Boulettes Magazine

Le magazine gourmand de découvertes
TOP
Maxence Louis ouvre Baci au théâtre de Liège DR Boulettes Magazine

Avec Baci, Liège s’offre un resto comme à Paris

Cadre, attention, service, atmosphère, et puis surtout, cuisine: avec Baci, dernier projet gustatif à investir la scène du Théâtre de Liège, la ville s’offre un resto digne des tables les plus courues de Paris. Et offre à son jeune chef, Maxence Louis, un projet à la hauteur de ses ambitions. 

Il y a ici quelque chose de l’irrésistible intentionnalité des adresses parisiennes branchées, le sentiment qu’aucun détail n’a été laissé au hasard et que le plaisir, le vôtre, est la préoccupation principale de vos hôtes. Il y a aussi quelque chose de la cuisine sensuelle, espiègle et précise d’Alberto Gipponi dans le nouveau projet de Maxence Louis, à qui on doit déjà la regrettée Osteria Bacetto, à Verviers, ainsi que l’arrivée des smash burgers à Liège avec Spratchie’s. À trente ans à peine, celui qui est littéralement tombé dans la marmite quand il était petit ouvre sa troisième adresse, celle qui lui ressemble le plus et pour laquelle il imagine les scénarios les plus audacieux.

Lire aussi: Deux restos de smash burgers arrivent à Liège

Avec son Baci, posé en joyau dans l’écrin du théâtre de Liège, le jeune chef offre une scène nécessaire et bienvenue à une vision de l’Horeca qui manquait résolument à la Cité ardente. Futile et essentielle, surprenante et solide, inventive et classique, et surtout, follement sexy, l’adresse évoque le lustre de la Ville Lumière, et pas seulement parce que les hauts plafonds moulurés de la salle ont un je-ne-sais-quoi d’Haussmann.

Baci théâtre de Liège Maxence Louis gastronomie italienne DR Boulettes Magazine

 

Trop longtemps cantonné à un second rôle de cantine certes chic mais indissociable des impératifs des spectateurs, servis à table dans les délais impartis par une variété de traiteurs, feu le Balcon de l’Emulation, entre autres incarnations, fait peau neuve. Et ne se contente pas seulement de changer de nom, de chef et de carte, mais modifie son ADN tout entier: si vous voulez vous attabler ici avant d’aller admirer l’une ou l’autre pièce, grand bien vous fasse. Mais si pour vous, le repas est le spectacle, sachez que vous êtes aussi à la bonne adresse. 

Détails essentiels

Et le show ne se fait pas prier pour commencer. Dès l’arrivée dans le décor élégant et feutré du restaurant, où l’équipe évolue avec une assurance discrète qui surprend agréablement dans un si jeune établissement, le ton est donné avec l’arrivée à table du chariot à apéritifs tiré par Jonathan Lopez, acolyte de longue date du chef et mixologiste renommé. Lequel, s’il propose évidemment la coupe de bulles à laquelle le cadre invite, invite aussi et surtout à se laisser tenter par la boisson emblématique de la maison, le negroni, à savourer dans sa version classique ou bien personnalisé pour chaque client.

C’est évidemment à cette version « tailor made » qu’on succombe, et grand bien nous en fait. À l’aide d’un assortiment de distillats, essences et autres huiles maison qu’il fabrique à l’aide des herbes, champignons et baies qu’il récolte lui-même en forêt, Jonathan propose deux versions du célèbre cocktail italien, chacune adaptée aux goûts et aux envies d’un public captif. D’un côté de la table, le poison emblématique du baron éponyme se pare de thym et se révèle plus frais que jamais, tandis que de l’autre, il signe une ode à l’umami grâce à de l’huile de sésame maison et de la feuille de nori torréfiée.

La boisson parfaite pour accompagner ce que le chef nomme humblement des « cichetti, comme à Venise », mais qui, en guise de petites bouchées salées habituellement grignotées en accompagnement d’un spritz, se déclinent ici en une superbe tartelette aux champignons et à la crème de grana padano, ainsi que des « olives au martini », une illusion gustative exquise dont le souvenir perdure longtemps après la cuillère engloutie.

