Le destin glauque et tragique de la vraie Maria Goretti
À Liège, le nom de Maria Goretti est devenu indissociable de l’école homonyme, tant et si bien qu’on en oublierait presque qu’une vraie personne se cache derrière. Une Liégeoise de renom? Non, une jeune fille italienne née au 19e siècle, dont le martyre semble tout droit sorti d’un mauvais téléfilm.
La petite Maria voit le jour le 16 octobre 1890 à Corinaldo, une petite bourgade italienne de la province d’Ancône, dans les Marches, au coeur du pays. En 2007, le village sera élu plus beau d’Italie, rien que ça, mais à l’époque, la situation est plutôt craignos pour la famille Goretti, extrêmement pieuse, certes, mais aussi et surtout extrêmement pauvre. Luigi et Assunta, ses parents, ont de nombreuses bouches à nourrir, Maria étant la troisième de sept enfants, et la petite n’a que 5 ans quand ses parents sont contraints d’abandonner leur ferme, faute de moyens, et de se mettre à travailler pour d’autres fermiers.
C’est ainsi qu’ils déménagent d’abord en périphérie de Rome, puis à Le Ferriere, où ils s’installent à « La Cascina Antica », dans un logement minuscule que les Goretti doivent partager avec un veuf du cru, Giovanni Serenelli, et son fils de 17 ans, Alessandro.
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Maria Goretti, martyre et sainte
Coup du sort pour la famille décidément pas épargnée par un destin capricieux: en 1899, Luigi Goretti meurt, emporté par la malaria, et laissant la petite Maria, neuf ans seulement, virtuellement en charge de la maison. C’est que sa mère, Assunta, doit trimer aux champs toute la journée avec les frères de la petite, la faute à un propriétaire terrien véreux, qui a su tirer l’illettrisme des villageois à son avantage pour les « embaucher » dans des conditions proches de l’esclavage.
À l’âge où d’autres jouent à la poupée, la petite cuisine, rapièce les vêtements, veille sur sa petite soeur Teresa, et fait le ménage, tout en préparant pieusement sa première communion. Dans le village, personne n’ignore la situation précaire de la famille, mais Maria est si méritante, et si dévouée, qu’on se cotise pour lui offrir sa robe de première communion, et elle la célèbre sous l’oeil attentionné des frères passionnistes de Nettuno.
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Malheureusement, quelqu’un d’autre a Maria à l’oeil, et la tragédie guette à nouveau: Alessandro, le fils du voisin des Goretti, s’est pris de passion pour la fillette, et alors qu’elle n’a que onze ans face à ses 20 printemps, il se met à la poursuivre de ses ardeurs. Naïve et religieuse, Maria ne voit comme échappatoire que la prière, et veille à éviter à tout prix de se retrouver seule avec Alessandro… Jusqu’au jour fatidique du 5 juillet 1902: seule à la maison avec sa petite soeur Teresa, Maria s’adonne à quelques menus travaux de reprisage quand Alessandro, qui savait la trouver sans surveillance, rentre par surprise des champs et menace la fillette. Soit elle fait ce qu’il exige, soit il la poignarde
Maria refuse, se débat, et proteste: « Alessandro, Dieu ne veut pas ces choses là ! Si tu fais cela tu iras en enfer ! ». Hélas, après avoir tenté de l’étrangler, aveuglé par la rage, Alessandro la poignarde à 11 reprises, et alors que Maria essaie de s’enfuir, il la coince près de la porte et la poignarde par trois fois encore. Terrorisée, Teresa alerte Assunta et Giovanni de ses cris, et lorsqu’ils aperçoivent Maria baignée de sang, ils la transportent en urgence à l’hôpital de Nettuno.
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Un autre calvaire y attend Maria Goretti: on l’y opère sans anesthésie, mais ses blessures sont trop nombreuses et trop profondes pour pouvoir espérer la sauver. En pleine opération, elle regagne brièvement conscience, et un prêtre est appelé à l’hôpital pour lui donner la dernière communion. Alors qu’il lui présente l’hostie, il lui demande si elle pardonne à Alessandro.
« Oui, pour l’amour de Jésus, je pardonne. Je veux qu’il vienne lui aussi avec moi au Paradis. Que Dieu lui pardonne, car moi, je lui ai déjà pardonné ».
Et ce alors même qu’elle avait confié au Chef de la police locale, venu recueillir sa déposition sur son lit de mort, qu’Alessandro n’avait eu de cesse de la harceler sexuellement et avait déjà tenté de la violer à deux reprises, sans qu’elle n’ose le dénoncer, le jeune homme l’ayant menacée de mort.
Sainte patronne du pardon
Alessandro Serenelli fut condamné à 30 ans de prison, et libéré après 27 années passées derrière les barreaux. La nuit de Noël 1934, il fit le pèlerinage jusqu’à Corinaldo, où Assunta Goretti était retournée s’établir, et la supplia de lui pardonner, ce qu’elle fit: « Dieu vous a pardonné, ma Marietta vous a pardonné, moi aussi je vous pardonne ». Ils assistèrent ensemble à la messe de Noël, à la surprise des villageois, et se rendirent également ensemble à la canonisation de Maria par le Pape Pie XII, le 24 juin 1950. L’occasion pour le souverain pontife de célébrer la pureté de la jeune fille, et d’appeler les près de 500 000 fidèles présents pour sa béatification, à l’imiter, profitant de la cérémonie pour interpeller la foule: « jeunes gens, prunelle des yeux de Jésus, êtes-vous déterminés à résister aux attaques sur votre virginité avec l’aide de Dieu? ». Et la foule de répondre un « oui » retentissant…
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Aujourd’hui, la dépouille de Maria Goretti repose dans la crypte du sanctuaire Notre-Dame-des-Grâces de Nettuno, au sud de Rome, à l’exception de l’ulna de son bras droit, qui a été donné à sa mère et qui est exposé à Corinaldo dans un reliquaire au sanctuaire Sainte-Maria-Goretti. Maria, quant à elle, est fêtée le 6 juillet, et est la sainte patronne de la chasteté, de la pureté, des adolescentes, du pardon et des victimes de viol. Sans oublier, bien sûr, une présence bienveillante pour les élèves de l’Institut liégeois…
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Photo de couverture: Unsplash / Velizar Ivanov
Vous ou une proche avez été victime d’une agression sexuelle? Sachez qu’il existe différents organismes susceptibles de vous venir en aide à Liège:
Un Centre de Prise en charge des victimes de Violences Sexuelles (CPVS) (CHU de Liège)
Le CVFE https://www.cvfe.be/ (Liège): 04/223.45.67 (accessible 24h/24, 7j/7) ligne d’écoute du CVFE (Liège)
La ligne d’Ecoute violences conjugales: 0800 30 030
(Liste compilée gracieusement par le collectif féministe Et ta soeur?)