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Vert ardent veut normaliser l'allaitement en public à Liège DR Canva

Vert Ardent veut normaliser l’allaitement en public à Liège

Récemment, une maman attablée au Cup Pasta de la Médiacité a eu la mauvaise surprise de s’en faire sortir quand elle a voulu donner à manger à son bébé. Une réaction encore trop souvent suscitée par l’allaitement, et contre laquelle Vert Ardent veut lutter par le biais de deux mesures proposées au prochain conseil communal. 

Soit, concrètement, l’installation d’infrastructures du type banc d’allaitement et de change, mais aussi la mise en avant du label permettant aux établissements de l’Horeca d’indiquer que les femmes allaitantes y seront toujours bien accueillies. Une interpellation pensée en duo par les conseillères Véronique Dembour, médecin ayant milité dans le groupe pionnier SOS Allaitement, et Laura Goffart, jeune maman elle-même confrontée aux périls de l’allaitement en public.

Prudente, cette dernière veille à insister sur le fait que « les mamans ne parviennent pas toutes à allaiter ou préfèrent parfois tout simplement donner le biberon. C’est très bien aussi ». Mais pour celles qui peuvent allaiter et font ce choix, « force est malheureusement de constater que les obstacles sont nombreux dans l’espace public ».

« C’est d’autant plus regrettable que, quand il est possible et souhaité, l’allaitement est recommandé par l’OMS pendant 6 mois à 2 ans et que le chiffre de 80 % des bébés wallons allaités à la naissance s’effondre très vite pour atteindre environ 25 % à 4 mois dans la province de Liège. Il faut absolument pouvoir permettre des mesures, du soutien et de la sensibilisation à l’égard non seulement des personnes allaitantes, mais aussi de la société pour banaliser, normaliser et rendre cela plus facile » enjoint la conseillère communale.

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Laquelle, joignant le geste à la parole, répond à nos questions en allaitant sa fille de quelques mois. « Certaines femmes sont très à l’aise à l’idée d’allaiter en toutes circonstances et c’est une très bonne chose, souligne la jeune femme. Mais ce n’est pas le cas de toutes les femmes et c’est bien compréhensible : le rapport au corps, la pudeur, la crainte des remarques et regards déplacés, la culture, etc. sont tous des éléments qui peuvent freiner ». Et autant de raison d’instaurer des safe spaces à Liège, d’autant qu’ainsi qu’elle le fait remarquer, « à un certain âge, les bébés ont tendance à se déconcentrer très vite en cours d’allaitement. Avec de tels safe spaces, ils pourraient rester dans une bulle propice à la pratique de l’allaitement ».

Valeur ajoutée pour tou·te·s

Pour les mamans qui allaitent et les bébés, d’accord. Mais ainsi que ne manquerait pas de le faire remarquer votre tonton Roger, qui est du genre à commencer ses phrases par « je ne suis pas raciste/sexiste, mais… », ça ne concerne qu’une toute petite partie de la population liégeoise, alors pourquoi est ce que « nos impôts » serviraient à financer ça?

« Ces espaces apporteraient une valeur ajoutée pour la société dans son ensemble. Il est grand temps que tout le monde se rende compte que l’allaitement n’a rien de déplacé ni de sexuel. Il nous arrive à toutes et tous de manger et de boire dans l’espace public. Précisons néanmoins que ce n’est pas parce que de telles infrastructures existaient que l’allaitement en public devrait se limiter à ces seuls espaces. Les mères doivent avoir le choix : allaiter ou non, allaiter en public ou non, allaiter dans des espaces spécifiquement prévus ou non. Tout l’espace public doit être propice à l’allaitement, et chaque initiative peut y aider. « L’allaitement partout, tout le temps » doit être le leitmotiv » martèle encore Laura Goffart.

Pour qui, « plus il y aurait de bancs d’allaitement, mieux ce serait évidemment. Ils auraient de l’intérêt partout, mais je pense par exemple aux parcs, puisqu’ils sont très fréquentés par les familles, mais aussi aux endroits stratégiques très fréquentés. Pour partir de ma propre expérience, il m’est arrivé plusieurs fois d’allaiter mon bébé sur la place Cathédrale et cela m’a permis de constater à quel point les infrastructures n’y sont pas propices, en plus des regards désagréables auxquels j’ai eu droit ». Et sa cheffe de groupe d’abonder dans son sens.  « À l’heure actuelle, l’espace public n’est pas toujours adapté à l’allaitement, entre manque d’infrastructures adaptées, imprévisibilité, regards ou remarques déplacés… Certaines mères allaitantes se contraignent de ce fait à réduire leur allaitement voire à l’arrêter complètement, ou à rester chez elles. Or l’OMS et les professionnels de la santé s’accordent sur l’importance d’un allaitement d’au moins six mois quand c’est possible et souhaité » rappelle pour sa part Caroline Saal, cheffe de groupe Vert Ardent et elle-même jeune maman.

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Qui souligne les exemples donnés par des villes telles que Courtrai et Bruxelles, « qui ont toutes deux mené une campagne en partenariat avec Elvie, une marque de femtech, pour mettre à disposition un banc d’allaitement qui comprenait également un espace de change des bébés. Ces villes et d’autres mettent également en avant un label permettant aux établissements de l’Horeca d’indiquer que les femmes allaitantes y seront toujours bien accueillies. La ville de Lyon a quant à elle été jusqu’à installer une infrastructure permanente à l’issue d’un concours destiné à des étudiants. Ces infrastructures permettent de faire d’une pierre deux coups : elles facilitent la vie des mères allaitantes et attirent l’attention du public sur le sujet tout en le normalisant ».

Liège bastion de l'allaitement en public Unspash

« Nos corps sont politiques. Je connaissais déjà les tabous liés aux maladies gynécologiques puisque je souffre d’endométriose, je constate aujourd’hui en tant que jeune mère tous les diktats qu’on impose aux mères : on tait tous les aspects difficiles du post-partum, on les incite à ne pas allaiter en public et à cacher leurs seins… Les tabous sont encore beaucoup trop nombreux et il est temps que cela cesse » affirme encore Laura Goffart.

Pour qui il faut « cette question dans un combat féministe plus large de lutte contre la tendance à vouloir cacher le corps des femmes cisgenre, à le taire, tout en le sexualisant à l’outrance. Il ne faut pas forcément voir dans les seins un attribut sexuel, il faut aussi les voir comme un moyen d’alimentation des bébés. Il n’y a aucune raison que les mères allaitantes ne puissent pas allaiter sereinement leur enfant en public alors que les hommes peuvent se balader tétons à l’air dans bien des circonstances ». Dévoilez ce sein que je ne saurais ne plus voir? C’est Molière qui serait fier.

Journaliste pour Le Vif Weekend & Knack Weekend, Kathleen a aussi posé sa plume dans VICE, Le Vif ou encore Wilfried, avec une préférence pour les sujets de société et politique. Mariée avec Clément, co-rédacteur en chef de Boulettes Magazine, elle a fondé avec lui le semestriel SIROP, décliné à Liège et Bruxelles en attendant le reste du pays.