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Castings, rapport au corps… Confessions de mannequins liégeoises

Entre IMM, Dominique Models, Smiling Agency ou encore Flag Models, Bruxelles nous devance sur une chose : les agences de mannequins. Si le milieu peu présent à Liège, il n’en reste pas moins que la Principauté cache très certainement les plus belles filles du patelin et un agent de mannequin. Des trajectoires souvent contrastées, loin des clichés éculés.

Dotées d’un tempérament plus trempé qu’un lacquemant, Ambre, Aurore, Claire et Natacha ont toutes quelque chose en commun : faire ce qu’elles ont toujours eu envie de faire. La tête sur les épaules, elles sont conscientes des problèmes de la société. Elles ont des valeurs dans lesquelles elles souhaitent s’engager plus que quiconque et aimeraient, elles aussi, changer les codes de la beauté.

Ambre Frisque, 42 ans, Mannequin chez Dominique Models et photographe

À l’âge de 16 ans, un ‘model scout’ m’a repérée. Je ressemblais à un mec, donc j’ai cru que c’était une blague. Aujourd’hui, je suis chez Dominique depuis 97. Je n’ai jamais compris ce que je faisais là (rires) !

Je suis une vieille de la vieille, c’est une chance, car on me paie parfois plus pour mon expérience. En 2020, à part les grandes marques à New York qui ont les moyens de créer des égéries, c’est très compliqué. À l’époque, on partait 10 jours pour en travailler 3 jours. Aujourd’hui, c’est la rentabilité avant tout, donc on part 3 jours pour en travailler 10. Quand je vivais à New York, j’ai dit non à pas mal de contrats, car je voulais une vie plus pépère. Les choses ont changé lorsque j’ai voulu un enfant. Je suis rentrée en Belgique et ma carrière a pris le tournant que je lui ai donné.

Le milieu est beaucoup moins strict maintenant. Entre les seins trop petits, la cellulite et les cheveux gris, il faut trouver le juste milieu entre ce qu’il y a à améliorer et à accepter. Un mannequin, c’est comme une toile sur laquelle on met de la peinture.

Toute la journée, on entend un tas de critiques puissance dix, car personne ne prend de pincettes pour parler de nos défauts. À la fin de la journée, on a l’impression d’être un monstre. Niveau estime de soi, c’est compliqué.

Aujourd’hui, je peux me détacher de tout ça et je trouve mon bonheur ailleurs, dans la photographie par exemple. À Liège, par rapport à d’autres filles, on sait s’affirmer et bien s’entourer, donc je pense qu’on a plus facile à prendre notre carrière en main et à s’en détacher si on en ressent le besoin.

Aurore Morisse, (presque) 30 ans, Experte en objet d’art et Mannequin chez 4PLAY

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Campagne pub pour @paddocks_jeans

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Un jour, ma sœur jumelle a voulu se rendre à un casting. Ma mère nous a toujours dit de tout faire à deux. J’étais un garçon manqué, mais les agents nous remarquent et voient du potentiel. C’est là que tout a commencé.

C’est un métier très compliqué, quoi qu’on en pense. Il faut être malin et avoir du culot.

Je me suis faite passer pour quelqu’un d’autre afin d’accéder à certains castings. À mes 25 ans, j’ai eu une grosse prise de conscience en me demandant qui j’étais vraiment. Ma vie a toujours été dictée par les critères de beauté. J’ai presque 30 ans et quand je dis que je n’ai pas confiance en moi, personne ne me croit.

Je pense qu’en tant que mannequin, on a un rapport différent à la beauté. Je hais le fait de mettre mal à l’aise des femmes deux mois avant l’été. La société va mal. J’ai envie de changer les choses, mais comment faire quand les autres ne sont pas prêts à l’entendre ? Les femmes rêvent de rentrer dans du 36 et la société n’est pas prête à voir autre chose. Pour moi, une belle femme c’est une femme qui a de l’aura, qui n’a peur de rien et qui assure, comme Angela Merkel.

Être mannequin n’a jamais été un rêve, ni mon activité principale et je crois que c’est ça qui m’a aidé à garder les pieds sur terre. Aujourd’hui, je suis dans la pub, donc c’est différent. Et puis, poser pour des médicaments, ça paie plus que défiler pour Armani !

Un jour, je ferai le transsibérien et le transmongolien et je partirai trois mois. J’ai toujours essayé de faire ce qui me rendait heureuse.

Claire de Regge, 27 ans, Mannequin chez Hakim Model Management

J’ai été repérée quand j’avais 14 ans. Quand j’ai eu fini mes secondaires en art plastique, j’ai commencé le mannequinat à temps plein. C’est mon activité principale depuis toujours, mais j’ai des passions sur le côté comme la peinture, ma marque de bijoux, ma collection de vêtements… Si ma carrière devait s’arrêter, j’aimerais investir dans l’immobilier pour faire des locations d’AirBNB par exemple. Ce qui est bien, c’est que les mannequins sont de plus en plus âgées, car le public ciblé l’est aussi. Donc j’ai encore le temps. Nous avons le droit de vieillir (rires).

