Boulettes Magazine

Le magazine gourmand de découvertes
TOP
Photographe animalier

Vis ma vie de photographe animalier

Être photographe animalier, voilà une profession bien rare. On ne vous parle évidemment pas ici des séances à la chaîne dans les magasins ou des grands reportages nature de National Geographic, non, mais bien des artistes qui savent sublimer nos boules de poils de manière inédite. Une pratique qui souffre de préjugés tenaces qui sont autant de bâtons dans les pattes de ceux qui veulent en faire leur métier. On les détricote aujourd’hui avec trois photographes liégeoises aux styles bien à elles, Camille Changeur, Touky Gonty et Stéphanie Paquot alias Gumiho.

Vous avez un compagnon à quatre pattes ? Si oui, avouez… vous l’avez déjà photographié combien de fois ? Des milliers ? C’est normal, on fait tous pareil. Pourtant, nous sommes très peu nombreux à avoir fait appel à un photographe animalier pour leur tirer le portrait.  Qu’est ce qui nous en empêche ?

Un manque de considération

Photographe animalier

Toutes les photographes interrogées l’affirment : il n’est pas simple d’imposer leur pratique dans le milieu de la photographie.

Camille est une jeune étudiante de 18 ans. C’est le jour où elle a adopté son chien que sa passion pour la photographie animalière est née. Depuis, elle n’a plus arrêté. Elle a cependant vite compris que cette pratique serait plutôt mal accueillie.

« Au début de mes études en photo, franchement, quand tu dis « je photographie des chiens », c’est un peu délicat. Du coup, j’ai appris toute seule. »

Même son de cloche pour Touky, qui a aussi a ressenti cette gêne, bien qu’elle s’affiche désormais fièrement comme « Pets photographer » sur les réseaux sociaux. Son premier projet en études supérieures de photographie ? Des photos de ses chats, terriblement photogéniques soit dit en passant. Au début, si elle était regardée drôlement, elle a rapidement pu imposer son style et son univers au fil de ses études.

Pour Stéphanie, tout a commencé avec son élevage de Persans. Rapidement contactée pour savoir qui avait tiré d’aussi beaux portraits de ses chats sur son site web, elle a constaté que la demande était là et les séances photos animalières se sont rapidement enchaînées. Inédit à l’époque (2005 NDLR), son studio exclusivement dédié à la photographie animalière sur les hauteurs de Cointe en a surpris plus d’un. Elle n’a pourtant jamais arrêté d’avoir des modèles poilus, jusqu’à son récent changement de direction professionnelle : réaliser des œuvres surréalistes et fantastiques à partir de photographies. Si sa carrière a évolué pour s’ouvrir à d’autres modèles et d’autres projets, les animaux occupent toujours une place importante dans ses créations.

Une pratique difficile

Photographe animalier

Autre préjugé tenace : « photographier les animaux, c’est facile ». Pourtant, il suffit d’essayer de faire poser sa propre boule de poil pour savoir que ce n’est pas de tout repos.

Pour être photographe animalier, une sacrée dose de patience est de mise. S’adapter à l’animal, être à l’affut du bon moment, gérer les imprévus et les humeurs… comme le souligne Stéphanie, « l’anthropomorphisme n’a pas sa place ici ».

Et parlons-en, des difficultés : si Stéphanie s’est déjà retrouvée en train de courir dans un pré après un cheval qui lui avait volé son sac photo, Camille, elle, a appris à s’adapter aux chiens les plus sensibles, à l’instar de son propre chien, victime de maltraitance par le passé. Et puis, il suffit d’observer Touky gérer une séance avec trois chiens pour en avoir le cœur net : ce n’est clairement pas du gâteau… enfin, « de la pâtée », dans ce cas-ci.

L’important, c’est de s’adapter et de faire preuve d’originalité pour attirer l’attention du mannequin à poil. Les laisser gambader joyeusement dans la nature et les shooter en mode paparazzi semble également une technique efficace.

