Kebab ou crève : la petite restauration face au Covid19
Face à la propagation du Covid19, les enseignes de restaurant ont été contraintes de fermer, au grand dam de nombreux chefs, qui doivent désormais se rabattre sur les 5.000€ d’indemnité promis par la Région wallonne. Une maigre consolation sur laquelle ne peut pourtant pas compter la petite restauration, confrontée à un dilemme cornélien : ouvrir à ses risques et périls ou affronter une mort financière annoncée.
Sur les près de 30.000 dossiers d’indemnisation de restaurants reçus par la Région wallonne, ils sont plus de 7.000 en attente de clarification. Parmi eux, de nombreux propriétaires de snacks qui ne comprennent pas pourquoi, contrairement aux restaurants de plein exercice, ils n’ont pas également droit à une indemnité en cas de fermeture.
Pourquoi une telle différence dans le traitement des uns par rapport à celui des autres ? Parce qu’administrativement, les snacks ne tombent pas sous la même législation :
Les établissements de petite restauration et les snacks sont considérés comme des sandwicheries et, à ce titre, on estime que la décision de fermer boutique n’est pas imposée, mais prise de plein gré. Libre à eux donc de s’organiser pour faire de la vente à l’emporter ou fermer boutique sans espoir d’être dédommagé. La décision leur revient.
Au SPW, en charge du traitement des dossier, le problème est bien connu, mais on nous dit ne pouvoir rien faire. La décision est politique et elle appartient au Ministre Borsus, en charge de l’économie. Ministre que, malgré nos efforts, nous ne sommes pas parvenus à joindre.
Pour les propriétaires de snacks, c’est l’étonnement et l’incompréhension. Non seulement, ils vivent cette « liberté » comme une injustice, tous n’étant pas nécessairement en mesure de rester ouverts, ne serait-ce que pour des raisons familiales ou sanitaires. Mais quand bien même ils prendraient la décision d’ouvrir, l’emporté est loin de représenter l’entièreté des revenus auxquels ils peuvent normalement prétendre, surtout en cette période de confinement et d’anxiété. Si l’on déduit enfin de ce maigre chiffre d’affaire la commission des livreurs, incontournables en cette période, le résultat est bien maigre.
Même une indemnité partielle n’est pas prévue, comme c’était pourtant le cas pour les coiffeurs, lorsque ceux-ci pouvaient encore rester ouverts
La gorge nouée, Yasar Abazid témoigne : « c’est une véritable catastrophe pour nous. Nous pensions être éligibles, mais n’avons droit à rien. Au début, nous sommes restés ouverts, mais il y avait très peu de travail, car chez nous, les gens viennent surtout manger sur place. Ca représentait une baisse de 75% à 80%, alors on a décidé de fermer, d’autant que c’est du risque : du risque pour le restaurateur, mais aussi pour le livreur et au final, pour le client. On habite avec nos parents et on s’inquiète pour eux ».
Une nouvelle d’autant plus mauvaise que Yasar et Yara, les patrons de Chez Yara, venaient de louer un nouvel espace adjacent à leur restaurant pour faire profiter au plus grand nombre des délices de la Syrie, pays qu’ils ont été contraint de fuir à cause de la guerre. « Nous avions au départ compris qu’il y aurait une aide pour tous les restaurants, explique Yasar, mais vendredi, lorsque la plateforme de la Région wallonne a été mise en ligne, nous avons déchanté. On a d’abord cru à un problème technique, car sur papier, nous rentrons dans les conditions, mais les restaurants enregistrés comme snacks et petite restauration ne sont tout simplement pas éligibles ».
Pour Yasar, il s’agit tout simplement d’une injustice : « comme tout le monde, nous avons des frais fixes tels que les loyers du restaurant, les assurances et la voiture, qui viennent s’ajouter à nos propres frais individuels ».
« On va essayer de voir avec notre propriétaire, mais très honnêtement, on ne sait pas comment faire, d’autant qu’on ne sait pas non plus quand on va pouvoir rouvrir. Si ça continue, on va rencontrer de gros problèmes et nous sommes nombreux dans cette situation ».
Trop gras, trop salés ou tout simplement trop voyants, les snacks sont tout au long de l’année accusés de nombreux maux. En cette période de confinement, ils continuent malheureusement de faire figure de boucs-émissaires. Kebab ou crève ? Comme le disait déjà Jean de La Fontaine dans sa fable sur les animaux malades de la peste : « que vous soyez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir. »