le Carré, le Standard ou encore… le péket. Sans surprise.

Et le gin, qu’on associe plutôt à l’Angleterre ou aux Pays-Bas ? Se fera-t-il, lui aussi, une petite place sur la liste des « symboles » de notre douce Cité ardente ? Plusieurs Liégeois amoureux de cette boisson spiritueuse y croient. Ou y travaillent en tout cas. Depuis 2016 et le lancement sur le marché du LièGin, trois autres gins liégeois ont pointé le bout de leur goulot : le Leodium en septembre 2019, le Hundred en juin 2020 et le Rebel One il y a quelques semaines également, en pleine crise sanitaire. Signe, s’il fallait encore s’en convaincre, que le gin reste hyper tendance. Mais pourquoi cette « passion principautaire » pour un alcool qui ne l’est pas ?

« Le gin a un côté ludique et festif. Il offre la possibilité aux gens d’être créatifs, de faire leurs propres cocktails et de les partager. Le péket a peut-être la même base que le gin, mais il a sans doute une image plus désuète, plus vieillotte », dit Romain Jans, fondateur du LièGin.

Toutes ces belles histoires spiritueuses « made in bords de Meuse » ne répondent toutefois pas uniquement à un simple effet de mode ou à une demande – bien réelle – des consommateurs. Au départ, elles ont toutes un dénominateur commun : l’amour du produit.

Un alcool moderne qu’ils apprécient avant tout

Gin liégeois

« On se voyait mal lancer un alcool qu’on n’appréciait pas », précise Tim Arimont, créateur du Leodium avec ses amis Julien Maquet et Yoan Gonzalez. « Après avoir mis un gin sur le marché, beaucoup se mettent d’ailleurs ensuite au rhum. Mais ce ne sera pas notre cas, car on n’aime pas le rhum. Tous les trois, on avait une passion pour le gin et on avait envie de faire quelque chose de local. On s’est vite rendu compte que cet alcool offrait plein de possibilités créatives différentes et qu’on pouvait apporter notre touche personnelle, en proposant un produit qui sort des sentiers battus. »

Résultat : après un an de réflexion, de préparation et de contacts avec divers acteurs locaux pour la distillation, la diffusion ou encore le packaging, les trois jeunes étudiants sortent le Leodium (qui signifie Liège en latin), un gin local et bio, à base de figues, de rhubarbe et de lavande. 2000 bouteilles ont été écoulées au cours des neuf derniers mois, en province de Liège, mais aussi du côté de Namur et de Bastogne. Pari réussi, malgré le Covid et les études à mener en parallèle.

« On est tous les trois aux études, on ne peut donc pas consacrer tout notre temps au gin », précise Tim. « La suite ? On a une branche évènementielle qu’on aimerait développer pour les mariages ou les anniversaires, mais dans l’immédiat, on vise surtout à pousser notre produit à fond, car il n’est pas encore assez connu. On va y aller par étape, on ne veut pas être une machine à gin. »

Séduit par la « plus vieille recette du monde »

Son de cloche identique du côté de la team Hundred Gin. Là aussi, c’est « l’amour du gin » et l’envie d’entreprendre entre amis qui ont poussé Fred Perin et Marvin Lizein à créer un spiritueux original, concentré sur la vanille, une touche de pastèque, un zeste de citron et du concombre. « On s’est toujours dit, Marvin et moi, qu’on bosserait ensemble. Et on avait cette idée de créer notre propre marque d’apéro. On voulait faire quelque chose de sucré et de frais pour l’été. Personnellement, j’aimais déjà le gin à la base, mais je l’ai encore plus apprécié lors d’un séjour à Amsterdam, où j’ai goûté la plus vieille recette du gin du monde. Je me suis dit qu’il y avait un truc à aller chercher avec cette boisson, à l’échelle liégeoise. »

Et cette déclinaison ardente repose sur un concept d’édition limitée : 300 bouteilles gravées à la main et porteuses d’un numéro différent. « Le client peut choisir son propre numéro entre 1 et 300, ce qui rend sa bouteille unique. On s’était laissé un délai de deux mois, mais toutes les bouteilles sont parties en 10 jours ! On travaille à présent sur une autre recette, toujours avec un côté vanillé, qui devrait sortir cet automne. Et en 2021, on devrait aussi dévoiler une édition illimitée », glisse encore Fred Perin.

Une réflexion accélérée par le Covid

Gin liégeois

Autre nouveau venu sur le marché du gin, le Rebel One intègre la gamme de produits de la marque Principauté de Liège, connue notamment pour ses champagnes à l’appellation d’origine contrôlée « Grand Cru ». Un gin bio qui valorise surtout la cerise de notre terroir, « car elle est de top qualité en Hesbaye et dans le Condroz ». Et qui semble lui aussi avoir trouvé son public à Liège, Namur ou encore en région bruxelloise puisque, trois semaines après son lancement, le Rebel One était déjà en rupture de stock.

« Quand on a lancé la marque Principauté de Liège il y a 5 ans, le gin était aux oubliettes », se souvient Philippe Jacquemin, co-fondateur de la marque avec Pierre Henkin. « Puis on a vu débarquer Romain Jans avec le LièGin. Petit à petit, il a fait son trou, il s’est ajouté à nos évènements et on a vu qu’il prenait de plus en plus de place sur le marché. Il faut d’ailleurs lui rendre ce qui lui revient, car c’est lui qui nous a fait réfléchir. On l’a observé avec beaucoup d’intérêt pour ensuite élargir notre gamme de produits et y inclure le gin. Quand on s’est senti mature sur le sujet, on s’est dit qu’il était temps de lancer un gin bio 100% terroir, un produit bien travaillé. Et le Covid a accéléré notre réflexion, car le champagne est lié aux mariages, aux évènements… Avec le gin, on est plus sur de la consommation privée. »

« Liège, un puits de créativité extraordinaire »

On le voit, la « folie » ou l’ivresse du gin à Liège – appelez-la comme vous le voulez – repose sur un savant mélange de passion du produit, d’entrepreneuriat, de savoir-faire régional et, bien sûr, de demande et de satisfaction du consommateur. Car, au final, c’est tout de même lui qui a le dernier mot. Et peu importe que le spiritueux choisi ait plutôt une consonance anglo-saxonne ou batave que principautaire.

« Les gens doivent savoir qu’on peut faire un spiritueux de qualité chez nous, avec nos richesses locales », conclut Philippe Jacquemin. « L’histoire de tous ces gins liégeois montre en tout cas que Liège est un puits de créativité extraordinaire, ce qu’on a tendance à oublier ou à sous-estimer. On est désormais quatre sur le marché, mais on peut tous coexister, car chaque gin a sa propre identité. On se complète, en affichant chacun notre appartenance à notre région. »

Et finalement, pourquoi choisir quand on peut se faire plaisir (avec modération, bien sûr) tout en portant haut les couleurs de la Cité ardente ? Allez, santé et longue vie aux gins liégeois !

Crédits photos : D.R., Leodium, D.R., Studio 981.

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Quand il vivait à Bruxelles, on l'appelait le "Liégeois" et personne ne comprenait son chauvinisme pour cette ville de Liège qu'il défendait avec un brin de mauvaise foi. Désormais, il est revenu chez lui, en Cité ardente. Ancien journaliste au quotidien L'Avenir, il a rejoint l'équipe de Boulettes pour combiner deux éléments qui lui tiennent à cœur : l'écriture et la valorisation de sa ville sous toutes ses facettes dans un webzine 100% liégeois.