Comment Liège rend ses lettres de noblesse au streetwear
Supreme, Off-White, ADER error, Heron Preston ou encore A-Cold-Wall, autant de grands noms qui font échos dans la tendance actuelle mais qu’en est-il des plus petits créateurs ? Entre lancer sa marque en pleine pandémie, customiser des fringues ou être la vitrine de créateurs streetwear, Liège fait honneur de diverses manières au style urbain. Rencontre avec trois créatrices inspirées.
Mélange de genres, mouvement issu de la contre-culture, le streetwear évolue au fil des années. Si ce style s’inspire tout droit des 90’s, 2020 définit cette tendance comme la combinaison du sportwear et du workwear, avec des looks qui se veulent confortables et fonctionnels. Mais le retour du sweat à capuche traduirait plus un mode de vie qu’un style cyclique, en notant toutefois que les notions d’up-cycling et d’écologie, tout comme dans la vie courante, deviennent indispensables. La preuve par trois.
PMG (Pas mon genre), la marque streetwear en devenir
Pour Pauline Duchnik, le streetwear vient de la rue mais il s’est généralisé et s’est inscrit dans nos codes. Le T-shirt, le jeans ou encore la casquette font désormais partie de notre garde-robe quotidienne. Si on tend plus vers du sportswear version in & out, pour un look réussi, on peut emprunter des pièces à un autre univers comme le workwear également. À Liège, Pauline estime que la tendance est présente grâce à quelques enseignes comme Coming Soon, Milk, Lace Up,… mais que ce n’est pas encore assez. Et comme elle ne trouvait pas son bonheur, la Liégeoise a donc décidé de le créer.
« Avec PMG, je voulais combiner tailoring et streetwear car pour moi c’est un mélange de styles qui représente bien le mode de vie des femmes actuelles. Travail, plaisir, sorties… en mixant ces deux styles, ça permet d’avoir ce genre de vêtements qui te suivent tout au long de la journée et de tes activités. En upgradant ton sweat à capuche avec une veste de blazer par exemple. PMG c’est vraiment cool, pas de prise de tête, montrer son style et qui on est vraiment.»
Après une annulation involontaire (la faute à ce virus dont on taira le nom) du pré pop-up store destiné à introduire sa marque auprès de personnes potentiellement intéressées, Pauline ne se décourage pas. Accompagnée par le Venture Lab, elle doit tester son produit de différentes manières, c’est ce qu’on appelle le prétotypage qui est en fait, l’analyse de désirabilité d’un produit. En temps normal, pour faire connaître son label, il faut participer à des events mais comment percer en période de pandémie ? Et comment se faire un nom dans le monde du streetwear déjà bourré de jeunes créateurs mais aussi très prisé du luxe ? Pour Pauline, il faut qu’une marque ait du sens : « Les marques sont de plus en plus éphémères, le plus important c’est donc l’image de marque. Qu’est-ce que tu veux véhiculer ? Quelles sont tes valeurs ? Il faut avoir quelque chose de fort et de bien pensé. Il y a aussi le côté éthique, au début je pensais que c’était un élément qui pouvait se suffire à lui-même, mais c’est devenu quelque chose d’obligatoire. Ma mission à travers ma marque, c’est donc de donner du pouvoir aux femmes, avec style et de manière éthique. Je vais très certainement introduire une notion d’up-cycling dans mes collections, en réutilisant des matières et/ou des fringues de seconde main, ce qui implique des éditions assez limitées. »
Pauline confie adorer l’oversize qui allie style et confort, sa marque étant d’ailleurs pensée pour que la femme se sente libre et est inspirée du vestiaire masculin : « Mes premières pièces, je les ai créées non seulement à partir de chutes de tissus de créateurs mais aussi de patrons de taille homme pour justement avoir cet effet large. Donc ce n’est pas spécialement mixte, mais ça pourrait l’être pour certaines pièces car il n’y a pas vraiment de notion de genre. » La marque s’adresse aux femmes entre 25 et 35 ans et sera probablement lancée officiellement, fin 2021, année qui se veut street à souhait, mais sous une forme différente… Car se réinventer, c’est aussi ça le streetwear.
Seize, le label conscient
Aurélie Nuozzi, créatrice de la marque Seize, n’a plus rien à apprendre niveau récup’ et customisation. Pour elle, le streetwear c’est une question de personnalité, il s’agit de se réapproprier les vêtements. Ce style a beaucoup évolué entre les 90’s, où c’était basé sur ce qu’on avait sous la main, et aujourd’hui, où il y a un contraste entre le luxe qui innove et le retour du vintage qui ressort certaines pièces : « C’est justement pour ça que ça en fait quelque chose de très personnel et que c’est difficile d’en donner une définition. » Réinventer le streetwear est donc possible. Aurélie le fait en chinant des pièces vintage et en les retapant pour son label. De l’oversize, du jeans et des pièces conforts, tous les codes sont là : « La pièce phare pour moi c’est le T-shirt, c’est la pièce qu’on enfile direct sur un jean, un pantalon classique ou encore transformé en robe. Pour l’instant on est sur du monochrome, des coupes larges et androgynes, et c’est parti pour durer. » Pour les tendances 2021, Aurélie prédit du beige, des couleurs pastels comme du bleu ciel ou du gris et des coupes plus travaillées et géométriques.
