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Attentat consulat Italie

« Scènes de crimes », un siècle de photographie policière à Liège

Quand on a entendu parler de la sortie d’un livre reprenant des photos de scènes de crimes liégeoises, notre curiosité morbide a été titillée. Et, à moins que vous n’ayez jamais été captivés par « Les histoires extraordinaires de Pierre Bellemare » à la télé ou lu un livre de Philippe Boxho, nous sommes convaincus que vous auriez été tout autant intrigués que nous ! Mais, loin de proposer un recueil de photos macabres, cet ouvrage nous offre plutôt une vue sur l’apport de la photographie dans le travail de la police, l’évolution de la médecine légale ou encore la modification du paysage urbain de Liège.

Nous sommes le 31 octobre 2018. Dans le cadre de sa mission pour les Archives de l’État, Laurence Druez rend visite à la Police scientifique de Liège. C’est là, au cœur des entrailles du Palais des Princes-Évêques, que le commissaire Pierre Simon lui fait découvrir un véritable trésor historique.

Dans une petite salle encombrée des archives se dresse une immense armoire, allant du sol au plafond. Sur ses nombreuses étagères dorment des milliers de boîtes en carton. À l’intérieur de celles-ci, environ 100.000 plaques photographiques dont les premières remontent à 1923.

Accompagnant ces clichés, plusieurs registres manuscrits répertorient chaque élément, lui apportant une description, une date ou encore un contexte. Laurence Druez comprend alors qu’elle a face à elle une des plus exceptionnelles sauvegardes de travail d’enquête forensique.

Déménagement à Vottem oblige, la Police scientifique ne peut hélas pas conserver ces archives. Quelques mois plus tard, le 1er avril 2019, une partie importante de cette collection est donc transférée aux Archives de l’État à Liège. C’est le début du projet Scènes de crimes !

Attentats, crimes et (jardin) botanique

En parcourant en détails ce corpus photographique, Laurence Druez et son collègue Xavier Rousseau sont alors frappés par la diversité des sujets et des thématiques : portraits individuels (suspects, agent judiciaire, magistrat) ou de groupes, empreintes digitales, états des lieux consécutifs à un accident d’automobiles, clichés des victimes (à la morgue, sur une table d’autopsie ou sur les lieux de leur homicide), reconstitutions, pièces à convictions, accidents de la circulation et même des essais photographiques de la part de la police. Grâce aux registres, ils parviennent à donner du sens à tous ces clichés.

« Cet intérieur totalement sens dessus-dessous n’est pas un bâtiment abandonné, mais le résultat de l’attentat contre le consulat d’Italie, rue Maghin, le 22 août 1928. Quant à cet homme moustachu d’apparence banale, il s’agit en fait du suspect du meurtre d’un certain Nestor Delhaize à Sclessin, qui sera plus tard condamné en Cour d’assises ».

Cette incroyable collection photographique permet aussi, à une époque où les seuls intérieurs photographiés sont ceux des bourgeois via leurs portraits, de découvrir l’intimité de « monsieur et madame tout le monde » (conditions de vie, mobilier, équipements, aménagement, décorations, etc.).

En un mot comme en cent, c’est une véritable immersion sociologique dans la vie liégeoise entre 1923 et 1988.

Les Experts : Liège

La tâche la plus ardue débute alors : faire la sélection des photos qui seront utilisées pour constituer Scènes de crimes.

Afin d’y arriver, le tri a lieu sur une base thématique avec la volonté de mettre en avant la diversité des exploitations possibles de cette collection. Des experts des différents domaines concernés sont ensuite contactés pour donner vie à cet ouvrage collectif.

Celui-ci est divisé en deux parties. La première traite de la photographie comme moteur de la police scientifique et revient en détails sur l’histoire de cette unité spécialisée, notamment via ses grandes figures. Une belle façon de mettre en avant ces collaborateurs de la police qui ne représentent que 1% des effectifs !

Quant à la seconde, elle revient sur l’évolution de la médecine légale (âmes sensibles s’abstenir), les crimes et épreuves du quotidien ou encore l’urbanisme liégeois et les accidents de la route.

Le poids des mots, le choc des photos

À la lecture de Scènes de crimes, on ressent toute la passion des experts et leur envie de nous la communiquer. C’est un ouvrage immensément riche et fouillé qui nous offre une vision de Liège entre 1923 et 1955 sous divers prismes (évolution de la photo, l’urbanisme de la ville, les actualités, etc.).

Les photos sont tantôt glaçantes (comme celles des cadavres ou des reconstitutions), tantôt surprenantes (que fait cet employé de la police scientifique couché par terre à contre-jour dans son laboratoire ?), mais toujours à propos et fourmillent de détails qui ressortent particulièrement bien en noir et blanc.

Sachez d’ailleurs qu’avec l’énorme quantité de clichés récoltés, Laurence Druez et Xavier Rousseau ont évidemment la matière nécessaire pour (au minimum) un second ouvrage sur, par exemple, l’immigration, la mode vestimentaire voire l’évolution des modèles de voiture. De quoi titiller à nouveau la curiosité des amoureux de notre belle cité.

Infos pratiques :

Scènes de crimes : La photographie policière, témoin de l’enquête judiciaire, Laurence Druez et Xavier Rousseau, Éditions Racine, 34,95 €. Plus d’infos ici.

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Liégeois de naissance et de cœur, Colin est du genre à se demander s’il y a vraiment du lapin dans la sauce et pourquoi le mélange grenadine-orangeade s’appelle un Liégeois. Il a rejoint Boulettes Magazine avec l’envie de partager ses interrogations du quotidien sur la plus ardente des cités, convaincu que Liège n’a pas encore dévoilé tous ses mystères !