3 créateurs liégeois qui vont faire 2021
Vous avez dit local et responsable ? Des créations uniques créées par des talents ardents ? Entrez dans l’univers des créateurs Caroline André, Zoned Clothing et Julie Alexandre, trois marques meaningful pour commencer l’année du bon pied, et bien fagoté.
Qui dit mois de janvier, dit galette des Rois, mais aussi ce mot de 6 lettres qui fait encore bien jaser alors qu’on essaie tous, plus ou moins, de réduire l’impact du fast fashion, vous l’aurez compris : s.o.l.d.e.s ! Si certains en profitent, d’autres les évitent et se jettent sur des marques plus petites, plus locales, et si possible durables. Mais encore faut-il connaître celles de chez nous. Nul besoin de rappeler que Liège est un terrain fertile à la créativité. Que ce soit en food, musique ou encore en marques de vêtements, la ville mène la danse dans bien des domaines, la preuve par trois.
Lever de rideau sur Caroline André
Caroline André étudie la mode depuis ses 14 ans. De l’Helmo Mode à l’Opéra de Liège, en passant par la maison Nathan, 10 ans plus tard, elle entre en scène et lance sa marque éponyme, mélange de poésie et d’obscurité.
« En septembre dernier, j’ai eu l’occasion de refaire toute une collection pour un défilé. Ensuite j’ai contacté Lou Delchambre de Stay Calma pour qu’elle vende certaines de mes pièces sur son site. Ces deux occasions ont été un tremplin pour ma marque. Aujourd’hui, je suis styliste en indépendante complémentaire. L’autre moitié du temps, j’enseigne tout ce qui touche de près ou de loin à la mode dans 3 écoles, à Verviers, Liège et Seraing. En tant que professeur, je vois les futures tendances se dessiner. Je leur apprends des choses, mais ils m’apprennent beaucoup aussi. »
Premier Acte
Plus de cinquante pièces conçues en deux mois, impossible de nier l’influence de l’opéra dans la première collection signée Caroline André :
On me dit souvent que chacun de mes vêtements raconte une histoire. Je dirais qu’il y a un côté rebelle et extravagant. Je ne veux pas faire de vêtements ennuyeux, je pense que c’est plus du prêt-à-porter de luxe.
Spleen baudelairien ou rap contemporain, ce mélange de genres, Caroline le doit à ses inspirations : « Je n’ai pas vraiment de processus de création, mais je lis beaucoup, je me documente, je me mets dans une espèce de transe créative et puis tout sort d’un coup sans que je ne sache expliquer d’où ça vient. C’est instinctif. Je dirais que ma période de création est sombre, poétique, quand je crée, j’écoute de la musique classique, sinon j’écoute du rap. Mon livre préféré c’est Les Fleurs du mal de Baudelaire, je m’en suis beaucoup inspirée pour cette collection. »
Niveau couleurs, Caroline a exploré la palette des tons neutres pour commencer. Pour l’été par contre, elle rêve en mauve et bleu : « Je dois quand même rester à l’affut de ce qui se prépare pour 2021. Dans cette collection j’avais créé du prêt-à-porter et des accessoires qu’on pouvait retrouver sur le site Stay Calma, mais aussi une partie haute couture que je ne vendais pas. Pour la collection été, je ferai plus de prêt-à-porter qui sera à vendre, mais avec le Covid, je réfléchis beaucoup pour ne pas me planter. »
Entracte
En 2021, les défis de la mode, selon Caroline, c’est se remettre en question et ne pas se laisser dépasser par les tendances qui ne font qu’être de plus en plus éphémères.
Tu dois aussi avoir la capacité de prendre du recul sur ce que les autres disent et écouter ce que tu as à l’intérieur de toi. On entre dans une ère tellement superficielle, les réseaux sociaux ça bride la créativité. En 2021, il faudra miser sur l’authenticité.
