Kaillou, pierre de taille de la gastronomie liégeoise

https://www.instagram.com/kaillou_restaurant/

août 7, 2023

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Nouvel arrivé dans le paysage gastronomique liégeois, Kaillou est un délicieux hybride de gastronomie française et de saveurs chinoises, reflet des origines de son couple de propriétaires, qui fait souffler un vent de renouveau bienvenu sur la fine cuisine principautaire.

« On a réservé à 19h30, ce n’est pas trop tôt pour vous, vu le trajet? » s’enquiert avec prévenance la matriarche de la tribu de gourmets réunie chez Kaillou à son initiative.

C’est que ce restaurant à l’ambiance conviviale n’est liégeois qu’au sens provincial du terme, puisque pour s’y attabler, il faut se rendre à Villers-le-Bouillet, à une trentaine de minutes de route du 4000. Qu’à cela ne tienne: le jeu en vaut (largement) la chandelle, et ce relatif éloignement géographique a l’avantage de préserver l’établissement des écueils dans lesquels finissent souvent par tomber ceux du centre-ville, contraints de gonfler leurs prix pour suivre la hausse des loyers – ou de refuser des dîneurs pour cause de tables prises d’assaut.

Ici, rien de tout ça, et c’est dans une charmante maison moderniste aux faux airs de paquebot que l’on embarque pour une soirée de découvertes gustatives.

Comme chez eux

À l’origine de l’établissement, auquel il a donné son surnom, on retrouve Qiu Yikai, alias Kaillou, Liégeois d’origine chinoise, et sa compagne, rencontrée sur les bancs de l’Uliège, logopède de formation en pleine reconversion (réussie) dans le divin domaine du vin.

C’est en effet elle qui fait office de sommelier dans ce restaurant qu’ils ont rêvé ensemble et installé dans une maison qu’ils habitent aussi, pour pouvoir avoir des horaires mieux adaptés à l’éducation de leur fille.

Et si, à l’heure d’écrire ces lignes, elle combine activité de logopède en journée et service en soirée, elle ne montre aucun signe de fatigue, au contraire, même: l’enthousiasme avec lequel elle décrit les vins (judicieusement choisis et très généreusement servis) de la sélection est communicatif, même pour l’auteure de cette article, qui ne boit plus d’alcool mais s’est tout de même délectée de cette présentation, ainsi que de la pétillante sélection de boissons non alcoolisées proposée – ne manquez pas l’ice tea maison, rafraichissant à souhait.

Au menu ce soir-là?

Mises en bouche
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Tartare de truite / radis
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« Inspiration du chef »
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Pêche du jour / pois gourmands / curry
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Rouleaux de printemps / légumes d’Armand
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Boeuf / asperges / ail noir
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Fraise / litchi / baies roses
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Rhubarbe / yaourt

Une symphonie en huit temps proposée au prix (presque incroyablement démocratique comparé à ceux pratiqués ailleurs) de 79 euros, la version 5 services étant, elle, à 59 euros.

Saucés comme jamais

Les mises en bouche, comme un clin d’oeil à Samin Nosrat, jouent chacune sur une saveur, entre sucré, salé, amer, acide et umami, certaines étant plus réussies gustativement que d’autres mais toutes étant extrêmement esthétiquement plaisantes et ouvrant le bal avec panache, les flocons de bonite dansant littéralement sur leur flanc salé en attendant d’être mangés.

En première entrée, le combo tartare de truite et radis ne surprend pas vraiment, mais ne déçoit pas pour autant: regretter que ce mariage réussi et ô combien estival apparaisse à la carte serait comme se refuser le plaisir de combiner pain de seigle et beurre salé « parce qu’on les a trop vus ensemble ». Une hérésie gustative!

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D’autant qu’ainsi que Kaillou (le restaurant, mais aussi et surtout le chef) le prouve avec son « inspiration », superbe carpaccio de scampi nageant sur une sauce d’une complexité folle, ici, on en prend plein les papilles.

À un poisson cuit à la perfection et accompagné d’un curry qu’on finit en sauçant goulûment l’assiette sans la moindre gêne, succèdent des rouleaux de printemps rafraîchissants, version salée (et agréable au possible) du trou normand, puis un boeuf lui aussi cuit avec maestria, fondant à souhait et accompagné d’un jus à l’ail noir dont on s’assure de ne pas perdre la moindre goutte, quitte à sacrifier un peu de dignité au passage en les récupérant d’un index gourmand.

Parenthèse enchantée

Seul (petit) reproche dans ce qui est du reste un sans faute: avoir cédé aux sirènes du désormais galvaudé duo « pré-dessert + dessert », d’autant que ce dernier, plutôt quelconque, était loin d’être à la hauteur de la proposition sucrée qui l’avait précédé, merveille de fraîcheur et de saveurs, le poivre rose faisant chanter litchies et framboises et encanaillant leur charme délicat.

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Mais qu’à cela ne tienne, la perfection n’existe pas, tout le monde le sait, et il faut bien avoir un petit os (ou plutôt, un yaourt à la rhubarbe) à ronger.

D’autant que ce dernier, noyé par un des Irish Coffees les plus généreusement servis ever, est vite oublié. On quitte Kaillou repus, réjouis de la découverte, et avec un seul regret: que le restaurant ne soit pas plus proche de Liège. Même si, en toute honnêteté, cet éloignement, qui contribue à l’effet « parenthèse enchantée, est probablement aussi un des ingrédients de son succès… Peut-être que pierre qui roule n’amasse pas mousse, mais ce Kaillou-là est appelé à décrocher les étoiles.