À la question, est-ce que le streetwear et le seconde main matchent automatiquement, Aurélie répond par l’affirmative et semble très sûre d’elle : « Oui c’est une des caractéristiques du streetwear. Quasiment tous les vêtements que je trouve en fripes pourraient correspondre à un look streetwear, tout dépend de la manière dont je vais les customiser et avec quoi on les associe. Moi je travaille surtout avec des marques sportswear comme Adidas, Nike, Reebok, mais aussi des chemises Ralph Lauren, des jeans Levi’s… Je pense que tout ce qui marche en ce moment, ce sont ces collaborations avec les maisons de luxe comme Gucci qui prend Asap Rocky comme égérie par exemple. »
Retaper des fringues façon street est une offre ciblée, mais ce marché de niche, qui se popularise, n’exclut pas la concurrence. Pour tirer son épingle du jeu, Aurélie souhaite rester dans des prix raisonnables, allant jusqu’à 120€ pour un imper Burberry ou une veste en cuir.
À Liège, Aurélie voit de la place pour la tendance : « Ce style n’a pas de limites et c’est ça qui est intéressant. Je pense qu’on parlera toujours de streetwear, mais on aura peut-être trouvé un autre mot pour le dire. Quand je vois qu’on fait la file devant chez Coming Soon pour le dernier T-shirt Supreme… Je me dis qu’on n’y est pas encore à la mort du streetwear (rires). »
NB: C’est Aurélie qui conçoit les pièces de la marque Stay Calma, dans son atelier de retouches et confections (Atelier Numéro Seize) et c’est sur ce site qu’elle met toutes ses créations en vente…
Lire aussi: Atelier Numéro Seize, pour une mode éthique et unique
Stay Calma, une marque qui en cache d’autres
Glissée dans son jogging préféré, un blazer oversize sur les épaules et une bonne paire de baskets genre Adidas ou Nike vintage aux pieds, Lou Delchambre, créatrice de la marque et du site Stay Calma, résumerait le streetwear en trois mots : confort, unisexe et interprétation. « Pour moi, c’est mélanger une pièce confort à quelque chose de plus classique. Ce n’est pas une question de mode, même si toutes les grandes marques de luxe ne font que ça en ce moment, je pense que c’est plutôt un mode de vie, donc c’est fait pour durer. Bien sûr, il y a des marques qui sont plus street que d’autres, on exclut les Hogan ou les Alexander Mcqueen en tout cas (rires).»
Stay Calma c’est deux branches : d’une part, ce sont les créateurs urbains que Lou représente sur son site. Ensuite, c’est sa marque qui est 100% streetwear. Pour créer des tendances, Lou s’inspire elle aussi des tendances : « Je crée en fonction de ce qui m’attire sur le moment, de ce que j’ai envie de porter moi, des couleurs qui me plaisent, je fais tout au feeling. L’année passée niveau couleurs, j’étais dans le vert fluo et le lilas. Je m’étais inspirée des années 90. Pour cet hiver je suis sur du beige et des touches de rose bonbon. Pour l’été prochain, je me lance dans une collection up-cyclée avec des jeans que j’aurai récupérés. »
Lou choisit ses marques en fonction de 3 critères : il faut que ce soit street (ou en tout cas dans le style), original et qu’il s’agisse d’une marque encore peu connue. Si vous êtes « local » et éco-responsable (oui c’est possible) c’est un plus… De manière générale, tout ce qui se fait dans l’éco responsable est toujours un peu classique afin d’être indémodable, certes, mais il est possible aussi de faire du streetwear conscient, on y croit.
« Faire de l’éco responsable et du très stylé, à un prix raisonnable, ce n’est pas forcément évident à trouver. » En effet, en dépensant 100€ pour un jogging, le luxe s’est clairement emparé de cette mode : « Ça je ne comprends pas… Après c’est ça qui a fait la renommée du streetwear aussi, c’est le fait que toutes ces grandes marques en ont parlé, du coup les prix ont explosé. »
Virgil Abloh (designer ((et messie du streetwear)) qui prédisait la mort de cette tendance en février 2020, n’a qu’à bien se tenir. À Liège, la concurrence est rude et ça ne fait que commencer !
Pauline Duchnik / PMG
Aurélie Nuozzi / Seize
Les pièces de la collection « Seize » sont en vente en ligne sur l’e-shop Stay Calma dans les pop-up stores Stay Calma ou directement à l’Atelier Numéro Seize (sur rendez-vous uniquement).
Lou Delchambre / Stay Calma
Insta et Facebook : @staycalma.shop