Pour retrouver les créations de Caroline, c’est sur son compte Insta, via son adresse mail, ou sur le site de Stay Calma.
Crédit photo : Alessandro Volders
You get Zoned
Zoned Clothing, vous en entendez peut-être parler depuis 2018, si vous vous intéressez au YouTube game ou à quelques influenceurs français. Derrière le concept ? Karim Hajjam, étudiant en commerce extérieur à Sainte Marie. En combinant ses compétences en graphisme, ses études et son envie naissante pour la mode, il a créé sa propre structure. Aujourd’hui, la marque signe son grand retour et est prête à conquérir la Belgique.
Quand le confinement est arrivé, j’ai pu reprendre du temps pour moi et redémarrer Zoned en décembre 2020. Jusque-là, notre stratégie était plus focus sur la France, chose qu’on aimerait rattraper en 2021 en étant plus présent sur la Belgique. On est une marque établie de manière sérieuse, et ce serait super si on avait le même nombre de commandes en Belgique qu’en France. En 2021, il ne faudra plus refaire les mêmes erreurs.
Diplômé de gestion à 18 ans, Karim n’a pas depuis caché son envie d’entreprendre : « Je ne voulais pas être le graphiste indépendant qui crée sur demande, je voulais vraiment créer ma structure. Je me suis inscrit en commerce extérieur et j’ai lancé le premier site Zoned Clothing en 2018. Moi je m’occupe du design et de la conception et Anthony Vetro s’occupe de la gestion d’entreprise, contacte les médias, trouve des partenaires… Le nom est inspiré de la marque dsquared2. Je voulais quelque chose qui se termine en « ed ». C’est aussi une référence à la zone, la zone de potes, le quartier, friendzoned, etc. »
L’effet papillon
La particularité de la marque, qui est aussi son slogan, c’est le lien entre le streetwear et la conception l’artistique. Il existe un tas de marques labellisées streetwear et de plus en plus essaient de trouver le juste milieu entre le luxe et le haut de gamme selon Karim, qui revendique son positionnement : « j’essaie d’avoir des références culturelles et artistiques dans ce que je crée, chaque pièce porte un message. Ce qui m’inspire c’est surtout l’actualité, autant médiatique qu’artistique. Par exemple, le t-shirt papillon, je l’ai sorti suite à la problématique des ouïghours et 10% des ventes sont dédiés à cette cause. Mon processus de création est également lié à l’onglet Zoned Radio sur le site. Cet onglet me permet de rassembler tous les sons que j’écoute quand je fais un petit drop par exemple. »
Varier les matières plus que les couleurs, c’est l’ambition de Karim qui conçoit le design de chaque vêtement :
Je n’aime pas ce qui est trop simple. C’est plus facile de faire un design travaillé sur des tons clairs que sur des tons sombres. Je pense que je vais rester dans ces tons neutres et varier les matières, là on est passé du coton classique à une chemise en velours côtelé qui arrive par exemple.
Aux quatre coins du monde
Commerce équitable, respect des droits de l’homme, coton bio… En 2021, c’est le minimum pour qu’une marque soit un minimum viable. « On a trouvé un fournisseur à Bruxelles qui est entre le Portugal et le Honduras. L’avantage avec lui, c’est qu’il a des usines de très bonne qualité et labellisées, et donc si on passe sur des gros volumes (ce qui sera peut-être bientôt le cas), on peut le faire sans problèmes avec eux et pas au Pakistan. »
Né d’une maman sicilienne et d’un papa marocain, Karim va s’inspirer de ses origines et mixer le tout pour créer la prochaine collection qui arrivera en été. En attendant, il est possible d’acheter sur son site ou de manière périodique dans certains magasins au Luxembourg. « À Liège on n’a plus de partenaire physique pour le moment, mais on y pense. Cette année, on aimerait avoir soit notre premier concept store à Liège, soit être présent dans des magasins, mais de manière assez solide. »
Site de Zoned Clothing
Instagram de Zoned Clothing
Julie Alexandre, en plein décollage
Son diplôme de l’Helmo dans une main et son ticket d’avion dans l’autre, Julie Alexandre trouve l’inspiration dans les voyages et les paysages, notamment ceux de La Réunion.