Dans tous les cas, le secret d’un shooting animalier réussi est l’amour des bêtes et le « feeling ». Un sentiment que Camille ne peut que difficilement expliquer, tandis que Touky de son côté nous avoue avoir plus facile avec les poilus qu’avec les humains. C’est peut-être ça, le secret ?

Pas (nécessairement) kitch

Photographe animalier

De gauche à droite (et parce qu’on kiffe leurs noms) Mr Winston, Haydn, Irving et Elijah M. K. – Touky Gonty

Dans l’esprit des gens, photographie animalière rime le plus souvent avec un calendrier kitchissime de chatons sur des coussins roses. On fait « heeeen », mais on n’a clairement pas l’impression que c’est de la folie côté technique. Pourtant, nos trois photographes nous prouvent le contraire et apportent même une bonne dose d’authenticité à leurs clichés.

On est bien loin de la carte postale superficielle avec des chiots enrobés de froufrous. Quand Camille privilégie les séances en pleine nature pour faire briller le tempérament de l’animal, Stéphanie parvient aujourd’hui à créer autour des animaux un univers magique. Touky, elle, a parfois embrassé le côté kitch du métier, qu’elle a assumé à fond, même si elle avoue privilégier aujourd’hui les photos en extérieur, plus naturelles.

La photographie animalière, une activité pérenne ?

Photographe animalier

Stéphanie a fait de la photographie animalière sa spécialité au début de sa carrière. Malgré son beau parcours, marqué par la couverture d’expositions et de contrats avec de grandes marques, elle nous avoue avoir étendu par la suite ses activités photographiques par envie, mais aussi par nécessité : « Ce n’est pas facile d’en vivre, mais pas impossible. Cela demande beaucoup de temps, de travail, d’investissement et de motivation. »

Touky ne souhaite pas de son côté se professionnaliser et a repris des études en Français Langue étrangère après ses études à Saint-Luc. « J’adore la photo, mais je suis trop gentille, je ne veux pas me battre. Du coup, à côté de mon travail, je peux faire ce que j’aime en photo, sans stress, et ça c’est génial ». Les clients viennent à elle sans subir la pression de ce milieu où on se regarde souvent en chiens de faïence.

Camille, elle, entame des études supérieures en graphisme et espère continuer à développer son activité, même si elle ne pense pas en faire son métier principal un jour. Le manque de demandes ? Pas nécessairement. Son récent appel sur les réseaux sociaux pour trouver des modèles le prouve. À Liège, comme dans le reste de la Belgique, les photographes animaliers sont même plutôt rares.

Y a-t-il une réelle demande ?

Photographe animalier

« Les gens n’ont pas l’impression que d’autres vont imprimer les photos de leurs animaux. Je fais pourtant beaucoup de tirages et les propriétaires apprécient » nous explique Camille. Pourtant, iraient-ils jusqu’à payer pour avoir des photos professionnelles de leurs animaux ? C’est là où le bât blesse : si les files se forment pour les shootings photo d’animaux dans les grands magasins, et même s’ils sont nombreux à les aimer comme des membres de leur famille, rares sont ceux qui passent le cap. Peut-être par peur du kitch que l’on associe à la pratique, du prix ou parce qu’on a du mal à imaginer son animal modèle ?

Ceux qui sautent le pas ne le regrettent pourtant pas. Ils voient ces séances comme des moments privilégiés durant lesquels ils valorisent leur compagnon à quatre pattes d’une manière inédite. Et ils le sentent, c’est sûr… et ça se voit.

Infos et contact

Camille Changeur

Site internet

Touky Gonty

Page Facebook

Stéphanie Paquot

Compte Instagram

Crédit photos : couverture Camille Changeur, Raton laveur par Stéphanie Paquot alias Gumiho, Famille de chats par Touky Gonty, autres photos par Julie Baré.

Lire aussi : 

"Born and raised" à Liège, Julie est devenue journaliste radio après ses études en communication à la HEPL. Fan de l'actualité de la Cité Ardente et de son arrondissement, des initiatives citoyennes, des nouveautés décalées, et de tout ce qui touche de près ou de loin au chocolat, elle aime aussi parfois partager sa vision des choses... Mais avec humour, en bonne Liégeoise qui se respecte.