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Bibliothèque Chiroux Liège DR Canva Boulettes Magazine

Ode au plaisir de passer le samedi matin aux Chiroux

Si, dans l’imaginaire collectif principautaire, le dimanche est indissociable de la Batte, le matin du samedi, lui, se passe de préférence en flânant parmi les rayonnages des Chiroux, à n’y chercher rien et à y trouver tout. 

Car c’est là la condition sine qua non à une flânerie réussie: surtout, ne pas venir muni d’une liste d’ouvrages à dénicher, mais plutôt, opter pour une balade nonchalante, des ouvrages de voyage à la littérature française en passant par le rayon des livres anglophones et en terminant en beauté par les livres de cuisine et les BDs.

Ce qui implique, pour pouvoir accorder à chaque rayonnage (et au moindre ouvrage) l’attention qu’ils méritent, d’y venir de bonne heure, pas non plus trop tôt, parce qu’on est là pour le plaisir et non pour souffrir, mais vers 11h, disons, quand quatre longues heures s’étirent encore entre vous et l’heure de fermeture de la bibliothèque.

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À la page

Prendre le temps, donc. Le temps de se perdre dans le labyrinthe de livres assemblé (et classé) avec amour par l’équipe des Chiroux, d’y découvrir des trouvailles d’autant plus réjouissantes qu’elles sont surprenantes, entre auteurs méconnus, sujets farfelus et succès de librairies sortis tellement récemment qu’on ne s’attendait pas à les trouver ici, et pourtant.

Si, dans la culture pop, la bibliothèque est un arrière-plan de choix pour la mise en scène de bibliothécaires maussades qui rappellent avec force chuchotements bruyants la nécessité de respecter le silence, aux Chiroux, pas de ça. Déjà, parce qu’en guise des rombières qui ont les faveurs d’Hollywood pour le rôle, ici, l’équipe est plutôt constituée de lecteurs passionnés qui s’adonnent avec joie à la mise en abyme des ouvrages. Mais aussi et surtout, parce qu’au-delà de la pratique enthousiaste du bookface, il règne en ces lieux le samedi matin un sentiment de révérence divin.

Celles et ceux qui sont là y sont par choix: plutôt que de dormir quelques heures supplémentaires, s’atteler aux courses de la semaine ou s’offrir plutôt une pause shopping, plutôt que de paresser devant leur plateforme de streaming préférée ou de s’attabler devant un brunch bien mérité, ils ont choisi d’aller à la bibli’. Ils se croisent dans un silence conscient, la reconnaissance muette d’autres papivores pour qui, plus qu’un simple dealer de livres, les Chiroux représentent une promesse: celle de voyager sans aller loin, qu’il s’agisse de découvrir une nouvelle contrée (réelle ou imaginée) dans un ouvrage, ou bien de voyager dans le temps, dans les pas du mini-humain qu’on était dans un passé pas si loin, celui où le samedi était le jour où nos parents nous emmenaient à la bibliothèque.

Complètement Chiroux de vous

Une nostalgie à laquelle se mêle, à l’heure où le déménagement vers un nouveau bâtiment rutilant est plus proche que jamais, celle, anticipatoire, de la joliesse désuète des Chiroux. Son lino usé par les pas de milliers de lecteurs et baigné de la lumière qui se déverse par ses grandes fenêtres. Ses rayonnages qui en ont vu d’autres, et révèlent, comme un secret parmi des livres bien plus datés, l’une ou l’autre sortie littéraire. Cette odeur, indéfinissable, de vieux papier, de mystère et d’amour aussi, parce que qu’on la visite le samedi matin ou plutôt un autre jour de la semaine, c’est parce qu’on voue une passion aux écrits et à ce qui reste encore la manière la plus délicieuse de les savourer.

Si ce billet a réveillé en vous l’envie de pousser la porte de la bibliothèque et d’en ressortir les bras chargés d’ouvrages, avec, devant vous, la promesse d’un week-end exquis passé à les dévorer, et si, au détour d’un rayonnage, vous nous croisez, on ne vous saluera pas, bien sûr, parce qu’on vient ici dans un silence exalté semblable à celui que d’autres respectent à l’église. Mais sachez qu’on sera heureux d’avoir converti d’autres papivores de venir se recueillir sur le genre d’autel qui encre.

Journaliste pour Le Vif Weekend & Knack Weekend, Kathleen a aussi posé sa plume dans VICE, Le Vif ou encore Wilfried, avec une préférence pour les sujets de société et politique. Mariée avec Clément, co-rédacteur en chef de Boulettes Magazine, elle a fondé avec lui le semestriel SIROP, décliné à Liège et Bruxelles en attendant le reste du pays.