En sortant des études en 2018, j’ai créé un site internet, j’ai fait quelques défilés, mais c’était plus une vitrine où je montrais mon travail, pas encore dans l’idée de vendre mes pièces. Puis je suis partie à la Réunion pendant plus d’un an, dans le but de changer d’air et de m’inspirer d’une autre culture. Là j’ai pu dessiner sans contrainte et par plaisir. Même si j’ai fait 11h de vol avec ma machine à coudre pour ne pas y toucher.
Lorsqu’elle revient, Julie a tous les outils et l’énergie pour lancer sa nouvelle collection à l’occasion d’un défilé virtuel qui a eu lieu en septembre 2020. « Ça m’a fait trop plaisir, car ça faisait plus d’un an que je n’avais plus créé. J’ai donc repris tous les dessins que j’avais fait à la Réunion et j’en ai fait une collection qui me tenait fort à cœur, tout droit inspirée des lieux que j’ai vus là-bas. Cette année m’a permis de me relancer à fond dans mon activité, chose qu’avant, je ne faisais qu’à moitié. Maintenant, je travaille non-stop là-dessus. Ça fait vraiment partie de moi… »
Cet été, Julie a conçu des bobs. Une idée va relancer officiellement sa marque : « De nouveau, au début, ce n’était pas dans le but de les vendre, je ne suis pas du tout commerciale, puis j’ai posté quelques photos de mes créations et de fil en aiguille j’ai eu de plus en plus de demandes. »
Sa marque de fabrique ? Les couleurs et les imprimés : « J’adore ça. Dans un premier temps, c’est vraiment le tissu qui m’inspire. Quand je vois un tissu qui me plait, je m’imagine très vite ce que je vais en faire, un pantalon, une veste… J’adore les détails que personne ne voit, mes coupes sont assez simples et j’aime cet aspect épuré, mais j’aime que la pièce soit forte grâce au motif.
En termes de couleur, j’explore tout sauf le noir, que je trouve difficile à travailler bizarrement.
Les paysages donc, mais aussi l’architecture, les formes, les textures et les films sont l’essence de ses collections. Julie observe et s’inspire de tout ce qui l’entoure pour recréer un univers à sa façon.
Je prends beaucoup de temps pour créer, car je fais tout moi-même, donc si je devais compter mes heures, mes pièces seraient invendables. Je sais qu’une pièce de créateur a un prix, mais c’est un prix justifié quand on regarde tout le processus de création derrière.
Les pièces de Julie Alexandre se situent habituellement entre 120€ et 300€ (compter entre 60€ et 80€ pour les bobs). « Je comprends qu’investir dans une pièce de créateur qu’on ne connait pas, c’est compliqué. Donc j’essaie vraiment de créer des pièces qui tiennent dans le temps, bien finies et de bonne qualité. Si la pièce que je crée est vraiment très compliquée et d’un tissu très premium, je peux envisager d’aller au-delà de 300€, mais j’essaie d’éviter, pour l’instant en tout cas. En 2021, il faudra créer plus intelligemment, donc fonctionner avec des précommandes, se fournir le plus localement possible… On doit vraiment réfléchir à notre manière de créer. »
Pour une pièce coup de cœur ou personnalisée, il faut contacter Julie via son site, sur Instagram ou Facebook. Elle se fera un plaisir de vous conseiller, de vous guider, de créer et de retoucher si nécessaire.
Pour l’été, je vois des choses se profiler, mais je ne suis pas toutes les tendances, je m’en approprie certaines. Je pense que chacun doit suivre la tendance qui le touche.
Crédit photo : Yasin Gocer