Hey, Jo : Rencontre avec un illustrateur fort en couleurs
Vous êtes déjà allés au Casse du Siècle, le bar à vin décalé de la rue Saint-Rémy?
Jusqu’à samedi, on peut y découvrir les oeuvres de Jo, un illustrateur liégeois à l’univers haut en fleurs et en couleurs.
Séduits, on lui a posé quelques questions – Portrait d’un passionné qui manie avec habileté le pinceau et le crayon.
J’ai toujours dessiné, depuis que je sais tenir un crayon. Enfant, je dessinais les héros de tous les films que je voyais, et j’inventais des histoires à rallonge avec toujours plus de personnages… J’avais déjà en tête de faire des livres à l’époque! Puis les livres ont été remplacés par des blocs de feuilles quadrillées que je remplissais lorsque je m’ennuyais en cours durant le secondaire, principalement en math. Une fois sorti de l’école, dans laquelle je suivais des cours en option art de la parole, il a fallu choisir entre le théâtre et le dessin, mon coeur balançait entre Bruxelles pour l’INSAS et Liège pour St Luc… J’ai finalement choisi le dessin en entamant un cursus à l’ESA Saint Luc Liège en illustration. Après avoir appris à mettre en scène et à dire mes paroles et celles d’autrui, j’ai été attiré par la mise en images de messages, de textes…
Finalement, à St Luc, ça ne s’est pas très bien passé, j’ai raté mon année, je l’ai recommencée et j’ai finalement signé mon jury de Noël pour fuir l’école qui ne correspondait pas du tout à mon tempérament (mais qui est quand même un bon établissement, il suffit juste d’y trouver sa place). Après avoir suivi Accroche, un programme d’orientation de l’Helmo, j’étais reboosté et bien décidé à ne pas lâcher l’illustration en travaillant d’arrache-pied.
J’ai donc dessiné quasi nuit et jour, tout en me développant sur les réseaux sociaux pour me faire connaître puis je me suis inscrit à l’Académie Royale des Beaux-Arts de la Ville de Liège, pour une troisième première (bah oui, jamais deux sans trois hein) et je m’y sens parfaitement bien, je pète des flammes et je travaille sans relâche, et à côté de l’école, je cours après les marchés de créateurs et les lieux d’expos, pour atteindre toujours plus de nouveaux publics et surtout pour les rencontrer en personne. J’ai donc démarré en autodidacte et je suis maintenant en pleine formation. 
Et le résultat est plutôt réussi! D’ailleurs, Jo, comment tu décrirais ton univers pour nos cher(e)s Boulettes?En fait, je suis un touche-à-tout! J’aime expérimenter et mélanger des trucs avec d’autres bazars et parfois ça rate et ça fait de la gadoue, mais parfois ça rend bien, alors je développe ce mélange de techniques dans une illu et puis je suis content! Mais surtout, je me lasse vite, très très vite, alors pour changer d’air dans mon boulot, je change de technique! Et puis je suis encore à l’école alors il me reste des techniques à découvrir et à approfondir, comme la gravure et la sérigraphie, par exemple. Le changement intempestif de mes techniques ajoute encore une force à la variété que je veux proposer dans mon boulot, et surtout, ça contribue à mon amusement! Mon univers est coloré, fleuri, délicat mais parfois criard, spontané (car je ne travaille presque jamais avec un crayonné, je bosse quasiment tout en one-shot), c’est aussi une galerie de motifs floraux ou urbains, des plantes et des villes tout droit sorties de mon imaginaire, c’est un univers qui se caractérise aussi par la mixité des techniques, comme des styles et codes graphiques. En fait je vire-volte tellement d’un style à un autre, en gardant toujours la couleur comme ligne conductrice, que c’est difficile de décrire mon univers, mais si je dois donner un critère global, c’est l’amusement. Parce que je m’éclate en dessinant, et ça, c’est fabuleux. 
La scène artistique liégeoise est extrêmement riche, variée et surtout, hyper sympa. Liège n’est pas une très grande ville, et pourtant on trouve une quantité d’artistes incroyables, qui explorent chacun leur domaine en proposant des univers singuliers. Et puis à Liège, il se passe toujours quelque chose! Des expos, des spectacles, des concerts, notre belle cité ardente a toujours plus de propositions à nous faire, c’est génial! Tiens, d’ailleurs, en parlant d’expo… Tu nous organises une mini expo virtuelle, là, comme ça, maintenant? 
Là, c’est un truc que j’adore faire : je travaille mes valeurs et ma forme globale au fusain, je fixe, je pose mes fonds de couleurs à l’écoline, je fais mes détails de visage et de main au critérium, puis je reviens au détail dans la végétation à la gouache. Je pourrais dessiner du végétal pendant des heures, j’adore ça. 
Ici, j’ai voulu m’orienter vers un registre un peu plus « image contemporaine », j’écoutais une playlist des années 90 et ça m’a inspiré des couleurs flashs et des motifs sur des chemises, et j’avais ce cœur gravé dans de la lino qui me faisait de l’œil, donc je l’ai enduit de gouache rouge et je l’ai imprimé sur la tête du perso! J’ai mélangé écoline, gouache et gravure, dans une optique tout à fait expérimentale, et puis j’étais content! 
Voici une planche réalisée durant un workshop dirigé par Victor Hussenot, où il m’a un peu sorti de mon champ de confort, je n’avais jamais fait de planches avant. La thématique est claire, et parle à la plupart d’entre nous, et ce travail m’a vraiment été bénéfique dans l’apprentissage du rythme et de la narration, mais j’ai surtout appris à répondre à une demande en conservant un style dans lequel on me reconnaissait, et j’ai abordé un sujet qui me tient à cœur, les questions existentielles qu’on a tous entendues une fois dans nos vies, qui partent, pour la plupart, d’une bonne intention, d’une inquiétude, d’un bon fond, et qui peuvent faire basculer une personne de la motivation, de l’ambition, à la résignation. Heureusement, Jo, lui, ne s’est pas résigné et est au contraire plus motivé que jamais à continuer à dessiner. Son univers et son bagout nous ont séduits, et si c’est le cas pour vous aussi, alors foncez le découvrir au Casse du Siècle jusque samedi, ou bien sur sa page Facebook, ici!
