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Vis ma vi(ll)e: Marina, 27 ans, prostituée rue Varin.

En ce jour pluvieux de mars où je l’ai rencontrée, le déshabillé bleu électrique de Marina attirait tous les regards dans la grisaille ambiante. Une longue chevelure brillante, des courbes affolantes, Marina a tout de la bombe latine, et pourtant, la jeune femme est originaire de Roumanie. 
A 27 ans, un an seulement nous séparent, mais cela fait déjà 7 ans que Marina vend son corps. 
D’abord méfiante, elle m’a très vite ouvert la porte du boudoir où elle accueille ses clients. Avant de me raconter sa vie avec une franchise désarmante et un sourire éclatant.
 Pute, d’accord, mais certainement ni victime ni soumise. 
 » Je suis tombée dans le milieu de la prostitution par amour. J’avais un petit copain en Roumanie qui m’a convaincue de venir en Espagne avec lui. J’ai d’abord un peu travaillé comme serveuse, puis il m’a encouragée à me lancer dans la prostitution. Pendant deux ans, ça a été l’horreur.
Les Espagnols que j’ai rencontrés étaient des vrais porcs. Là-bas, il n’y a pas de vitrines alors il faut démarcher le client. Ils en profitent, ils se frottent à toi. Ils prennent ce qu’ils peuvent gratuitement. 
Moi j’ai une règle : je déteste que les clients me touchent la poitrine. Et pas question de faire quoi que ce soit sans préservatif. Quand je travaillais en Espagne, j’envoyais de l’argent tous les mois à mon copain en Roumanie. Quand je me suis rendue compte qu’il me trompait, j’ai pris un billet d’avion, j’ai tout cassé chez lui puis je suis partie. Il ne pouvait rien dire : c’était moi qui avais tout payé ! 
Après, j’ai décidé de venir en Belgique. Je n’en pouvais plus de ces Espagnols ! 
Ici, je me sens en sécurité. Je paie un loyer pour avoir le droit de me prostituer dans cette vitrine, mais je n’ai pas de mac, je suis mon propre patron !
Ca me coûte 2000 euros par mois pour travailler ici, tout le reste c’est pour moi. Pour 50 euros, le client a droit à 15 minutes avec moi. Une pipe, et une position, rien de plus. 
Si je ne veux pas faire quelque chose, je le dis direct, et ils le respectent. Si ils sont irrespectueux, je serre les dents, mais quand c’est fini, plus question de les revoir !
Ils pourront venir toquer à la porte, je ne leur ouvrirai pas !
Parfois, c’est vraiment dur. Il y en a certains qui ont l’air propre sur eux, ils s’arrosent le cou de parfum, mais quand ils se déshabillent, ils sont tout crasseux ! L’horreur ! 
Depuis qu’il y a les travaux, il y a moins de clients. Tant mieux : à force, parfois j’ai envie de les étrangler ! 
On voit de tout rue Varin. Des policiers patrouillent régulièrement le quartier. Certains nous matent beaucoup plus que les gens qui viennent trainer ici pour se rincer l’oeil.
Il y a des gamines qui viennent se poster devant les vitrines pour nous insulter. Elles ont quinze-seize ans, elles viennent nous cracher dessus et puis quand je sors dans le Carré, je les vois en train de sucer un mec en échange d’une bière. C’est qui la pute alors? 
Si je veux être honnête, je n’aime plus ce que je fais. Parfois, j’ai envie de vomir. 
Mais ça a ses bons côtés: je pars en vacances trois ou quatre fois par an. Je vais voir ma famille en Espagne ou en Roumanie. Ils ne savent pas ce que je fais: je n’ai pas envie de me faire égorger! Je leur ai dit que je travaillais toujours dans l’Horeca, ils n’ont pas besoin de savoir la vérité. 
Ca fait quelques années que j’ai un nouveau petit ami. Au début, il n’était vraiment pas content, il voulait que je change de métier…Mais moi je lui ai dit: « qui va me donner de l’argent alors, toi?! »
Je gagne bien ma vie, je peux profiter. J’habite en Bavière, un appartement au dixième étage. 
Je travaille tous les jours, mais je décide de mes horaires. 
Quand je ne travaille pas, je suis chez moi et je profite de la vue depuis ma terrasse. 
Je vois toute la ville, c’est le bonheur. « 

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