Baci théâtre de Liège Maxence Louis gastronomie italienne DR Boulettes Magazine

À ce stade du spectacle, quelques gorgées et bouchées extatiques peuvent être source d’autant de joie que d’angoisse: le reste sera-t-il à l’avenant? L’équipe parviendra-t-elle à maintenir un tel niveau de qualité plusieurs services durant? Mais au Baci de Maxence Louis, le niveau d’intentionnalité qui transcende chaque détail ne laisse aucune place à l’hésitation: on va avoir bien bon. Comment pourrait-il en être autrement à une table où les verres ont une perle en verroterie de couleur différente pour que l’équipe puisse les remplir d’eau plate ou pétillante sans interrompre le flot de la conversation des dîneurs en leur demandant leur préférence?

Bons baisers de Liège

Et de fait, chaque service apporte son lot de « oh » et de « ah » enthousiastes. Guidés par un menu aux intitulés que le chef veut volontairement lacunaires, afin de laisser place à l’imagination et à la surprise, les privilégiés attablés dans la salle de Baci ce soir-là ont ainsi reçu en première entrée une panzanella revisitée, sublimant les dernières tomates de saison dans une assiette pensée comme une ode à l’été. En deuxième entrée, c’est l’été indien qui vient chatouiller les papilles à l’aide de tortellini à la purée de céleri rave, relevés d’accords de céleri branche, de pomme et de noisette « pour le côté torréfié ».

Bien que n’ayant lui-même pas d’ancêtres sur place, la cuisine italienne a toujours botté Maxence Louis, qui l’a découverte au sein des divers établissements où cuisinait son père. Et a tenu à décliner chez Baci ce qu’il perçoit comme les « quatre temps » de cette cuisine dont il célèbre le choix d’un plat de pâtes en deuxième entrée pour mieux laisser le plat respirer sans l’ajout d’un féculent obligé.

« Ce qui me plaît dans la restauration, c’est de kiffer, de traîner à table, de goûter plein de choses » s’enthousiasme le jeune chef.

Et on ne peut que lui donner raison tant il est agréable d’étirer le temps et les services dans la lumière tamisée qui se dégage de chaque table du Baci, comme autant de saynètes disséminées dans la salle. Servi dans des coupes que n’auraient pas reniées vos grands-parents lors d’un banquet familial, l’entremet à la mélisse vient taquiner le palais et le préparer à l’opulence qui l’attend. Ballantine de volaille aux trompettes de la mort, « pomme d’amour » si jolie qu’on hésite à la casser de sa fourchette et petits fours: les portions sont aussi généreuses que le service, tant et si bien qu’on en vient à se demander comment il est possible de proposer les sept services de ce « menu en quatre temps » pour 45€ seulement.

Baci théâtre de Liège Maxence Louis gastronomie italienne DR Boulettes Magazine

Baci théâtre de Liège Maxence Louis gastronomie italienne DR Boulettes Magazine

La réponse? Grâce à une équipe de jeunes passionnés qui ne compte ni son temps, ni son investissement, déterminée à se donner les moyens des ambitions qu’elle a pour cet endroit qui s’offre ainsi enfin une adresse à la hauteur de son cachet. Et Maxence, qui revendique le recours à des techniques de pointe « pour offrir aux clients un rendu bluffant avec des produits qui restent financièrement accessibles » de confier envisager la possibilité de décliner un jour un menu en huit services, « pour pouvoir (s’)exprimer encore plus en cuisine ».

En attendant, l’équipe prépare l’ouverture imminente de ce qui promet d’être un des bars les plus prisés de la ville de l’autre côté de la cloison moulurée de Baci. Et accueille avec un enthousiasme rafraîchissant les commentaires effusifs de ses convives. Quand on lui dit à quel point sa cuisine est sexy, Maxence Louis s’anime et partage, un sourire contagieux aux lèvres, que c’est toujours le rendu qu’il exhorte son équipe à chercher en cuisine. S’il faut en croire les mines transies des couples dispersés dans la salle ce soir-là, c’est plus que réussi. Et qu’il se joue en quatre, sept ou huit services, le spectacle mis au point chez Baci est un de ceux dont on prédit qu’ils vont se jouer longtemps à guichets fermés.

Baci

Place du Vingt Août 16, 4000 Liège / Du mercredi au samedi de 12h00 à 14h00 et de 19h00 à 21h00

Site internet  / Instagram

Journaliste pour Le Vif Weekend & Knack Weekend, Kathleen a aussi posé sa plume dans VICE, Le Vif ou encore Wilfried, avec une préférence pour les sujets de société et politique. Mariée avec Clément, co-rédacteur en chef de Boulettes Magazine, elle a fondé avec lui le semestriel SIROP, décliné à Liège et Bruxelles en attendant le reste du pays.