Je ne travaille pas souvent en Belgique. Quand j’arrive, je demande qu’on me brief, car j’aime bien savoir ce que je dois faire, ce dont le client a envie… Je regarde un peu ce que le photographe fait avant d’arriver sur place, et on commence à travailler. Le dernier défilé que j’ai fait, c’était pour Marine Serre en 2019. j’ai ouvert le show, mais j’avais une tenue où on ne voyait que mes yeux donc personne ne savait que c’était moi (rires).

Une mannequin c’est une fille qui doit représenter toutes les femmes, accepter son corps tel qu’il est. Pourtant, on voit beaucoup des mannequins 34-36, ou des filles XXL, mais il n’y a pas d’entre-deux, c’est-à-dire des mannequins qui représentent les trois-quarts de la population.

Il y a beaucoup de problèmes dans ce milieu, notamment d’anorexie, car les agents gagnent leur argent avec les mannequins et sont donc très exigeants avec leur gagne-pain. Avec moi, ils ont néanmoins compris que ça ne servait à rien. Je dis « oui », mais au final, je fais ce que je veux (rires).

Natacha Beer, 23 ans, Mannequin chez IMM

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Sunbathing by @feliciavanham for @immbxl

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En 2016, le ELLE recherchait de nouveaux visages pour le magazine. Ma mère a insisté pour que j’envoie ma candidature, mais je n’y croyais pas du tout. Sur un malentendu, c’est passé, j’ai donc commencé en faisant la cover du ELLE. Je me suis créé un compte Instagram et j’ai été contactée par Flag Models où j’ai signé. Cette chance, je l’ai eue, et je l’ai saisie.

C’est un vrai métier, le matin, tu dois te lever et être fraîche comme la rosée et non comme la bouteille de rosé de la veille (rires).

Heureusement que je suis passionnée. J’ai de la chance d’être entourée de gens qui me permettent de faire du mannequinat tout en restant moi-même. Je suis la preuve qu’une fille pulpeuse peur être mannequin.

Aujourd’hui nous devons incarner l’authenticité. Garder les pieds sur terre et être soi-même. Mais une fois qu’on rentre dans la case « mannequin – instagrammeuse », on dégage une image d’inaccessibilité, alors que le problème de ma vie, c’est mon manque de confiance en moi. Si j’ai l’air de me kiffer en photo, c’est d’abord pour mon job et non ce que je suis vraiment.

J’ai appris à m’accepter, mais dans le milieu, c’est encore plus difficile de se trouver belle. Sur les réseaux sociaux aussi, les gens s’arrêtent sur des choses tellement peu importantes par rapport à ce qui se passe dans le monde.

Si chacun faisait attention à ses habitudes, tout le monde serait plus heureux. J’essaie de donner un max d’amour et les gens me le rendent bien. Mon rêve de petite fille, c’était de faire de ma vie un rêve. Je voulais simplement être heureuse. Ce sont les valeurs que mes parents m’ont inculquées, ma maman m’inspire beaucoup.

Julien Matijevic, Model Scout, Model Agent & Director de The Eye Management

Après une expérience comme Booker chez IMM, j’ai décidé de lancer ma propre agence de scouting de mannequins en 2020 : The Eye Management. Je suis l’intermédiaire entre le mannequin, les clients et les agences étrangères. J’ai une dizaine de filles, une dizaine de garçons et une dizaine de petits nouveaux. Pour reconnaître le potentiel d’un mannequin, c’est un ressenti, et plus on avance dans les années, plus l’œil est aiguisé.

Le corps d’un mannequin est sa vitrine, c’est avec ça qu’il gagne sa vie. À partir du moment où c’est du business, il y a malheureusement certaines conditions… Mais quelqu’un qui est bien dans sa tête n’entre pas en conflit avec lui-même si c’est ça qu’il veut. Je suis pour l’ouverture d’esprit, mais le but c’est de faire rêver.

Pourquoi est-ce que c’est la femme 34-36 qui fait rêver sur une campagne publicitaire ? Je n’en sais rien.

On a des mannequins plus petits, d’autres qui font du 44-46. L’industrie tente de se rapprocher de la population, mais ce n’est pas encore assez, vu qu’on ne parle toujours pas des filles qui font du 38.

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Crédit photo de couverture : D.R., Fabrice Mariscotti (photo de gauche) et Aurore Morisse (photo de droite)

Après un passage chez ELLE Belgique et Paris Match, la plume de cette publicitaire de formation, mordue de copy-writing, s'est posée chez Boulettes Magazine où elle rédige des reportages percutants et des articles lifestyle brillants. Retrouvez, aussi, une partie de son travail dans le magazine PUB.