Les Trois Seaux ou le meilleur de la mer en bord de Meuse
Si la raison exige de ne savourer coquillages et crustacés qu’en bord de mer, où leur fraîcheur iodée prend tout son sens, le coeur a ses raisons que la raison ignore. Et quand l’envie de fruits de mer déferle, on met les voiles pour Maastricht et Les Trois Seaux, où tant la carte que le cadre capturent à merveille tout ce que la Côte a de meilleur.
Manger des fruits de mer n’est pas une expérience gustative, c’est un état d’esprit. C’est le crissement d’une nappe épaisse où le toucher rugueux d’une table en bois malmenée par les embruns. C’est la fraîcheur d’une créature pêchée à quelques mètres de l’endroit où on la déguste. C’est la peau au parfum de soleil tirée par le sel , les bouchées qui crissent quand un peu de sable emporté par le vent s’y glisse, une vague sensorielle qui rappelle que notre pays a beau être plutôt petit, il est d’une grande beauté et ses kilomètres de côte sont un joyau.
Malheureusement, à Liège, on a beau vivre les pieds dans l’eau, manger ce qui y frétille est déconseillé même aux estomacs les plus accrochés (une tranche de trottinette rouillée avec votre vieux pneu?) et puis les crustacés ne sont pas des fruits de Meuse, c’est bien connu. Alors que faire quand l’envie d’une délicieuse dose d’iode se fait sentir? Longtemps, une adresse s’est imposée dans l’estomac des Liégeois, mais cette dernière est aujourd’hui malheureusement à marée basse. Et si L’Apéro sur Meuse et la Brasserie de l’Elysée proposent des plateaux plus qu’honnêtes, pour que l’illusion soit complète, on choisit de suivre les flots jusqu’à Maastricht, où Les Trois Seaux sert un ersatz de bord de mer à 30 minutes seulement de la Principauté.
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Les Trois Seaux, eau douce et haute iode
Aux beaux jours, sa terrasse très « kust style », entre fauteuils en cannage, coussins moelleux et serviettes empesées, le tout à quelques centimètres seulement d’un bras d’eau où flottent quelques bateaux, donne l’illusion d’être vraiment en bord de mer, ou presque. Mais quand la météo nécessite de se rabattre sur l’intérieur du restaurant, sa décoration, ainsi qu’une certaine brusquerie dans le service, assure elle aussi un air de côte belge. Les Trois Seaux est toujours pris d’assaut, ce qui, comme chez Lequet au temps de gloire passée, ou bien dans les brasseries les plus prisées de la côte belge, permet au patron et à son équipe d’outrepasser les ronds de jambes attendus dans certains établissements. Qu’importe, on est là pour manger, pas pour tailler le bout de gras, et la carte ne déçoit pas.
Crus ou cuits, les fruits de mer sont les stars incontestées d’une carte d’autant plus garantie de faire saliver les amateurs de délices iodés que les tarifs restent relativement accessibles. Les portions sont en effet plus que généreuses, et dès 22.5 euros, vous pouvez déguster un plateau qui n’a de « petit » que le nom, avec, à table, trois huîtres creuses, deux Bulots, une portion de bigorneaux, cinq Moules, six coques,
quatre crevettes et deux couteaux. Envie de marquer le coup? À 130 euros pour deux, le Plateau Royal garni de langoustine, homard et pattes de crabe, offre un rapport qualité-prix tout ce qu’il y a de plus exquis.
Venus à cinq, officiellement pour célébrer un anniversaire en famille, officieusement pour pouvoir commander autant de la carte que possible, on a pris plaisir à goûter chacune des assiettes qui se sont succédées à table. Et si les plateaux de fruits de mer, aussi généreusement que joliment servis, et incroyablement appétissants avec leur assortiment de carapaces à même la glace, sont sans aucun doute les produits phare de l’établissement, il ne s’agirait pas de battre le froid aux options « chaudes » du menu pour autant.
Ainsi, en ces temps difficiles, on se surprend à penser épisodiquement en salivant au sublime King Crab grillé à l’ail, nageant dans du beurre qui ne demande qu’à être épongé grâce à une portion de frites mayo. Pour qui a grandi en allant avec ses (grands-)parents à la mer du nord, ce combo aussi régressif que nostalgique aura un goût d’amour et de souvenirs heureux, du genre à réchauffer le gosier au propre et au figuré. Comme un invincible iodé au milieu de chaque hiver intérieur, Les Trois Seaux est un voyage, un ersatz de littoral, une exquise promesse.
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