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Gentrification Liège

Cathédrale Nord, entre gentrification et désolation

Tête de pont de la gentrification dans le quartier Cathédrale Nord, Noémie a ouvert Le Garage il y a moins d’un an : un institut de beauté branché, qui donne foi en l’avenir de la Cité.

Son premier réflexe ? Installer un système de verrouillage automatique à l’entrée. Le salon a beau être situé à 200 mètres d’un commissariat, il ne fait pas toujours bon être une femme dans le 4000.

Le sourire jovial, Noémie se dit heureuse de son quartier d’adoption. Situé rue Chéravoie, à deux pas de la Parra et de la future Grand Poste, Le Garage fait partie de ces commerces à l’esthétique soignée, qui nous rappellent que ce qu’Anvers ou Amsterdam sont, Liège peut l’être aussi. Pas évident tous les jours pourtant de chercher à tirer vers le haut un quartier qui s’obstine à s’enliser.

« Une cliente est rentrée au salon une fois et m’a dit « je suis sortie de chez Schleiper et un homme m’a suivie avec des billets dans une main et avec l’autre, il se masturbait! »

« Une autre cliente est arrivée au salon avec 20 minutes d’avance. En allant ouvrir la porte, je vois qu’un homme était à côté d’elle sur le seuil: elle me dit en se précipitant à l’intérieur qu’elle ne le connaît pas, il l’avait suivie depuis le parking de la Cité Administrative, soit pendant 400 mètres littéralement. J’ai essayé de lui faire comprendre qu’on n’importunait pas les femmes comme ça, forcément en vain, car il était ivre. Il était aux alentours de 10h30 ». Des histoires fréquentes, qui sont loin d’être un fait isolé.

Gentrification Liège

Préférant voir le verre à moitié plein, Noémie se veut toutefois rassurante : « dans l’ensemble, je trouve que c’est une chouette rue. Des gens sympas y habitent et le bar situé à côté apporte beaucoup de convivialité ». Elle est aussi consciente de la dynamique du quartier, qui ne cesse de changer « des maisons sont rénovées, de nouveaux commerces ouvrent. Il y a beaucoup de potentiel ». Sauf que parfois, c’est juste trop. Ce qui amène aujourd’hui la jeune entrepreneuse à s’interroger, alors même que son salon est situé à quelques pas du commissariat du centre, sur une certaine forme de laissez-faire envers certains.

« Les bandes qui squattent devant chez Schleiper, souvent un mélange de macs et de dealers, d’alcooliques ou  de toxs, qui vident leurs canettes qu’ils laissent forcément là et puis qui finissent par se battre entre eux, hurlent et se donnent en spectacle »

Un climat d’insécurité vis-à-vis duquel Noémie ne souhaite pas faire d’amalgames. « En soi, les prostituées de rue ne sont pas malveillantes, je n’ai jamais eu de soucis avec elles. Pareil pour les toxicomanes qui sortent de la salle de shoot. En revanche, il est vrai que ça amène un sentiment d’insécurité de par le genre de personnes à qui cela profite ». Car en matière d’incivilités à Liège, chacun en prend pour son grade.

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« Les rues de Liège sont confondues avec des urinoirs. Les hommes qui urinent partout, tout le temps. Ils ne prennent même plus le temps de se cacher, comme si c’était juste normal »

« Et lorsque l’on fait une remarque on a droit « hey c’est bon hein j’ai besoin, je ne vais pas remplir la Meuse non plus! », ou plus charmant, un clin d’œil, en rattachant fièrement son pantalon. Si les femmes faisaient pareil je pense peut-être que ça ferait prendre conscience que ce n’est pas normal de faire ses besoin n’importe où en ville à la vue de tous » souligne encore Noémie.

Des situations problématiques dénoncées à de nombreuses reprises auprès des forces de l’ordre, mais qui restent souvent sans suite. « Les vitres de voitures cassées c’est la routine en centre-ville, c’est arrivé à mon papa lorsqu’il est venu amener les décorations de Noël au salon ».

« Lorsque l’on prend la peine de porter plainte, on s’entend dire par la police « malheureusement on sait souvent qui ils sont, mais on ne sait rien faire » ».

Un combat de longue haleine qui se mène à l’ombre des grandes enseignes. C’est que dans le quartier, les trop rares commerces qui ouvrent sont le plus souvent des projets de cœur, portés par des entrepreneurs qui ne peuvent se permettre les loyers exorbitants de l’hypercentre.

Gentrification Liège

« Tout ça peut paraitre futile pour certaines personnes, mais ça impacte directement la dynamique du centre-ville. Les gens n’ont pas bon de se promener, surtout pas le soir. Être une femme et se balader seule c’est encore pire forcément ».

« Il faut tout de même rappeler que des gens mettent toutes leurs économies et leur temps pour créer des projets, pour amener du neuf et du positif à la ville. On a des fois l’impression d’être en opposition face à certaines ASBL ou même à certains agents de police alors qu’il vaudrait mieux une collaboration ».

Un combat de longue haleine qui devrait heureusement connaître un sérieux coup d’accélérateur avec l’achèvement des projets Grand Poste et Madeleine 4.0, Entre gentrification et désolation, la ville a choisi (et les commerçants aussi). Encore faut-il que tous les Liégeois suivent…

Madeleine 4.0

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